RENAîT DE SES CENDRES

Tel le Phénix - et aussi à l’image du pays à l’heure de la reconstruction - la “Cité Sportive Camille Chamoun” est en train de renaître de ses cendres. Inaugurée en 1957, elle avait été entièrement détruite un quart de siècle plus tard, en 1982 par l’aviation israélienne l’ayant prise pour un objectif militaire! En posant la première pierre de sa reconstruction, le 4 septembre 1993, le Premier ministre Rafic Hariri a donné le coup d’envoi à la renaissance de ce vaste complexe sportif-un des plus beaux du Moyen-Orient - qui faisait la fierté des Libanais et avait accueilli en 25 ans d’existence effective de grands événements internationaux parmi lesquels les 2èmes Jeux Panarabes (1957), les 3èmes Jeux Méditerranéens (1959), les championnats d’Europe de tir (1962), la 1ère Coupe Arabe de Football (1963), les Jeux Internationaux de l’Amitié en Equitation (1971), les Vèmes Jeux Scolaires Arabes (1973) ainsi que plusieurs rencontres internationales de football.

UN COLISÉE MODERNE

Aujourd’hui, 40 ans après sa création, à Bir-Hassan, la Cité Sportive prend un nouveau départ. Elle surgit de terre et a déjà pris forme, celle d’un Colisée moderne à l’ovale régulier. Son site est encore hérissé de grues géantes mais sa façade a déjà reçu son revêtement de pierres ocres. Après 29 mois de construction effective, la nouvelle cité sportive est à quatre mois de son achèvement prévu pour fin juin 97 en ce qui concerne le stade olympique et pour début novembre pour la salle omnisport couverte. Le grand stade pourra donc accueillir les 8èmes Jeux Panarabes fixés du 12 au 27 juillet 1997. C’est à l’iniative du Président Hariri que l’Etat libanais, à travers le ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, et le Conseil du Développement et de la Reconstruction (CDR), a lancé le projet de la reconstruction de la Cité Sportive. Il a chargé le groupement du bureau d’études BEA (Saïd Bitar et Michel Chakar) et LACECO, d’établir le dossier relatif à la reconstruction élargie de cette cité. Une adjudication internationale a eu lieu et c’est “Trafalgar House Construction International Ltd” qui a offert les meilleurs prix suivant les conditions des cahiers de charge, devenant de fait l’entrepreneur général. Les travaux électro-mécaniques sont confiés à la firme sous-traitante “ELLIS - SUKKAR”. Pour sa part, “MEGA PREFAB Sal” est l’entreprise sous-traitante pour la préfabrication des dalles et des poutres en béton précontraint. Le tout étant soumis au Bureau de contrôle VERITAS de Paris.

SURGIE DES SABLES DE BIR-HASSAN

LA “CITÉ SPORTIVE CAMILLE CHAMOUN” A CONNU UN AGE D’OR

C’est dans les dunes de Bir-Hassan qu’a poussé et fleuri la première cité sportive du Liban. Construite à partir de 1954 par l’architecte entrepreneur Mohamad Raad, elle a été inaugurée en 1957 par son promoteur le président Camille Chamoun (qui lui a donné son nom), en présence du roi Séoud d’Arabie, invité d’honneur des 2èmes Jeux Panarabes (les premiers ayant eu lieu en 1953 à Alexandrie, sous la présidence du Général Néguib). Le président du comité organisateur des Jeux de Beyrouth était M. Gabriel Gemayel alors président du Comité olympique libanais et membre du Comité International Olympique (CIO). Deux ans plus tard, en 1959, le Liban récidivait en organisant les IIIèmes Jeux Mediterranéens en présence du roi Paul et de la reine Frédérika de Grèce qu’accompagnaient leurs enfants: le prince Constantin (aujourd’hui roi en exil) et la princesse Sophie (actuelle reine d’Espagne). Une fois de plus, la “Cité Sportive Camille Chamoun” brilla de ses mille feux et fut le rendez-vous de l’élite du sport international. D’autres grandes manifestations eurent lieu marquant un âge d’or qui devait prendre fin avec la destruction de la cité sportive par l’aviation israélienne en 1982, exactement un quart de siècle après son inauguration en 1957!

GRÂCE À L’ARABIE SÉOUDITE ET AU KOWEIT

Le plan directeur initial portait sur plus de 100.000 mètres carrés comprenant le grand stade (aux gradins couverts), le palais omnisport (dont une partie de la structure a été récupérée), des courts de tennis, une piscine olympique, une piscine semi-olympique couverte, un hôtel de 120 chambres. Le tout selon un devis de 110 millions de dollars. Le financement prévu (et promis) par les pays arabes n’ayant pu être assuré, un nouveau devis variant entre 55 à 65 millions de dollars (à court terme) a été établi pour la réalisation uniquement du stade olympique (amputé d’une partie de sa toiture) et de la salle omnisport couverte, avec un financement devant être assuré par l’Arabie Séoudite et le Koweit, en très grande partie. Trois éléments principaux (et de taille) caractérisent la nouvelle cité: le grand stade olympique a plus que doublé de capacité, de 20.000 il passe à 50.000 spectateurs; la construction est entièrement antisismique: en cas de séisme, le béton “bouge” mais ne rompt pas car le code parasismique a été appliqué à la lettre; et ainsi rien ne peut tomber sur le public et les athlètes; enfin trois parkings souterrains couvrant une superficie d’environ 75.000 mètres carrés et équipés de cinq ascenseurs, peuvent recevoir jusqu’à 3.500 voitures!

