AVEC PANACHE

Grande elle l’était par son dévouement, son courage et par son amour de l’humanité, des Libanais sans distinc-tion, de races, de reli-gion ou de confessions. Il fallait être grande pour porter avec panache ce prénom prestigieux d’Alexandra. Née de Freige, elle aurait pu choisir la vie douce et facile, d’une jeune fille ayant pour père le marquis Jean de Freige et, pour mère, Alice Chiha. Tout la prédestinait à une vie “gracieuse” faite, uniquement, de joies et de devoirs familiaux. Après des études au pensionnat de Saint Joseph de l’Apparition, elle hésite entre l’archéologie et le droit. Finalement, elle fera deux années de chaque discipline. Parallèlement, elle aide sa maman, la marquise Moussa de Freige, présidente de la Croix-Rouge. Là, elle rencontre un jeune médecin, Farid Issa el-Khoury. Les deux sont amoureux; ils se marient le 17 juin 1933. Mus par un même idéal, ils sont heureux et Alexandra met au monde deux enfants: Marilyse, épouse de Wissam Ezzedine, un des fondateurs de la Compagnie de télé-vision libanaise) et Joe, brillant avocat, qui épousera Mona Salamé. La vie suit son cours. Au décès de sa mère, Alexandra Issa el-Khoury est élue présidente de la Croix-Rouge libanaise. Quand elle succède à sa mère en 1964, elle ne sait pas encore qu’elle a choisi la voie ardente et aurait à appliquer intégralement les principes fondamentaux de la Croix-Rouge.

Les principes jetés par Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, sont exigeants: humanité, impartialité, neutralité, indépendance volontariat, unité et universalité. Et combien exigeants seront-ils dans ce Liban qui sera bientôt en proie à la tourmente! Quand elle prend en charge les destinées de la Croix-Rouge Libanaise, s’est encore le temps du bonheur au Liban. Mais quelques années plus tard, ce sera celui des bouleversements et de la tempête qui emporte tout sur son passage: les années tragiques. “La Grande Alexandra” est un roc qui sait triompher de toutes les embûches. Elle s’est identifiée à la devise de la Croix Rouge “Au-delà du devoir” et c’est bien au-delà du devoir qu’elle mène la bataille, avec fermeté, courage et optimisme. Elle se fait seconder par des personnes à qui, elle a insufflé sa passion. On avait bien besoin de cela où toutes les passions sont déchaînées, où l’on tue pour simple appartenance à une religion. Alexandra lutte contre ce vent de folie. Elle porte le secours là où l’on en a besoin. Elle est d’une impartialité et d’un dévouement admirables. Elle est appréciée et honorée de son vivant: Grand Officier de l’Ordre du Cèdre, Commandeur de l’Ordre Kawkab de Jordanie, Ordre du Mérite camerounais, «Médaille d’Or» «Pro Ecclesia Pontifica», une des plus prestigieuses dans le monde. Enfin, la médaille d’Henry Dunant, qui n’est décernée qu’une fois tous les deux ans. Créée en 1965 pour services exceptionnels de ses membres ou actes de grand courage et dévouement, cette distinction n’a été décernée qu’à une soixantaine de personnes dans le monde. Alexandra en est une des rares récipiendaires.

UNE RUE ALEXANDRA ISSA EL-KHOURY? UNE STATUE? DE LA NATION RECONNAISSANTE?

Cette dame, fervente croyante sans être bigotte, savait aussi que la mort n’est pas une fin, mais un commencement. Elle était prête à partir rejoindre son époux bien-aimé, ses parents. Mais elle restera présente dans le cœur des vivants. Afin que son souvenir demeure, on souhaite que le Liban, la Nation reconnaissante baptise une artère «Alexandra Issa el Khoury», de préférence près de la Croix-Rouge, avec une statue érigée à sa mémoire. Ce qu’elle a fait pour le Liban et les Libanais mérite reconnaissance. A toute sa famille, en particulier à ses enfants, Joe Issa el-Khoury, Marilyse Ezzedine, à leurs enfants, à ses sœurs: Aimée Fattal et Odette de Freige, à tous les membres de la Croix-Rouge, «La Revue du Liban» présente ses sincères condoléances.