CINQ ANS D’INDEPENDANCE:
UNE GUERRE GAGNEE MAIS UNE DEMOCRATISATION INSUFFISANTE
Manifestation de joie à Zagreb lors de la déclaration d’indépendance de la Croatie.
Cinq ans après la proclamation de l’indépendance de la Croatie par le parlement de Zagreb, le 25 juin 1991, le gouvernement nationaliste de cette ex-république yougoslave, sorti victorieux d’un conflit avec les sécessionnistes serbes, a accentué des tendances autoritaires. Le parlement croate avait déclaré l’indépendance de la république à la suite d’un référendum, boycotté par la minorité serbe, lors duquel les électeurs s’étaient prononcé à plus de 90% pour une sécession de la Croatie par rapport à la Yougoslavie. Les premiers troubles de la “rébellion des barricades” des Serbes de Croatie avaient déjà fait une dizaine de morts, avant le 25 juin 1991, dans les rangs croates: un membre des unités spéciales de la police avait été tué lors d’une intervention à Plitvice (centre) et une douzaine d’autres avaient été tués lors d’un affrontement avec des milices serbes à Borovo Selo, en Slavonie orientale (est de la Croatie). “Cette décision a été prise dans une atmosphère très difficile, car les premières victimes du conflit étaient déjà tombées à Plitvice et à Borovo Selo (extrême est de la Croatie), mais nous avions le devoir de ne pas décevoir les électeurs”, a déclaré à l’AFP un élu de l’Assemblée constituante, Vjekoslav Zugaj. Aujourd’hui la Croatie, qui a déclaré son indépendance au même moment que la Slovénie, ne peut se prévaloir du même succès international que son petit et riche voisin, qui est un des anciens pays communistes les mieux placés pour intégrer l’Union européenne. Le conflit serbo-croate de 1991-1992, l’intervention de Zagreb dans la guerre en Bosnie, les atteintes aux droits de l’homme et des minorités, les attaques contre la presse indépendante et l'opposition au régime de l’autoritaire président Franjo Tudjman, ont freiné le processus d’intégration européenne pour la Croatie, qui s’est vu refuser l’adhésion au Conseil de l’Europe en avril. Cependant, le président du parlement de l’époque, Zarko Domljan, a déclaré, dans des propos rapportés par l’agence croate Hina, que “la Croatie a su mener à bien l’entreprise commencée le 25 juin 1991, en réintégrant la plupart de nos territoires, stabilisant notre économie, mettant en place l’Etat de droit”. La Croatie a reconquis en mai 1995 (Slavonie occidentale) et en août 1995 (Krajina) des territoires contrôlés depuis 1991 par les sécessionnistes serbes - entraînant un flux de population vers la Serbie de plus de 200.000 réfugiés -, alors que la Slavonie orientale doit retourner sous l’autorité de Zagreb au terme d'une administration transitoire de l’ONU de deux ans maximum. Malgré les affirmations répétées du président Tudjman sur le “miracle de la Croatie qui a réussi à se construire une armée en cinq ans et à gagner une guerre, tout en menant le processus de privatisation et en démocratisant sa société dans le même moment”, la Croatie est toujours loin des critères européens. "Le seul domaine dans lequel la Croatie a réellement fait des progrès importants est la lutte contre l’inflation où ce pays a atteint les normes de Maastricht, ce qui n’est pas le cas pour de nombreux membres de l’UE”, a relevé dans une déclaration à l’AFP un diplomate occidental sous couvert de l’anonymat.
VERONIKA RADOVCIC