A SALAMANQUE

ITINERAIRE D’UNE VISITEUSE GATEE

Las Clerecia (église du Saint Esprit) vue depuis la “casa de las conchas”).

En ce matin de juillet, il pleuvait sur Salamanque. Difficile de découvrir les cloches des cathédrales de la ville par le pont romain enjambant le “Tormes”. Mais comment tenir rigueur au mauvais temps quand dans chaque pierre dorée de Salamanque éclate un soleil? Ville école, universitaire et courtisane. Ville phare de l’Espagne castillane, Salamanque rayonne à l’Ouest de Madrid, non loin de la frontière portugaise. Salamanque rayonnait, aussi, en ce matin de juillet. Mais d’une lumière si douce. Loin d’être agressive, plutôt caressante. Un étudiant s’y sentirait chez lui. Un touriste, pour peu qu’il se laisse pénétrer par cette clarté, aurait envie de se perdre, de s’oublier dans la ville. Salamanque possède tous les fastes qui rendraient une ville hautaine. Mais elle ne pêche jamais par orgueil. Car elle affiche la simplicité des grands.

L’hôtel de ville illuminé.

Las Clerecia (église du Saint Esprit) vue depuis la “casa de las conchas”).La splendide façade plateresque de l’église de San Esteban (Saint Etienne).

Façade de la “casa de las conchas” ou maison aux coquilles Saint-Jacques.

Le crâne à la grenouille, détail de la façade de l’université.

Tous les chemins de Salamanque mènent à son centre névralgique, sa Plaza Mayor, l’une des plus belles d’Espagne. Avec son style baroque du XVIIIe s, ses arcs reposant sur de forts piliers, ses trois étages aux sévères balcons de fer. C’est là que la population estudiantine, les Salamanquais et les touristes se promènent, sous les porches, sur les terrasses, dans les magasins environnants. Ou contemplent simplement les façades du bel hôtel de ville dans l’aile nord de la place. En échappant à l'agitation matinale, j’ai suivi le flot de visiteurs qui redescendaient la “rua Mayor”. De l’église romane de San Martin et la “caza de las conchas” tapissée des coquilles Saint-Jacques, symbole du pèlerin de Compostelle, de l’église du Saint-Esprit (Clerecia) et son magnifique retable majeur, on arrive tout naturellement face à la façade de l’université. La pierre dorée des carrières de Villamayor y resplendit là de tout son éclat. Taillée selon l'art plateresque (de platero, orfèvre), travaillée dans ses moindres recoins, on y retrouve un médaillon des rois catholiques, les blasons royaux des Habsbourg, un haut-relief avec le blason de l'université. Il faut quand même une bonne dose de patience et de l’œil pour retrouver dans le fouillis des petites statues sculptées celle du crâne surmonté d’une grenouille. En la découvrant sans nulle aide, on part doté d’une double prédiction: une réussite dans les études entreprises et un retour imminent dans la ville lumineuse… L’imposante masse des deux cathédrales est à un détour de rue. Cathédrales vieja et nueva réunissent à elles seules les styles roman, gothique, renaissance et baroque, dans une harmonieuse alliance. Dans la vieille cathédrale romane, construite à la fin du XIIe siècle, j’ai découvert l’un des plus beaux retables du XVe siècle espagnol, signé par Nicolas Florentino. Outre son cloître aux voûtes mudéjar, ses tourelles servant de contre-fort, la cathédrale Vieja possède aussi une fameuse tour, celle du “Gallo”, surmontée d’une girouette en forme de coq. La cathédrale nueva, quant à elle, doit son existence au désir du chapitre d’accueillir les nombreux étudiants qu’attirait l’université. Neuve ou pas, elle a déjà six siècles d’existence. Que de fidèles n’a-t-elle pas éblouis avec sa profusion d’ornements, son chœur réalisé par Alfredo Churriguera, sa belle Pieta sculptée par Carmona, ou son arrière-autel cachant le crucifix que portait le Cid, selon la légende.

Façade plateresque de l’université de Salamanque. De dos, la statue de Fray Luis de Léon.

Après les splendides tours des cathédrales, il ne faudrait pas dédaigner les plus modestes clochers où les cigognes de passage ont élu domicile. Le porche roman de San Martin, le lambris mudéjar du chœur du Sancti Spiritus, les absides romans de l’église de Santo Tomas, l’église romanico-mudéjar de Santiago, les magnifiques sculptures de la façade de San Esteban, “l’Immaculée Conception” de Ribera conservée à la paroisse de la “Purésima” des augustines recollettes, que de chefs-d’œuvre qui valent tous le détour. Mais Salamanque, il ne faut pas l’oublier, est aussi la ville des hommes qui l’ont habitée et qui, séduits par sa lumière d’or, ne l’ont plus quittée. Fray Luis de Léon, Miguel de Unamuno, le maître Salinas, ont des statues à l’ombre des cathédrales. Mais leurs esprits s’en détachent et errent dès le couchant. Ainsi, sur la maison qu’habita un des doyens les plus célèbres de l’université de Salamanque, Miguel de Unamuno, on peut lire: "Et quand le soleil au coucher incendie l’or séculaire qui te recouvre, avec ton langage, grâce à l’éternel hérault, dis toi-même que j’ai été”.

NADA SKAFF