LES EVENEMENTS DE LA SEMAINE

GROUPE DE SURVEILLANCE: LES DISCUSSIONS PIETINENT...

Plus de deux semaines se sont écoulées depuis le début de leurs conciliabules par les représentants des cinq pays (Liban, Syrie, France, Etats Unis et Israël) sans qu'ils parviennent à mettre sur pied le groupe de surveillance du cessez-le-feu au Liban-Sud, du moins jusqu'au moment où nous mettons sous-presse. "Les pourparlers ne peuvent que réussir", a déclaré mardi le chef de l'Etat, alors que la semaine dernière, le président de l'Assemblée nationale a dit: "Nul n'a intérêt à les saboter". En fait, tout ne semble pas aller comme sur des roulettes dans la capitale fédérale, les efforts déployés par les différentes parties n'ayant pas encore aplani tous les obstacles. "Il faut aboutir rapidement", soutenait au début de la semaine M. Warren Christopher, en mettant l'accent sur la précarité de la trêve proclamée le 26 avril, preuve en est les tirs ayant été échangés dimanche entre l'armée israélienne et le "Hezbollah" dans la zone frontalière. Mais le secrétaire d'Etat US, refusant de dire si cet incident constituait une violation de l'accord de cessez-le-feu, exprimait l'espoir qu'il fut classé sans laisser de séquelles. Peut-on considérer l'incident de dimanche comme une tentative de pression de la part d'une partie (israélienne) ou une manœuvre destinée à différer la mise sur pied du groupe de surveillance jusqu'après les élections israéliennes du 29 mai? C'est possible. Cela dit, qu'est-ce qui retarde la formation de ce groupe? Selon certains recoupements, les pourparlers butent sur deux obstacles, en rapport avec le délai de riposte et la procédure du vote. Il s'agit de déterminer si, en cas de violation du cessez-le-feu, la partie adverse peut se prévaloir du droit de riposte immédiate, comme le réclame Israël ou bien si elle est tenue d'attendre 72 heures, afin de donner aux contrôleurs de la trêve le temps d'enquêter sur le terrain et de présenter leur rapport. En ce qui concerne les modalités du vote, il reste à s'entendre sur le point de savoir si les décisions doivent être prises à l'unanimité ou à la majorité. Il semble, cependant, que la présidence du groupe sera assurée à tour de rôle par les représentants des Etats Unis et de la France, chaque mois ou deux mois au maximum (Les USA et Israël désiraient que cette période fût plus longue). Autre point tranché: le Liban, la Syrie et l'Etat hébreu auraient une représentation de caractère militaire sécuritaire au sein du groupe. Quant aux Etats Unis et à la France ils pourraient être représentés par des ambassadeurs et même par des responsables politiques. Les tractations font monter la tension et les délégués présents donnent déjà des signes de nervosité. De fait, l'ambassadeur d'Israël à Washington a accusé ces derniers jours le Liban et la Syrie "de remettre en cause le projet d'accord", accusation que ses homologues libanais et syrien se sont empressés de démentir

L'ACCORD IRAK-ONU ET SES RETOMBEES AMERICAINES...

L'accord signé lundi à New York entre l'ONU et l'Irak, pour la mise en œuvre de la formule "pétrole contre nourriture", réjouit l'opinion arabe et internationale qui en analyse les clauses sous l'angle humanitaire. Cet accord permettra au peuple irakien d'améliorer ses conditions de vie, car il permettra à Bagdad de lui procurer des vivres et d'autres produits de première nécessité, en échange de l'exportation du pétrole brut pour un montant de 4 milliards de dollars par an. De ce fait, 700.000 barils de brut pourront être vendus sur les marchés mondiaux. C'est donc la fin d'un cauchemar pour les Irakiens dont le niveau de vie avait dangereusement baissé au cours des cinq dernières années, les enfants en bas âge ayant le plus souffert de la raréfaction des denrées alimentaires, le lait notamment, ce qui a occasionné leur mort par centaines. De plus, les hôpitaux manquaient pratiquement de tout et bien des malades y succombaient faute de soins. Il est normal que l'homme de la rue ait accueilli l'accord mentionné par des manifestations de joie et, aussi, par des tirs nourris en signe de réjouissance. Naturellement, les recettes pro-venant de l'exportation du brut irakien auraient suffi à atténuer le malaise du peuple, si une partie de ces recettes ne devait pas être versée dans un fonds pour être payée comme "dommages de guerre" aux pays ayant le plus pâti de l'invasion irakienne du Koweit et, surtout, de l'opération militaire "Tempête du désert"… N'empêche, l'accord irako-onusien allègera la rigueur de l'embargo et assurera certains besoins urgents de la population irakienne, celle-ci devant continuer à bénéficier de l'aide humanitaire internationale, du moins pour le moment. Quoi qu'il en soit, il a eu pour conséquence d'améliorer la parité du dinar par rapport aux devises étrangères et, partant, de redresser tant soit peu une situation monétaire ayant franchi depuis longtemps la ligne rouge. Fait curieux; l'aboutissement des pourparlers entre l'ONU et Bagdad semble avoir des retombées sur la campagne présidentielle américaine, exactement comme l'opération militaire de "Tsahal" fin avril contre le Liban est exploitée par les deux partis - qui s'affrontent dans les élections législatives israéliennes du 29 mai. En effet, M. Bob Dole, candidat républicain, soupçonne l'ONU "d'avoir été encouragé par le président Bill Clinton, aux fins d'émousser le mécontentement du peuple irakien…" Cela nous paraît étrange car, à notre connaissance, les Irakiens ne font pas partie de l'électorat américain… Puis, à supposer, comme le soutient M. Dole, que "l'entêtement de l'Irak et son défi à la communauté internationale ont été récompensés par les concessions de l'Administration démocrate" (sic), ceci devrait profiter au candidat républicain, l'actuel locataire de la Maison-Blanche devant, normalement, perdre de l'avantage que lui donnent les sondages. Cependant, le délégué permanent des USA aux Nations Unies, Mme Madeleine Albright s'est empressée de faire une mise au point, en affirmant que "l'Amérique ne permettra pas à Saddam Hussein d'utiliser les recettes pétrolières à des fins autres que celles définies dans son accord avec l'organisation internationale"…

