POINT DE VUE

Invitant l’Etat à rendre plus équitables les charges fiscales

Maurice Fadel:

«Le gouvernement doit accorder la priorité à la vie du peuple pour atténuer l’acuité de la crise socio-économique»

Aux dernières législatives, ses alliés de la veille ont mené campagne contre lui. Mais en dépit de cela, il a pu tout en faisant partie de la liste concurrente à la liste de coalition ou la «liste de l’autobus», obtenir le double des suffrages accordés à son adversaire, soit plus de cent mille voix contre 50.000. Quel en est le secret? Et quelle conception, Maurice Fadel, le plus grand actionnaire de la société ABC, se fait-il de la députation? Quel est son programme et quelles sont ses prévisions pour le proche avenir?

Au cours d’un entretien, il a exposé les raisons qui l’avaient incité à boycotter les législatives de 1992 et pourquoi il a renoncé au boycottage du scrutin en 1996. «Je me suis abstenu de poser ma candidature en 92, précise-t-il, parce que la loi électorale était, alors, mauvaise, le climat politique au Liban ne le favorisant pas. Puis, je ne pouvais pas participer à des élections qui ont été boycottées par de grands symboles libanais, tels les Drs Pierre Daccache, Albert Moukheiber, Tammam Salam et d’autres personnalités connues pour leur représentativité. «J’ai participé aux dernières législatives, parce qu’il m’est apparu, ainsi qu’à une large fraction des boycotteurs, que le boycottage n’avait donné aucun résultat; d’autant que ce dernier n’a été suivi d’aucun programme. Aussi, la majorité de l’électorat s’est-elle prononcée en faveur de la participation en 96 et c’est ce qu’a montré la proportion des votants».

L'ELECTORAT NORDISTE A FAIT MONTRE DE FIDELITE ET DE COURAGE

- Comment expliquez-vous le grand nombre de voix que vous avez obtenues, bien que vous ne faisiez pas partie de la liste supposée bénéficier du soutien de l’Autorité?

«Tout d’abord, j’ai résolu de participer aux législatives sous le slogan que voici: percer la liste de coalition dont je n’ai pas cherché à faire partie. «Quant au nombre élevé de suffrages, vous pouvez interroger à ce sujet les électeurs. Le peuple a juré de faire du scrutin au Liban-Nord l’un des meilleurs. A cet effet, il a donné la preuve de sa fidélité, de sa franchise et de son courage. Je suis donc fier de jouir de sa confiance».

- On sait que vous êtes l’allié du président Omar Karamé; qu’est-ce qui vous a porté à poser votre candidature sur la liste concurrente à la sienne?

«Le président Karamé avait son opinion à propos des législatives de 96 et j’avais la mienne. Il avait ses alliances et j’ai donc respecté sa position et opté pour une autre voie. «Mais les élections font partie du passé et il nous faut, maintenant, envisager l’avenir; celui de Tripoli et du Liban-Nord».

NOUS ŒUVRONS EN FAVEUR DU NORD

- Comment qualifiez-vous vos rapports avec les députés du Nord, en général et, en particulier, avec le président Omar Karamé? Pourriez-vous faire partie d’un bloc parlementaire qui grouperait les parlementaires nordistes et d’autres de leurs collègues des autres circonscriptions?

«Mes rapports avec les députés nordistes sont excellents, Dieu merci. Mais la relation personnelle m’importe moins que la coordination de nos efforts au service du district dans son ensemble et du pays. «Aussi, œuvrons-nous avec nos colistiers auxquels la chance n’a pas souri, en vue de raffermir les liens pour atteindre nos objectifs communs. De même, nous rencontrons nos collègues en maintes occasions et tentons de coopérer à l’effet de satisfaire les revendications des Nordistes. Tel est l’objectif qui fait agir les députés membres du Bloc pour le développement et le changement».

- Quel est votre programme d’action durant votre mandat par rapport au Liban-Nord, en général et de Tripoli, en particulier?

