EDITORIAL

Par Melhem KARAM

L'OPINION DE LA LIBERTE EST L'OPINION DES GENS

Les parlementaires arabes ont dit à Cana, où ils ont clôturé leur congrès ayant tenu ses assises à Damas, ce que tout Arabe est censé dire; plutôt tout homme croyant en Dieu et ayant foi dans le droit. Parce que Cana est devenu un lieu de pèlerinage après avoir été un prétexte pour ceux qui prennent le parti du martyre contre les bourreaux. Et le prétexte pour le Liban dans bien des domaines… dont celui de consolider son unité nationale. Mais il n'est pas permis que Cana soit un fait quotidien. Cana est un jour… non l'histoire de chaque jour. Aussi, par pitié pour Cana et afin de préserver l'éclat du martyre, qu'il soit transformé en sanctuaire. Et que la visite à cette localité soit une occasion de commémoration et de renouvellement d'un engagement. Quel lieu de pèlerinage national est-il visité chaque jour? Et quelle trace de l'agression sur un peuple est-elle une simple apparence? C'est une flamme permanente dans l'âme qui attise la flamme de la loi. De là, le martyre reste au summum de son caractère sacré, lorsque nous l'entourons d'un halo de prestige et de ferveur. C'est pourquoi, le martyre est une leçon qui doit nous inspirer et nous guider. A partir du martyre, nous aurons un lendemain meilleur. Sinon, encore une fois, Cana serait une histoire racontée par les précurseurs aux générations montantes. Une autre histoire, celle des élections législatives. Celles-ci doivent être une histoire quotidienne… Et nous en faisons une histoire qui se raconte entre quatre murs. Pour qu'au cas où l'on en parle, ceux qui désirent prendre la parole sachent que ce qui a été écrit a été écrit. Les élections législatives sont le visage du Liban. Son visage et sa façade. Si elles n'étaient pas ainsi, il serait préférable qu'elles n'aient pas lieu. Si les élections traduisent la volonté de tout le monde, hormis celle de ceux qui expriment cette volonté, elles deviennent un acte routinier qui se déroule chaque quatre ans, sans être un acte de foi dans le droit… L'acte de foi des gens en ce et ceux qu'ils veulent. Il est vrai que les élections chez nous n'ont aucun jour été un acte d'anges! Elles ont été en permanence un acte de diables… locaux, régionaux et internationaux. Bien des candidats sont comptés sur une partie que les gens déterminent avec une volubilité dénonciatrice. Et bien des intervenants que les gens savent au nom de qui ils interviennent. Et, partant, dans l'intérêt de qui. Et bien des ambassadeurs désignés par les doigts, pour prouver qu'ils œuvrent sur la scène électorale pour faire réussir une partie aux dépens de l'autre. Il est vrai, aussi, que la volonté populaire était orientée dès la constitution des listes, parce que les élections sont, au début, le jeu de la formation des listes, les gens se regroupant autour d'instances: si ces dernières s'allient, ils se prêtent aux alliances et si elles n'y parviennent pas, ils se dispersent… l'urne devant départager tout cela… non pour trouver quelque chose d'autre. N'est-ce pas l'explication du peu de surprises électorales chez nous? Tout cela est vrai. Tous intervenaient pour lier la volonté, rendre sa scène plus étroite et l'action plus aisée, bien que parfois contrairement à leur désir. Mais ce jour-là, les gens avaient la sensation qu'ils étaient les votants. Que l'urne était leur interprète, en ce sens que celui dont le nom en sortait les représentait, parlait en leur nom; en leur nom il légiférait et contrôlait l'action du gouvernement. Cette sensation ne doit pas disparaître. Les gens doivent sentir que les noms des élus ne sont pas venus par Fax et n'ont pas été imposés. Qu'ils n'ont pas été choisis en tant que députés avant de poser leur candidature. Tous nous comprenons le caractère délicat de l'étape. Et tous nous accordons à la paix, étant des partisans de la paix, la première place et la priorité. Soyons francs: la Chambre des députés, en tant que visage de la nation, sa volonté et son porte-parole, n'est-elle pas la source de la décision dans le processus dont la paix doit être la station? Le parlement doit refléter l'image de l'étape, l'image étant l'acte du peuple, son portrait, son opinion, sa volonté. Puis, il est des choses non sujettes à différend dans la paix, dans sa forme, sa finalité et son contenu. Y a-t-il encore une divergence sur cela au Liban? Sur le fait que le paix doit être juste et globale? La question est posée avec une insistance sincère et il est demandé, aussi, une réponse avec la même insistance. Existe-t-il au Liban des gens, en dépit de l'éloignement de la vision politique locale entre eux, voyant différemment la question essentielle… la question de base… celle de la paix? Si la réponse est "oui", qu'on laisse le cycle parlementaire évoluer dans la ligne tracée légalement, selon le sentiment public. Et si la réponse est "non", il est vain d'essayer de l'inverser… Car ce qui s'est passé, s'il n'entraîne pas vers l'unification dans la vision, ne conduira pas davantage à ce résultat. Y a-t-il encore quelque chose de plus simple? Ceux qui exprimaient une autre opinion à propos de la question libanaise liée, que nous le voulons ou pas, à la crise de la région, tiennent aujourd'hui les mêmes propos et s'expriment en partant de la même vision. Bien plus, ils parlent avec un enthousiasme non moindre que l'enthousiasme de ceux qui y croient. Tous nous entendons, lisons et voyons le changement… C'est pourquoi, la grande excuse tombe, le jour où l'unanimité est grande. Nous disons cela sans ignorer l'aspect sentimental spontané des grands événements, en le considérant comme spontané… pas plus. Peut-être en est-il ainsi. Cependant, l'éveil général a rétréci la marge des hésitants qui sont devenus engagés, par réaction au courant général favorable. Ceci, à notre avis, était l'unique réserve. Maintenant qu'elle s'est dissipée par réaction à l'unanimité nationale… et cela se perpétue du fait du contrôle de cette même unanimité… qu'on laisse à la liberté toute latitude d'exprimer son opinion… Car son opinion seule est l'opinion des gens.

Rdl du 25 Mai au 1er Juin 1996.