D'UNE SEMAINE A L'AUTRE
AOUN REFUGIE OU PRISONNIER POLITIQUE?
Le général Michel Aoun qui devait se rendre mardi à Strasbourg à l'invitation du Parlement européen, a été empêché de quitter sa résidence à Haute-Maison non loin de Paris, les forces de l'ordre ayant établi un cordon autour de cette dernière, sur un rayon de cinq kilomètres. Un porte-parole du Quai d'Orsay a justifié cette mesure, en rappelant que "le général Aoun s'est engagé à ne participer à aucune manifestation publique, quand le gouvernement français lui a accordé le droit d'asile politique au mois d'août 1992". Fait curieux: dans son commentaire mercredi matin, Radio France Internationale a dit en substance: "Le général Aoun a eu son heure de gloire au temps où il avait assuré le pouvoir exécutif quand le Liban était en état de guerre... Mais maintenant; il n'a plus qu'une certaine audience. Les Libanais lui préfèrent le milliardaire libano-séoudien, Rafic Hariri, actuel chef du gouvernement..." (sic)
LES DEPUTES EUROPEENS PROTESTENT...
Plusieurs députés européens ont dénoncé les mesures prises par les autorités françaises à l'encontre du général Aoun. Ainsi, M. Bernard Kouchner (groupe socialiste), juge "grotesque" la ceinture établie autour de la maison du Général pour l'empêcher de participer à la réunion d'un intergroupe. Le plus violent a été M. Bernard Anthony, député européen du Front national, qui a déclaré: "En séquestrant le général Aoun et en l'interdisant de parole comme il ne le fait pour aucun terroriste, corse ou autre, le gouvernement français prouve s'il en était besoin, sa totale allégeance au gouvernement fantoche libanais de M. Hariri, l'homme de la Syrie mais aussi le multimilliardaire si généreux pour Jacques Chirac et le RPR". Aux dernières nouvelles, le Parlement européen a protesté contre la manière d'agir de Paris, rappelant que "Strasbourg se trouve en dehors du territoire français"...
LIBAN - IRAN
Les observateurs relèvent une intensification des contacts entre Beyrouth et Téhéran, par le truchement d'émissaires iraniens qui se succèdent dans la capitale libanaise à un rythme accéléré ces dernières semaines. Il y a lieu de signaler qu'au cours de leur entrevue avec M. Ali Akbar Welayati, chef de la diplomatie iranienne, lors d'une visite officielle au Liban, les présidents Berri et Hariri l'avaient convaincu de ne pas traiter directement avec le "Hezbollah" mais à travers l'Etat libanais. M. Welayati a promis d'agir dans ce sens; aussi, l'aide iranienne aux sinistrés sudistes a-t-elle été envoyée au haut comité de secours qui s'est chargé de la faire parvenir aux bénéficiaires.
VERS LA REUNION DU GROUPE CONSULTATIF EN JUIN?
Les milieux officiels s'attendent qu'à la suite des pourparlers entamés à Bruxelles par le président Rafic Hariri, une date soit fixée pour une première réunion de travail du groupe consultatif devant contribuer à la reconstruction des régions dévastées par la guerre et, aussi, par la dernière agression israélienne. Selon certains cercles diplomatiques renseignés, cette réunion pourrait se tenir au début du mois prochain à Washington, pour établir le mécanisme de fonctionnement du groupe, sur base d'études effectuées par le gouvernement libanais.
CAUSERIE SUR LE LIBAN AUX COMMUNES
A l'invitation de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes, Me Ibrahim Kanaan, secrétaire général du conseil juridique britannique pour le Moyen-Orient, a donné une causerie sur "le rôle du Liban dans la consolidation de la paix, par le biais de la démocratie et de la souveraineté totale". Parlant du système politique libanais, le conférencier a mis l'accent sur l'ensemble des pressions "qui sont exercées sur notre pays en vue de façonner son profil politique". "L'équilibre entre les différentes communautés et le respect d'un tel équilibre, ajoute-t-il, ont assuré la continuité de ce qui fut considéré comme un prototype de paix dans la région. Le secret de cet exemple libanais, fondamentalement différent de ses voisins, réside dans le climat de liberté qui a abouti au développement d'une véritable démocratie". Mettant l'accent sur l'importance de l'équilibre confessionnel dans le pays dans les circonstances présentes, Me Kanaan a souligné que le dépassement de l'allégeance confessionnelle afin d'aboutir à l'intégration nationale ne saurait être imposé "par la force d'une loi quelconque ou sous l'effet de pressions étrangères. Il faut que le citoyen ait la conviction profonde que son allégeance nationale doit dépasser son allégeance confessionnelle", a souligné Me Kanaan. Abordant le chapitre des élections législatives, Me Kanaan a insisté sur l'importance du scrutin "afin d'opérer le redressement nécessaire au niveau du système politique libanais".
