Jean-Alexis Moncorgé avait réussi à Paris à se tailler un tel personnage que Gabin était devenu Gabin - même à l’écran! Il y a 20 ans, le 15 novembre 1976, la France apprenait, stupéfaite, la disparition à 72 ans de l’un des géants de son cinéma - un monument du cinéma international. En cinquante ans de carrière, 90 films et 3 républiques, il a presque tout incarné, du légionnaire au potentat, de Jean Valjean à Maigret, de Ponce Pilate à Dominici... Plus qu’une carrière c’est un sacré bout de chemin qu’on ne se lasse pas de reprendre. Fils d’une chanteuse de café-concert et d’un comédien d’opérettes, il a vu le jour dans une petite maison du Val d’Oise. Un minimum d’études, du culot et ayant de qui tenir, de petits débuts de fantaisiste aux côtés de Mistinguett et un premier film à 26 ans “Chacun sa chance”... Et Duvivier, Renoir, Grémillon et Carné en feront une vedette.

Avec Arletty dans “Le Jour se lève”.	Dans “Mélodie en sous-sol” Jean Gabin et Alain Delon.

De “La belle équipe” au “Quai des Brumes” en passant par “La Grande illusion” et “Le Jour se lève” il devient le symbole du prolo de charme en colère, du légionnaire blessé par la fatalité, du révolté en quête de justice, qui passe à côté de l’amour et s’arrête sur l’amitié. La gouaille et la grogne connaissent avec lui leurs plus belles heures. La guerre arrive alors avec le départ aux Etats-Unis, l’amour de Marlène Dietrich et l’engagement dans les Forces françaises libres... Mais quand il revient, le héros décoré est un acteur oublié qui a pris de l’embonpoint et des cheveux gris. Curieusement, c’est à partir de là que Gabin et le cinéma français ne se quitteront plus! Chef de gang, médecin, avocat, commissaire, clochard, banquier, président du conseil, il aura tous les pouvoirs, tous les honneurs ou toutes les avanies. Du Front populaire à la France gaulienne, trajet que Jean Gabin parcourra à travers le cinéma, comme on traverse un boulevard, - il aura été à son insu, beaucoup plus qu’une vedette: le symbole de cinq décennies. Un petit morceau de la France à l’usage du grand public!