LENI RIEFENSTAHL OU “LES DIEUX DU STADE”

Peut-être la dernière figure illustre encore vivante de ce IIIe Reich tant décrié

Devant sa maison, dans la banlieue berlinoise, Leni en compagnie de Hitler et de Josef Goebbels.

L’artiste favorite d’Adolf Hitler, la géniale réalisatrice d’”Olympia” racontant par l’image les Olympiades de 1936 à telle enseigne qu’elle a émerveillé son inspirateur même, et les cinéastes du monde entier de l’époque - jouit aujourd’hui à 93 ans d’une santé de fer et dépense son énergie à des plongées sous-marines pour les filmer et en tirer des paysages de rêves. La documentaliste Audrey Salked vient de publier aux Editions Jonathan Cape, une abondante biographie de la cinéaste privilégiée d’Adolf Hitler, qu’on peut taxer de très objective et qu’elle a retracée en blanc et noir comme les films de l’époque. Léni Riefensthal elle-même avait publié en 1987 une autobiographie de plus de 1000 pages sous le titre “Au Crible des Années”, où elle revendiquait ne rien regretter des faits et gestes de sa vie mouvementée - surtout durant la période nazie - se disculpant en toute sincérité et dignité de toute appartenance politique au “parti” où elle n’a jamais été inscrite et, relevant du reste, que deux tribunaux de dénazification s’étaient déjà chargés de la dédouaner officiellement! Toujours est-il que dans l’immédiat après-guerre, une certaine discrimination allait la maintenir en quarantaine... Mais elle ne tarda pas à retrouver progressivement une audiance de plus en plus vaste, en séjourant des mois entiers au Soudan, en Nubie surtout, aux Iles Seychelles et dans les Maldives pour emmagasiner dans sa caméra les images des indigènes dans leur insolente et superbe nudité, Léni Riefesthal ayant toujours subi la passion des beaux corps.

Leni professionnelle: Elle supervise l’angle de prise de vue de la cméra lors du rassemblement du parti national-socialiste du parti - à Huremberg en 1934.

Et les magazines internationaux recommencèrent à se disputer la publication de la moisson de ses voyages. Née en 1902 à Berlin, fille d’un riche homme d’affaires, Léni s’adonna très tôt à la danse - rivalisant un certain temps avec la troublante Marlène Dietrich, par l’intérêt qu’elle suscitait par sa beauté, parmi les directeurs et les cameramen. En 1932, elle était devenue une étoile du cinéma allemand, et c’est ce moment-là qu’elle fut frappée comme par la foudre par un discours d’Adolf Hitler. Elle lui écrivit. Il l’invita à venir le voir. C’est ainsi qu’ils firent connaissance. Durant leur première rencontre, ils se promenèrent bras-dessus bras-dessous sur la plage avoisinante parlant musique et cinéma, et de la mission dont le futur dictateur se croyait investi par le destin.

Leni Riefenstahi, telle qu’en elle-même - dans une figure de danse et la plastique impeccable de son corps voilé!

Elle raconte qu’il lui fit de timides avances qu’elle repoussa - confessant toutefois “que s’il avait vraiment voulu, j’aurais été sa maîtresse, c’était inévitable”. C’est à la faveur de leurs rencontres qu’Hitler insista pour qu’elle filme le premier rassemblement du parti de 1934 à Nuremberg, qui s’intitula “Le Triomphe de la Volonté”. Par ailleurs, les Jeux olympiques de 1932 s’étant déroulés à Los Angelès - Hitler voulut en 1936 en faire une fête pour son prestige personnel et le prestige du Reich. Aussi Leni Riefensthal en fût-elle chargée avec beaucoup d’argent et d’énormes moyens: 35 opérateurs, des caméras automatiques suivant les athlètes, des avions survolant les stades... Le résultat fut un hymne grandiose au travail et à la jeunesse ou l’effort, par exemple du discobole et celui du coureur: leur joie et leur peine ont été peints avec une poésie inoubliable... Comme aussi, à l’ouverture des Jeux, l’arrivée émouvante dans l’obscurité absolue, du porteur de la torche olympique, le Japonais Nurmi, coureur de fond, dont le point lumineux allait grandissant au fur et à mesure de la clameur de la foule qui l’accueillait, debout sur les gradins. Et ce fut “Olympia” ou “Les Dieux du Stade”, apprécié sinon admiré mondialement comme un des sommets du cinéma - dans les annales duquel la pellicule brille toujours aussi mystérieusement qu’au premier jour! Mais, lorsque l’Allemagne envahit la Pologne en 1939, la carrière de Léni sembla se briser avant que de réellement commencer.

Les mêmes se promenant dans les jardins de la maison de Leni.

Ses relations avec Hitler, vu les circonstances tragiques que connaissaient l’Europe, le monde et l’Allemagne en particulier, s’espacèrent au point qu'en 1944, lors de sa dernière entrevue elle fut frappée par le délabrement physique du dictateur. Aujourd’hui, cinquante ans après, et selon les propres mots de Peter Lessis, Léni Riefensthal, au seuil de sa 94ème année, continue à vivre ne regrettant rien de ce qu’elle a dit, ni de ce qu’elle a fait, ou de ce qu’elle a réalisé professionnellement, durant la période du IIIe Reich - considérant que rien de répréhensible ne peut lui être reproché sur le plan moral, éthique et national... et même anti-sémite (aujourd’hui c’est un laissez-passer essentiel!)

Leni et une amie batifolant parmi les roseaux du lac avoisinant - où elles se baignent.

Elle est la dernière figure survivante de l’Allemagne hitlérienne, où la vie, pour quelques uns du moins était bonne à vivre! Mais on peut affirmer sans ambages ni excès, que l'admiration manifestée alors - et jusqu’aujourd’hui dans les filmathèques - pour “Les Dieux du Stade” avait fait et font toujours oublier toute interférence politique. Quant à la longue interview exclusive que Léni eut avec Hitler concernant des aspects politiques insoupçonnés de l’époque, et les jugements lapidaires de son interlocuteur sur les hommes d’Etats et gouvernants d’alors - La Revue du Liban se promet d’en publier incessamment de larges extraits.

C.E.H.