UN VÉRITABLE JOYAU ARCHITECTURAL

Cœur du complexe futur et sa pièce maîtresse, le grand stade olympique de 50.000 places est en forme d’ellipse, conçu dans le style d’un colisée moderne. C’est sans conteste, le plus imposant et le plus spectaculaire - le gros œuvre principal - de tout le projet. Un véritable joyau architectural. Ici, les chiffres parlent et ils sont éloquents. La circonférence du grand stade et ses gradins compris est évaluée à 900 mètres. La surface totale des gradins est de 30.000 mètres carrés. Les dépendances réparties sur cinq niveaux sous les gradins (vestiaires, parkings, salles techniques et de presse, salon présidentiel, cafeteria, bureaux administratifs, déambulatoires pour le public, toilettes...) totalisent 50.000 mètres carrés.

Les premières dalles des gradins.

UNE ÉVACUATION RECORD

Les gradins reposent sur une multitude de piliers en béton de 1,60 m de diamètre et d’une hauteur allant à 26 mètres, s’inclinant graduellement de haut en bas. 56 issues encastrées et réparties dans les travées des gradins permettent l’accès du public mais aussi son évacuation en cas de secours: les 50.000 spectateurs peuvent rapidement vider les lieux en moins de quinze minutes, selon les normes de sécurité internationales. Une couverture structurelle métallique initialement prévue pour la protection de tous les spectateurs sur toute l’étendue des gradins, contre le soleil et la pluie, a été réduite pour abriter uniquement la tribune centrale (suite à la réduction du budget). Ce toit métallique aura une avancée de 36m (englobant les caméras de télévision) et débordera latéralement chaque fois de 100m, à droite et à gauche de la tribune officielle. Son montage nécessitera l’utilisation d’une grue géante importée de Malaisie par l’entrepreneur général,la société britannique “Trafalgar House”. Dans l’arène, le stade proprement dit occupe une superficie de 19.000 mètres carrés aménagés comme suit: sur la pelouse centrale le terrain de football (aux dimensions réglementaires de la FIFA: 105mx68m) entouré d’une piste d’athlétisme (8 couloirs), avec une rampe de marathon, une rampe de service (pour les pompiers et l’entretien) deux fosses de réception d’athlétisme, quatre pistes d’élan, trois aires de lancement pour le poids, le marteau et le disque, une piste d’élan pour le lancement du javelot. Par contre, il n’y aura pas d’anneau cycliste comme dans la première “Cité Sportive Camille Chamoun”.

SOUS LE CONTRÔLE DE “VERITAS”

Tout le stade est conforme aux normes internationales de sécurité et aux règles imposées par la Fédération Internationale de Football. La pression sur les gradins est étudiée selon des normes appliquées internationalement et contrôlée par “Veritas” (firme française de contrôle) en plus des contrôleurs du bureau d’études. Quant à la façade extérieure du grand stade, elle se distingue par son style architectural oriental et elle est recouverte de pierres naturelles. Autre innovation: devant le portail central du stade olympique une “piazza” d’une superficie de 600 mètres carrés sera aménagée, ajoutant à la majesté des lieux. Le petit stadium omnisport est une salle polyvalente fermée où se disputeront les rencontres de basket et volley-ball ainsi que les combats de lutte, boxe et judo. Sa capacité est d’environ 4.000 places. Elle sera couverte d’un dôme métallique central qui ne sera pas transparent pour des raisons d’isolation, la salle devant être entièrement climatisée. Ici, une partie de la structure ancienne a été récupérée mais les gradins restent à faire et la salle omnisport ne sera totalement terminée qu’au début du mois de novembre.

La façade du grand stade est de style oriental recouverte de pierres naturelles.

UNE RUCHE HUMAINE

Telle une ruche géante grouillante d’activités, la Cité Sportive mobilise actuellement 112 ingénieurs et contrôleurs libanais, 20 Britanniques et 800 ouvriers de diverses nationalités travaillant jour et nuit (à la lumière des projecteurs), et cela depuis le mois de novembre 1994. La course contre la montre est engagée dans sa dernière ligne droite: le stade olympique doit être prêt avant l’ouverture des VIIIèmes Jeux Panarabes, fixée au 12 juillet prochain.

LE DERNIER DEMI-SIÈCLE DE LA VIE LIBANAISE

L’histoire de la “Cité Sportive Camille Chamoun” est attachée à ce dernier demi-siècle de la vie libanaise. Aujourd’hui, elle va reprendre la place qui est sienne, au cœur de l’activité sportive et récréative de notre jeunesse. Cette cité, il faudra la compléter et la préserver comme un bien précieux, comme un des joyaux de notre architecture, un des monuments de notre patrimoine national pour que les jeunes générations et celles qui les suivront puissent s’épanouir selon la maxime “Mens sana in corpore sano” (Âme saine dans un corps sain).

JEAN DIAB