HEMINGWAY OU LE GEANT DU ROMAN AMERICAIN
L'œuvre d’Ernest Hemingway l’a rendu immortel.
Avec une œuvre à la fois dense et frémissante, Ernest Hemingway obtenait le prix Nobel de littérature en 1954. Admiré de tous, il avait accédé à tous les succès et onze de ses romans étaient adaptés au cinéma. Pourtant, sans cesse tourmenté et divisé contre lui-même, il se sentait terriblement seul dans sa quête de l’absolu. Le 12 juillet 1961, le monde apprenait avec stupeur et tristesse qu’il s’était tiré une balle dans la tête. Depuis sa disparition, trente-cinq ans ont déjà passé, mais le temps n’a pas terni l’éclat de ses écrits qui demeurent tous d’une brûlante actualité. Comment oublier, en effet, le message que transmet son célèbre roman “Pour qui sonne le glas”? Ce titre, il l’avait emprunté à John Donne, le théologien anglais qui, du haut de sa chaire, prononçait il y a trois siècles ce fameux sermon: “Nul homme n’est une île en soi. Nous faisons tous partie d’un continent et chaque fois que tu entends sonner le glas, ne demande pas pour qui il sonne, il sonne pour toi.”
ECRIRE EST LE PLUS VRAI DU VRAI
Ernest Hemingway naquit le 21 juillet 1898 à Oak Park, dans l’Illinois. Son père était un médecin réputé pour son savoir et sa bonté, mais sa mère, femme acariâtre, faisait la vie dure à la maison. C’est pourquoi dès sa jeunesse, Hemingway se réfugie dans l’art d’écrire, se rendant compte que “de tout ce qui existe, écrire est le plus vrai du vrai et le plus vivant du vivant et que si on s’y prenait bien, cela pouvait rendre immortel!” A dix-neuf ans, il est déjà rédacteur dans l’un des meilleurs journaux américains, le “Kansas City Star”. Cependant, un an plus tard, il quittera le journalisme par esprit aventureux, en s’engageant comme ambulancier. Le voilà donc qui arrive à Paris en juin 1918 et qui dit au chauffeur de taxi sur un ton à la fois impatient et fougueux: “Dépêche-toi, emmène-moi là où tombent le plus d’obus!”
UN COURAGE EXTRAORDINAIRE
Après Paris, Hemingway quitte pour l’Italie où il s’inscrit dans les unités de la Croix-Rouge. Avec un courage extraordinaire, il brave cent fois la mort. Un rapport militaire signale que blessé par un obus et son ambulance ayant été détruite, il transporta sur ses épaules un soldat grièvement atteint, jusqu’à l’hôpital. Retournant sur le front, il est blessé de nouveau, mais cette fois, il est presque mourant. A l’hôpital de Milan, on lui extrait du corps près d’une centaine d’éclats d’obus. C’est là qu’il tombera amoureux de Margaret Jenkison, une jolie infirmière anglaise. Ils jurent de se marier à la fin de la guerre. Mais l’homme propose et Dieu dispose, car Margaret est tuée, au cours d’une permission, dans une collision de trains. En janvier 1919, Hemingway couvert de gloire retourne à New York avec la médaille du mérite italien et surtout avec le manuscrit de son premier chef-d'œuvre "L’Adieu aux armes”. Porté plus tard à l’écran, ce superbe roman d’amour fera pleurer des milliers de spectateurs.
L’AMOUR TOUJOURS RECOMMENCE
Si les lectrices se sont reconnues dans les héroïnes de ses romans, c’est que le célèbre écrivain connaissait la sensibilité des sentiments féminins. En fait, il se maria quatre fois, eut quatre fils et onze petits-enfants. Ses quatres épouses nous les découvrons à travers les étapes les plus importantes de sa vie. Celle-ci fut un véritable roman d’aventure où l’amour et la mort s’étaient sans cesse donné rendez-vous. Sa première femme Elizabeth Hadley est une amie d’enfance. Rousse aux yeux bleus, grande et élancée, elle a vite fait de séduire Hemingway, bien qu’elle soit plus âgée que lui de cinq ans. Le mariage est célébrée en 1920 et le couple choisit de vivre à Paris. Ils vivront heureux durant six ans et auraient pu l’être encore longtemps sans le hasard d’une rencontre. En effet, dès que Hemingway voit Pauline Pieffer, c'est le coup de foudre. Elle est juste le contraire d’Elizabeth. Avec les cheveux courts et noirs, elle est menue et fragile. Cinq minutes passées avec elle suffirent au romancier pour être fasciné. Il écrit: “Vous pensez que tout est en ordre dans votre vie et que, pendant des années, tout va rester en place jusqu’à la fin des temps. Or, un matin vous découvrez avec stupeur que votre existence est intolérable parce que l’essentiel lui manque”. Après avoir vainement lutté, Elizabeth accepte de divorcer et Hemingway épouse Pauline en 1927. C’est pour elle d’ailleurs qu’il se convertit au catholicisme.
DE L’AFRIQUE EN ESPAGNE
Mais l’année de son mariage, il reçoit un choc terrible. Son père qu’il adorait se tire un coup de revolver dans la tête. Pour surmonter son chagrin, il part avec sa jeune femme chasser les fauves en Afrique. De ce séjour il rapporte “Les vertes collines d’Afrique” et un admirable roman “Les neiges du Kilimandjaro”. Dix ans plus tard, nommé correspondant de guerre, il part en Espagne. C’est là qu’il rencontre sa troisième femme, la journaliste Martha Gelhorn. Blessée à la jambe, il la trouve évanouie en plein champ de bataille. Il la porte dans ses bras au poste de secours le plus proche. Un nouvel amour commence pour lui. Il quitte Pauline pour épouser Martha en 1938. Cependant, leur union ne dure pas longtemps. Pris chacun par l’exigence du métier pendant la Seconde Guerre mondiale, ils finissent par se séparer après huit ans. En réalité une femme était entrée dans la vie de l’écrivain. Elle s’appelle Mary Welsh et, elle aussi, est journaliste. Pour Hemingway, c’est encore une fois le coup de foudre. Mais de son propre aveu, c’est elle qu’il aima le plus. D’ailleurs, c’est pour Mary qu’il écrit ce merveilleux credo d’amour: “Il est une chose qui lie bien davantage un homme et une femme qu’un anneau d’or au doigt. C’est la longue veille commune, la nuit, lorsque le sommeil, qui nous fuit de plus en plus au fur et à mesure que nous prenons de l’âge, ne veut pas de nous. Dans ces moments de communion parfaite et silencieuse, nous évoquons, chacun de nôtre côté et pourtant côte à côte, les mêmes souvenirs. Nous avons les mêmes pensées, les mêmes soucis et notre regard est tourné vers la même direction”.
GLADYS CHAMI