LA TRIBUNE
UN SYSTEME BLOQUE
L'adoption d'une nouvelle loi électorale est-elle encore à l'ordre du jour? S'achemine-t-on tranquillement vers la prorogation du mandat de la Chambre actuelle? Ou fera-t-on des élections sur la base de la loi encore en vigueur, quitte à en corriger les effets par d'habiles combinaisons de candidatures? Autant de questions qui ne peuvent encore recevoir le moindre début de réponse alors, que le problème est débattu par intermittence depuis plus de six mois et que les échéances sont désormais très proches.
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Ce n'était que de vaines polémiques, comme nous le notions déjà ici-même dès le mois de novembre dernier. Rappelons les faits: après la prorogation du mandat présidentiel, il avait été question d'un amendement de la Constitution en vue du rééquilibrage des institutions; idée très vite abandonnée au profit d'un changement de la loi électorale autre voie, disait-on, pour "rééquilibrer". En réalité, on ne voulait changer rien à rien et, comme nous l'écri-vions alors, le mot d'ordre était clair: tout va bien; laissez dire et apaisez. Depuis, on continue de plus belle. L'agression israélienne étant venue soulever un mouvement unanime de rassemblement national, c'était l'occasion idéale pour maintenir les choses en l'état, tout en faisant une place aux anciens boycotteurs pourvu qu'ils renoncent à leur boycott. Tout les y invite d'ail-leurs depuis les encouragements du pré-sident de la Républi-que française, jusqu'aux conseils plus discrets du Vatican. Sans conditions? Pas encore. Mais les conditions et les intransigeances tomberont l'une après l'autre au fur et à mesure que chacun verra quelle place on lui réserve dans les prochaines combinaisons.
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Ainsi va la démocratie. Mais qu'on y prenne garde: si, au niveau des candidatures (et de ce qu'on appelle encore des "partis") il est toujours possible de contourner les difficultés et de faire tomber des résistances, au niveau populaire, les choses n'en iront pas toujours de même. Car s'il faut des candidats au siège de député pour faire fonctionner un régime parlementaire, il faut aussi, et d'abord, des citoyens suffisamment motivés pour aller aux urnes. Le peuple libanais n'est ni aveugle, ni ignorant pour ne pas mesurer à sa juste valeur une parodie de vie démocratique. Pour jouer le jeu, il faut être deux: le candidat et l'électeur. Si le premier n'est plus crédible, pourquoi le second se dérange-rait-il? Pendant des décennies, les liens personnels, souvent du type féodal, ont tenu lieu de motivation pour l'électeur et le système parlementaire fonctionnait sur cette base: entre l'électeur et l'élu, c'était la notion de services personnels et de solidarité familiale qui conférait sa justification au régime. Dans quelle mesure l'évolution des esprits et l'émergence d'une jeunesse éclairée permettent-ils de compter indéfiniment sur ce type de mécanisme? La question est grave et réclame une révision en profondeur du régime parlementaire libanais. Ceux qui en manipulent aujour-d'hui les ficelles, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition, appartiennent pour la plupart à un autre âge, à une époque révolue. S'ils réussissent encore à se maintenir aux commandes, il n'y a pas à se faire d'illusion sur leurs capacités ou sur leur légitimité: ils ne font que bénéficier d'une conjoncture régionale dont le principal effet est de bloquer toute évolution. Mais les horloges ne resteront pas toujours arrêtées.
LES FACTURES DU TELEPHONE Un lecteur nous signale qu'il a reçu une facture de téléphone où la somme due pour ses communications figure dans la colonne "cellulaire" - et rien dans la colonne des communications ordinaires. Cet abonné n'a pas de "cellulaire" et, durant le trimestre considéré, il n'a pas appelé plus de trois fois un "cellulaire". Par contre, il a fait toutes ses communications sur ligne ordinaire. Comment faire confiance aux factures du service téléphonique? C'est une question qui ne recevra probablement jamais de réponse. M. Chalak a d'autres chats à fouetter. En fait, il ne fouette ni chat, ni chien.
RENE AGGIOURI.
Rdl du 25 Mai au 1er Juin 1996.