LA CHRONIQUE

LA LOI DE L'AUDIOVISUEL, UN RENDEZ-VOUS A HAUTS RISQUES?

Dans le carcan des débats autour de la loi sur l'audiovisuel, nous nous limiterons à traiter son côté négatif et les répercussions qu'elle engendrera, au niveau du marché de l'emploi. A l'heure où au Liban se profile une population considérable, condamnée au chômage, évaluée approximativement à 40% de la population active, la nouvelle loi de l'audiovisuel viendra y greffer un autre chiffre, 50.000 salariés selon les sondages directement concernés, entre commerçants et cadres, dont les revenus relèvent de leur participation quotidienne dans les multiples stations de radios et télévisions réparties à travers tout le Liban. A ceux-ci, il va falloir ajouter un chômage potentiel de nouveaux diplômés dont les opportunités de travail seront notablement réduites. Nous voilà donc face à une nouvelle impasse qui s'ajoutera à tant d'autres non moins accablantes, - rien que pour avoir refusé de plein gré, d'aborder de face les mutations d'envergure, combinant à la fois, les rétributions équitables et la répartition du travail et des bénéfices. Les promoteurs de la nouvelle loi de l'audiovisuel ont-ils prévu les lourdes conséquences sociales, qu'entraînerait cette législation au niveau du marché de l'emploi, déjà en difficultés?

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Lorsque nous préconisons un nouveau statut social, pour un ré-ancrage intelligent du développement économique au Liban, d'une maîtrise tous azimuts du jeu machiavélique des lois du marché, c'est pour le bien-être des Libanais que nous plaidons. Les idées ne manquent pas, ce qui fait défaut c'est la volonté des décideurs politiques de s'attaquer aux problèmes qui affectent le monde du travail, en œuvrant conjointement à les résoudre, loin de tout parti-pris, d'instau-rer une justice sociale, en attribuant à chaque Libanais, un "revenu d'existence", un "revenu de citoyenneté", à l'instar des pays développés. Le passage au troisième millénaire ne va pas être aussi facile que le croient les politologues. Il va falloir définir notre rapport avec le nouvel ordre qui régira les sociétés de demain. Ce passage ne sera pas difficile, si nous abordons les problèmes sous l'angle des valeurs morales qui définiront ce qui est interdit et ce qui est autorisé. Désormais, on s'interrogera sur la moralité de l'entreprise, publique ou privée, par rapport à la société et l'apport qu'elle devrait offrir, ou dans lequel elle opère. Les modestes avatars du vieux traitement social sont révolus. La promulgation des lois extrêmement disparates, dans le cadre des prestations sociales, n'est guère suffisant. C'est d'une politique révolutionnaire du travail que le Liban a besoin, accompagnée d'autres structurations ambitieuses: politique économique de démarrage, après une longue période de récession, une politique de formation professionnelle et de modernisation de l'entreprise, et surtout et aussi, une politique de libération de l'emploi, retraite et pré-retraite, congé hebdomadaire respecté, retraite parentale, remédiant à toutes les situations, aussi difficiles fussent-elles.

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Cet important volet de la politique sociale, devrait désormais figurer dans toute thématique gouvernementale parce qu'indispensa-ble à la paix sociale, sollicitée au quotidien. Les solutions anodines à l'arraché, n'étant que génératrices de conséquences perverses à tous les niveaux. N'est-il pas grand temps surtout de sortir de cette galère, d'éviter les oracles sociaux qui frappent à la porte, d'explorer enfin une nouvelle stratégie de l'emploi, d'une redéfinition astucieuse des rapports entre l'économie et le social, sans que les législations encombrantes, influent sur la qualité de la vie so-ciale, culturelle et politique, dans un Liban en pleine mutation? En adoptant cette politique de rééquilibrage, nous visons juste le point nodal des multiples problèmes qui entravent notre accès au développement et à la modernité. Ce travail suppose de notre part, le courage d'imposer à l'économie du Liban, en mauvaise posture, un nouveau cours, un nouvel élan, à partir d'une référence d'action qui devrait s'organiser dans le cadre d'une restauration de la règle des droits et des obligations, jusqu'au jour où la société libanaise sera capable de débattre rationnellement du statut social, dans un climat propice à des négociations multilatérales à l'échelle nationale, sous l'égide d'un Etat de droit, aboutissant à un accord définitif sur les solutions du problème sociale, - celui du chômage en premier. Il serait totalement absurde de ne pas saisir l'occasion de provoquer un grand et indispensable sursaut, à travers une mobilisation générale en faveur d'un projet de justice sociale rompant, définitivement, avec une "politicardie sociale", dont on peut, sans honte, se demander, si elle est autre chose qu'une succession d'effets propres au traitement inefficace, autant dire à des amusements alternatifs pour distraire à la fois les ayants-droit et l'opinion sans plus. Un pays qui tient à la réussite doit nécessairement intégrer dans la conscience collective, une stratégie de l'emploi, respectueuse des droits et intérêts transcendants de ses citoyens, capable d'assurer en même temps sa progression. Au-dela des alternances politiques qui ne changent rien à rien, nous voilà face à face avec une autre, où se joue le sort des libertés publiques, qui sont à la base de l'identité du Liban. Reste encore un cri d'alarme à pousser: qui contrôlera désormais, les contrôleurs des Libertés publiques au Liban? L'opinion, les médias ou l'Etat?

"Le passage au troisième millénaire ne sera pas qu'un symbole. Il redéfinira notre rapport aux grands indicateurs qui régiront le monde."

Mike Burke ("Styles de pouvoir")

José M. LABAKI.

Rdl du 25 Mai au 1er Juin 1996.