EN MARGE DE LA GREVE DU PERSONNEL NAVIGANT A L'AIB

La "politique de la force" serait-elle devenue la règle dans ce pays, quand il s'agit pour le Sérail de faire face aux citoyens à revenu limité, quand ceux-ci réclament l'amélio-ration de leurs conditions de travail et de vie ou le paiement de leurs salaires non réglés depuis plus d'un trimestre? Le gouvernement a eu recours à l'Armée pour empêcher la CGTL de manifester dans la rue, le mois dernier. Et dimanche, le ministre des Transports a menacé d'user de la manière forte, à l'effet de casser la grève d'un jour que le personnel navigant menaçait d'observer, en signe d'appui au personnel d'une compagnie nationale d'aviation. Invoquant des difficultés financières auxquelles elle se trouve en butte, celle-ci a licencité 195 de ses employés et ouvriers - dont 178 libanais - en prétendant n'être pas en mesure de payer les mensualités à son personnel, son président appelant à l'élaboration d'un plan de sauvetage de la société. La question que chacun est en droit de se poser est la suivante: Pourquoi cette compagnie a-t-elle attendu de s'effondrer complètement pour réagir et préconiser un plan de renflouement? Pour ne l'avoir pas fait, elle jette dans la rue près de deux cents de ses employés, ce qui a provoqué l'arrêt du trafic aérien à l'aéroport international de Beyrouth, l'Asso-ciation des pilotes s'étant solidarisée avec les grévistes, dont le syndicat menace de faire escalader son mouvement protestataire, si ses revendications ne sont pas satisfaites. La centrale ouvrière s'est mise de la partie, laissant entendre qu'elle ne peut se croiser les bras et prendra fait et cause pour les salariés. Qu'a fait le gouvernement? Comme d'habitude, il est resté passif et s'est comporté en... arbitre. Exactement comme il a agi lors de la crise ayant opposé, dernièrement, le patronat au salariat; on connaît le résultat de son attitude, surtout quand il a majoré les salaires dans le secteur privé, ce que les chefs d'entreprises et les travailleurs ont rejeté sur-le-champ. En ce qui concerne le cas du personnel de la compagnie mentionnée, le ministre des Transports s'est manifesté dimanche... en brandissant l'arme de la répression pour empêcher la grève... Malheureusement, ce procédé n'a pu prévenir la perturbation du trafic aérien à l'A.I.B. où il n'y a eu lundi qu'un nombre restreint de vols. "Gouverner c'est prévoir". Pour n'avoir pas pris les dispositions nécessaires en vue de satisfaire les doléances des employés et ouvriers d'une compagnie aérienne, le gouvernement est confronté avec un nouveau conflit du travail, dont la perpétuation aura pour conséquence d'aggraver le malaise social. Il faut retenir à l'actif et à l'avantage du syndicat dont se réclament les grévistes, le fait pour ce dernier de poursuivre le dialogue avec le ministre du Travail - et pourquoi pas avec celui des Transporte? A la lumière des décisions qui seront prises pour régler leur problème, ils feront escalader leur mouvement ou mettront fin à la grève. Naturellement, nous souhaitons que la seconde alternative l'emporte, dans l'intérêt des salariés, de la navigation aérienne et, surtout, du renom de l'AIB

LE CAS DES NATURALISES... L'affaire est si délicate qu'on ne peut la passer sous silence. Il s'agit des personnes ayant acquis récemment la nationalité libanaise, "dont les noms, d'une couleur déterminée, indique le PNL, ont été inscrits sur les listes d'électeurs dans des régions précises". Avec certains hommes politiques, ce même parti réclame que les "naturalisés" ne soient pas autorisés à participer au scrutin, à moins que la juridiction qualifiée - le Conseil d'Etat - rende un arrêt confirmant leur naturalisation. Un membre de l'Assem-blée, en l'occurrence M. Michel Samaha, ancien ministre, fait état de "fraude" et "d'importantes failles" dans les listes électorales "qui sont établies, dit-il, suivant des calculs électoraux"... Puis, citant à titre d'exemple, sa propre localité (Khonchara-Metn) il observe: "De nouvelles listes d'électeurs n'ont rien à voir avec les habitants du village; les responsables savent de quoi je parle"... Aussi, réclame-t-il l'orga-nisation des législatives sur base des listes de 92 et la formation d'une commission judiciaire chargée de vérifier toutes les listes électorales. Comment des personnes ont-elles pu obtenir la nationalité libanaise, si elles n'ont pas de domicile fixe au Liban? Ce simple fait aurait dû les priver de la nationalité. Comment peut-on les inscrire sur les régistres de l'état civil, dans des agglomérations où elles n'ont jamais vécu, ni mis les pieds? Se considérant visé, le ministre de l'Intérieur a qualifié le tagage entretenu autour de cette question de "tempête dans un verre d'eau... ayant des raisons électorales ou politiques". Et de préciser: "Mon mi-nistère n'y est pour rien: les naturalisés ont été répartis dans les différentes régions par les services de l'état civil, sur base d'attestations délivrées par les moukhtars... De toute manière, il faut tirer cette affaire au clair; le plus tôt sera le mieux....

Edouard BASSIL.

Rdl du 25 Mai au 1er Juin 1996.