«Mon programme est le même que celui de la «liste pour le développement et du changement». Le temps de l’action individuelle est révolu, seule compte désormais l’action collective. La priorité pour mes collègues et moi-même se ramène aux objectifs ci-après: assurer la gratuité de l’enseignement, rechercher des solutions aux problèmes qui se posent aux citoyens dans leur vie quotidienne sur le plan de l’enseignement universitaire, des soins médicaux et de l’hospitalisation».

UNE TRIPLE MISSION

- Que représente pour vous la députation: le député doit-il rendre service aux électeurs, légiférer ou contrôler l’Exécutif?

«Il s’agit, en réalité, de cette triple mission à la fois. Les gens ont élu les candidats censés leur assurer plus de services, d’autant que beaucoup de candidats leur étaient étrangers. Et ce, en raison de l’absence de l’Etat et de ses prestations durant les dix-sept années de guerre. «Les électeurs se sont montrés fidèles et reconnaissants à ceux parmi les candidats qui leur avaient rendu des services au cours des douloureux événements».

- Le pays souffre d’un marasme qui aggrave les conditions de vie des citoyens: comment serait-il possible d’améliorer la situation?

«Oui, les gens sont dans la gêne et n’arrivent plus à vivre décemment. Ceci est la conséquence de la guerre mais, aussi, du fait pour le gouvernement d’accorder la priorité à la reconstruction, d’augmenter les impôts et taxes ou d’en instituer de nouveaux, en vue de couvrir les dépenses sans cesse croissantes, suite à l’exécution des projets et du relèvement des traitements des fonctionnaires. «Le nouveau gouvernement s’est engagé à changer de politique et a promis de se pencher sur les problèmes sociaux. Puisse-t-il tenir sa promesse».

POUR UN CABINET PLUS REPRESENTATIF

- Quelle est votre position envers le troisième Cabinet Hariri. Partagez-vous l’avis de ceux qui soutiennent que c’est une copie conforme des deux précédents?

«Ma position envers le gouvernement dépend de ce qu’il fera pour le Liban-Nord. Nous lui avons accordé la confiance dans l’espoir qu’il rendra justice à notre district. «Quant à dire que le troisième Cabinet haririen est une copie conforme des deux équipes précédentes, ceci n’est pas conforme à la réalité, car de nouveaux visages en font partie. Nous souhaitons que le prochain Cabinet soit représentatif de toutes les fractions libanaises».

- Où va le Liban qui avait conçu sa politique sur la base que la paix dans la région était imminente?

«Il ne fait pas de doute que le Liban se trouve dans une situation peu enviable, après l’amenuisement des chances de la paix. Mais, il peut dépasser les dangers qui le menacent, en coopération avec la Syrie et avec le soutien des Etats amis».

L’ETAT DOIT DISTINGUER ENTRE LES RICHES ET LES PAUVRES

- Comment le citoyen libanais peut-il faire face à l’aggravation de la situation socio-économique, d’autant que l’Etat le surcharge avec de nouveaux impôts?

«L’Etat n’ayant pas de ressources, le peuple se doit d’acquitter les impôts et taxes. Mais le gouvernement est tenu de distinguer entre les riches et les pauvres. Le Libanais ne peut plus, à l’ombre des conditions de vie actuelles, acquitter les charges fiscales comme par le passé. Celles-ci doivent être équitables et justes. «Il faudrait exonérer des taxes douanières les produits de première nécessité; ce serait l’un des moyens de combattre la vie chère. L’Etat doit tenir compte des citoyens à revenu limité et imposer les taxes sur les articles de luxe». M. Fadel est d’avis d’«accorder des avances aux banques pour qu’à leur tour, elles consentent des facilités de crédit au secteur commercial, afin de réactiver l’activité économique. Car l’absence de projets productifs provoque le manque de liquidités».

(Propos recueillis par N.El.-H.)