POURQUOI LE RETARD DANS L'ELABORATION DE LA LOI ELECTORALE?
"Le retard mis par le gouvernement à élaborer une nouvelle loi électorale est une grande mascarade, car une telle loi aurait dû être soumise à l'Assemblée, pour ratification depuis des semaines", déclare M. Gebrane Tok, ancien député de Bécharré "Si, dit-il, le but de ce retard est de reporter les législatives, qu'ils le disent en toute franchise. Et si la cause de ce retard est d'ordre régional, en rapport avec les élections israéliennes du 29 mai, qu'ils le disent sans ambage, pour que le peuple sache à quoi s'en tenir et pour permettre aux candidats éventuels de préparer leur campagne électorale. "De toute façon, ajoute l'ancien parlementaire, la démocratie doit suivre son cours normal chez nous. Car les législatives ne peuvent être liées à des questions régionales ou extérieures, alors que l'Etat hébreu organise une consultation populaire, en dépit de la situation si peu rassurante qui sévit dans sa région nord et des difficultés auxquels le gouvernement israélien se trouve en butte au plan intérieur". Enfin, M. Tok se prononce en faveur d'une loi électorale équilibrée traitant toutes les régions sur le même pied d'égalité.
QUE CACHE LA VISITE DE HARIRI AU VATICAN?
En recevant le président Rafic Hariri, S.S. le Pape Jean-Paul II lui a dit qu'il était au courant de tous les détails relatifs à la dernière agression israélienne contre le Liban-Sud et aux massacres de Cana, Nabatieh et Mansouri que Sa Sainteté a condamnés. Le chef du gouvernement avait confié à des responsables français, lors de son escale parisienne, que le Souverain Pontife lui a posé plus d'une fois la question suivante: Comment les Israéliens peuvent-ils perpétrer de tels actes sur une terre sacrée"? Selon certains recoupements, M. Hariri aurait limité son entretien avec le Saint-Père au Liban-Sud, sans évoquer les questions d'ordre intérieur intéressant les Libanais. Il nous revient, d'autre part, que le Saint-Siège a pris l'initiative d'une action intensive visant à prévenir de nouvelles agressions israéliennes contre le Liban. A cet effet, il a pris contact avec le président Jacques Chirac, pour se renseigner à propos du groupe de surveillance et s'assurer que ce dernier sera constitué de manière à empêcher les violations de la trêve à l'avenir le long de la frontière libano-israélienne.
ISRAEL RECONNAIT LA SOUVERAINETE LIBANAISE
Selon des renseignements parvenus de cercles diplomatiques suivant de près les réunions de Washington, en vue de la formation du groupe de surveillance du cessez-le-feu, l'Etat hébreu aurait reconnu la souveraineté libanaise sur le territoire national allant jusqu'aux frontières du Liban internationalement reconnues. Les observateurs en déduisent que Tel-Aviv pourrait souscrire à la résolution 425 et l'appliquer dans un délai plus ou moins long, ce qui exige le retrait de "Tsahal" de la Békaa ouest et du Liban-Sud.
POUR GARANTIR LA LIBERTE DES ELECTIONS
D'après des sources proches de l'opposition (libanaise), le président Jacques Chirac aurait interrogé le président Hariri, quand il l'a reçu cette semaine au palais de l'Elysée, sur la possibilité pour son gouvernement d'organiser les élections législatives dans le délai constitutionnel. De plus et toujours selon les mêmes sources, le chef de l'Etat français aurait conseillé au chef du gouvernement de former un Cabinet d'union nationale dont les membres ne seraient pas candidats, afin de garantir la liberté du scrutin et sa régularité...
LE PATRIARCHE SFEIR, IRREDUCTIBLE
S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir tente de prendre ses distances d'un bloc parlementaire qui cherche à ouvrir une nouvelle page avec Bkerké, en prévision des prochaines législatives. L'éminent prélat tarde à fixer un rendez-vous aux membres du bloc mentionné et pose comme condition pour les recevoir qu'ils ne soulèvent pas le problème électoral et, surtout, le partage du Mont-Liban en plus d'une circonscription, alors que les autres régions seraient maintenues sous le système du mohafazat.
ON DIT...
