ACTUALITÉ INTERNATIONALE

MADELEINE ALBRIGHT, CHEF DE LA DIPLOMATIE USA

À L’HEURE DE L’ÉTAPE PARISIENNE

Madeleine Albright reçue par le président Jacques Chirac

1 - LES ÉTAPES DE LA DIPLOMATE, EN EUROPE ET EN ASIE:

Pour le chef de la diplomatie américaine, c’est une tournée marathon qu’elle a entamée le 16 février à Rome et qu’elle a poursuivie à Bonn - et au cours de laquelle, la secrétaire d’Etat doit visiter Paris, Bruxelles, Londres, Moscou, Séoul, Tokyo et Pékin d’ici la fin du mois. La question de la sécurité européenne et, notamment l’élargissement de l’Otan, ont été et seront au centre des entretiens avec les Européens - face aux réticences de la Russie, hostile à l’entrée dans l’Alliance de ses anciens satellites. A ce propos, les Etats-Unis proposent une charte l’Otan-Russie qui permettrait à Moscou d’avoir une voix sur les questions discutées par l’Alliance.

La secrétaire d’Etat US et le ministre des
Affaires étrangères sud-coréen,
durant leur conférence de presse à Séoul.
Mme Albright accueillie à Paris
par le ministre français des
Affaires étrangères Hervé de Charette.

2 - LA DAME DE FER «MADE IN U.S.» À PARIS:

Étape très attendue, la France et les Etats-Unis voulant tirer un trait sur les malentendus qui ont obscurci leurs relations l’année dernière. Aussi, Paris a-t-il déroulé le tapis rouge pour accueillir Madeleine Albright qui a été reçue successivement le 17 février par Jacques Chirac, Alain Juppé et Hervé de Charette. Celui-ci n’a pas fait dans la demi-mesure, il a ostensiblement embrassé devant les photographes celle qu’il appelle «une très grande dame» et lui a remis en guise de cadeau le fac-similé du traité de la Paix de Paris du 3 septembre 1783, assurant l’indépendance des Etats-Unis. De quoi rafraîchir la mémoire, ce que prétendent du moins les mauvaises langues! Quant à Mme Albright dans un français parfait elle s’est dite «très heureuse de sa visite». Bref, un dialogue va s’instaurer entre les deux pays pour, selon le ministre français, «développer un partenariat amical, durable et profond». Du côté français on regrettera seulement que, contrairement à l’usage, pour son premier voyage à l’étranger, Mme Albright n’ait pas jugé bon d’emmener dans son avion le correspondant diplomatique de l’Agence France Presse, l’une des trois agences mondiales. «Le commandement-sud doit rester américain. Nous y sommes fondamentalement attachés”, à répété Mme Albright. Au Quai d’Orsay elle a trouvé normal qu’entre frères et sœurs il puisse y avoir des désaccords - pourvu que le dialogue soit maintenu. Sur ce sujet sensible, l’attitude de la France a été celle-ci: «Ce problème ne doit pas provoquer de conflits entre nous, a souligné M. de Charette. Si on ne conclut pas à Madrid, on poursuivra plus tard...» Outre l’élargissement de l’Otan aux pays de l’Est et la nécessité de ménager la Russie, d’autres dossiers ont été abordés, entre autres, le processus de paix au Proche-Orient. Depuis, les événements ont donné raison à Paris: le groupe de surveillance «pour le Liban sud» fonctionne bien et la France à travers l’Union européenne est partie prenante aux accords d’Hébron. Sur l’Afrique, le Zaïre et la volonté d’éviter l’éclatement du pays, les points de vue se sont aussi rapprochés... En revanche, sur l’ONU les divergences d’appréciation demeurent. La nomination de Kofi Annan à la place de Boutros Boutros Ghali n’a pas contribué à faire payer les arriérés des Etats-Unis aux Nations Unies. Un comportement considéré «cynique» à Paris!

... Et par le président Boris Eltsine.

LES DIFFÉRENDS, AUSSI APPAREMMENT FEUTRÉS SOIENT-ILS, PERSISTENT...

L’emploi du temps à Paris de Mme Albright en dit long sur ses priorités. Pour ses deux premières visites, elle a prévu de passer une heure et cinq minutes à la Commission européenne... et un peu plus de trois heures à l’Otan. Autrement dit, l’Alliance atlantique demeure au cœur de la politique de Washington. Et ce, même en période de crise ouverte, celle, par exemple, de la loi anti-cubaine des Etats-Unis dont les Européens sont unanimes à rejeter les retombées sur leurs économies. A l’Otan, sa visite devait être consacrée pour l’essentiel à la stratégie à mettre en œuvre pour élargir l’Otan à ses anciens adversaires de l’ex-pacte de Varsovie - sans pour autant déclencher une crise majeure avec la Russie. Si les seize de l’Alliance sont d’accord sur le principe de l’élargissement, il y a des nuances quant à la tactique à développer. Washington ne fait pas mystère de ses réticences à l’idée émise par Boris Eltsine, mais prise en compte par Chirac et Kohl, d’intercaler d’ici là, un sommet à cinq qui réunirait en avril à Paris: Etats-Unis, Russie, France, Allemagne et Grande-Bretagne. De manière générale, Madeleine Albright devait profiter de son passage à l’Alliance, pour enfoncer deux clous désormais traditionnels: le leadership des U.S.A. à l’échelle globale - et leur rôle prioritaire en tant que puissance «européenne». Et tout le reste n’est que littérature...