- Qu'une institution médiatique audiovisuelle a avisé son personnel qu'il doit prendre ses dispositions pour rechercher une nouvelle activité, promettant de délivrer à ceux parmi ses employés qui le désirent, des attestations leur permettant de trouver un nouveau travail…
- Que le président d'une institution publique a rédigé sa lettre de démission et compte la présenter dès qu'une décision sera prise à propos de la date des législatives.
- Que cinq députés au moins ne figureront pas sur la liste d'une haute instance dont ils furent les colisiters dans le passé…
...EN RACCOURCI
- Cana sera en juin prochain, le théâtre d'une manifestation spirituelle islamo-arabo-chrétienne, celle-ci devant être organisée en signe de solidarité avec le Liban, face à l'agression israélienne. Et ce, en marge d'un congrès du Conseil des églises du Moyen-Orient en faveur de Jérusalem, ayant pour thème central: "Des musulmans et des chrétiens arabes ensemble en faveur de la Ville sainte".
- M. Elie Ferzli, vice-président de la Chambre, juge naturelles les tractations autour de la loi électorale, "parce que cela reflète les intérêts des forces en présence dans tout système politique". En réponse à une question, M. Ferzli a reconnu que le gouvernement n'avait encore déposé sur le bureau de l'Assemblée aucun projet portant révision de la loi en question.
OPINION
OU EN SOMMES-NOUS DE LA LOI ELABOREE SUR MESURE?
La première leçon que les étudiants en droit reçoivent porte sur la loi, laquelle doit être générale et globale, traitant les citoyens sur le même pied d'égalité, sans avoir un effet rétroactif. En tant que pays démocratique, nous consi-dérons que la loi est appliquée chez nous. Cependant, nous n'en donnons pas la preuve, sauf lorsque les intérêts des forces agissantes sont en jeu, paraît-il. Face à ces intérêts, tout devient facile. Même la loi, la démocratie, la liberté et tous les slogans dont se gargarisent les gosiers... On nous promet des élections en automne, soit entre septembre et octobre au plus tard. Ils ont dit que la loi allait tarder à être élaborée jusqu'en février et, dans le pire des cas, jusqu'en mars, après qu'on aura ratifié le projet de budget et approuvé les projets urgents. Le délai fixé s'est déjà écoulé et on continue à discuter de la loi électorale. Puis, l'agression israélienne intervient, que les responsables invoquent pour justifier le retard à se pencher sur ladite loi. L'agression a cessé, mais on discute à présent du mécanisme sur base duquel sera surveillé le cessez-le-feu et des moyens à mettre en œuvre en vue de prévenir les violations de la trêve. Ensuite, ils prennent prétexte des élections israéliennes, disant qu'il faut attendre pour voir qui l'emportera: Shimon Pérès ou Benyamin Netanyahu, pour décider si nos législatives doivent se dérouler dans le délai constitutionnel ou si la conjoncture régionale ne permet pas l'organisation du scrutin! Il faudrait, alors, reporter le scrutin d'un semestre ou d'une année tout au plus... Puis, qu'en est-il du délai imparti aux fonctionnaires de la première catégorie, désireux de poser leur candidature? On nous répond: Il n'y a rien à craindre sur ce point, le délai pouvant être ramené de six à trois mois ou même supprimé. Bravo! De fait, le Libanais accomplit des miracles. Est-ce de cette manière que la loi doit être élaborée? Et pourquoi exige-t-on des fonctionnaires de démissionner dans un délai déterminé pour avoir le droit de poser leur candidature? Dans ce cas, la démission s'ins-crit-elle dans le jeu démocratique? Pourquoi? Pour que le fonctionnaire n'exploite pas sa fonction afin d'acquérir plus de suffrages? Fort bien. Mais comment concilier cette logique et celle exigeant qu'un gouvernement neutre supervise les élections, sans qu'aucun de ses membres brigue un siège à l'Assemblée? Autre fait à signaler: on opte pour la carte électorale et on définit les conditions de découpage administratif: Le moment venu, on passe outre à tout cela, en excluant l'usage de ladite carte et on organise le scrutin sur base d'une circonscription déterminée "pour une fois". Ou encore on procède au découpage des circonscriptions sur la mesure d'un certain nombre de candidats. Il serait question de partager le Mont-Liban en deux circonscriptions: la première comprenant Jbeil et le Kesrouan et, la seconde, le Metn-Nord, Baabda, Aley et le Chouf. Quelle intégration nationale peut-elle se réaliser à travers cette "formule"?. A moins que pour certains l'intégration vise à garantir les intérêts de particuliers...
NADIM EL-HACHEM.
Rdl du 25 Mai au 1er Juin 1996.