
La première Libanaise ouvrant la
cérémonie du 8 mars au
«Chronic Care Center».
Le 8 mars, le Liban a célébré, comme
partout ailleurs, la “Journée mondiale de la femme”. Pour la circonstance,
le Comité national de la femme que préside la première
Libanaise, a organisé une cérémonie au “Chronic Care
Center” à Brasilia-Baabda, au cours de laquelle Mme Mona Hraoui,
Mme Randa Berri, vice-présidente du Comité; le professeur
Mona Khalaf, Nada Moghaïzel Nasr et Salah Steitié, poète
et écrivain, ont pris la parole pour rendre hommage à la
femme, évoquer ce qui a été déjà fait
pour améliorer sa condition et les perspectives d’avenir. Agrémentée
par des partitions musicales présentées par des élèves
du Conservatoire, la rencontre s’est achevée par une exposition
de toiles et de sculptures de femmes libanaises, en collaboration avec
la galerie Janine Rebeiz. La “Journée du 8 mars” fut précédée
d’autres manifestations portant sur les questions féminines. Le
Comité national de la femme et l’Association libanaise des droits
de l’homme ont organisé un séminaire au “Chronic Care Center”
sur le thème des législations régissant le travail
des femmes, dont les conférences et débats furent intéressants
et fructueux. De son côté, le comité non gouvernemental
pour la poursuite des questions de la femme (après Pékin)
que préside le Dr Amane Chaarani, a entamé au Club de Amchit,
son premier Work-Shop, sous le thème: “Activer la participation
de la femme à la prise de la décision politique”. La condition
de la femme au Liban n’est donc pas négligée. Depuis des
décennies, les mouvements féministes et des droits de l’homme
ont, constamment milité pour améliorer la condition de la
femme, dans la législation et le milieu du travail à tous
les niveaux. Beaucoup de choses ont été accomplies et il
reste beaucoup à faire. Une constatation s’impose: la Libanaise
qui, aujourd’hui, s’affirme de plus en plus et en tout domaine, jouit d’un
haut niveau d’instruction et d’éducation et n’a pas encore réussi
à accéder aux postes de commande: il n’y a pas eu encore
de femmes ministres; le parlement ne compte parmi ses 128 membres que trois
femmes députés. On ne connaît qu’une femme directeur
général dans l’administration et presque pas de P.D.G. Pourtant,
les compétences féminines ne manquent pas dans ce pays. Il
serait, dès lors, important d’analyser les raisons de l’absence
de la femme du pouvoir de décision et de chercher à y remédier
partant de notre structure socio-politico-culturelle qui en est peut-être
l’une des causes. Aujourd’hui, avec les élections municipales prévues
pour début juin, une occasion s’offre à la femme pour s’engager,
activement, dans une action à caractère public. Saura-t-elle
en saisir l’opportunité. Le lui permettra-t-on?

Mme Randa Berri évoque la condition de la femme
sudiste.
UNE BANQUE DE DONNÉES
A l’occasion du 8 mars, le Comité national de la femme libanaise
que préside Mme Mona Hraoui, a publié les deux premiers volumes
d’une vaste étude de données portant sur la situation et
la condition de la femme au Liban, établie à partir de diffé-rentes
enquêtes et statistiques sectorielles. Sous le titre “La femme au
Liban 1970-1995 - Chiffres et Sens”, ces deux premiers volumes constituent
de précieux documents de synthèse et d’analyse de la première
phase de ce projet exhaustif qui sera complété le 8 mars
1998 par deux autres du même calibre. Ils suivent l’évolution
de la Libanaise durant une période très significative, à
travers ses principales caractéristiques démogra-phiques,
professionnelles et fami-liales. “Cette étude, expliquent ses pro-motrices,
vise essentiellement à faire le point de façon objective
et chiffrée, sur la situation de la Libanaise dans la société
d’aujourd’hui, de mesurer l’évolution accomplie durant les vingt-cinq
dernières années et de dégager ainsi les princi-pales
tendances de cette évolution dans une perspective dynamique”. Les
différents aspects de la situation économique de la femme
et son évolution ont été groupés sous quatre
thèmes: 1- Le profil démo-graphique - 2- L’éducation
- 3- La vie familiale - 4- La vie économique.

Nada Moghaïzel Nasr rend un vibrant hommage à
Laure Moghaïzel, «infatigable militante des droits de l’homme
et de la cause de la femme», avant de présenter le livre publié
par la fondation Joseph Moghaïzel, pour le 8 mars, sous le titre:
«Les droits de la femme au Liban».
AU PLAN DÉMOGRAPHIQUE
Ainsi, au plan démographique, d’après l’enquête
par sondage sur la population, réalisée entre 1995-1996 par
le ministère des Affaires sociales, avec la collaboration du “Fonds
des Nations Unies pour les activités de population” (FNUAP), le
nombre des Libanaises résidant sur le territoire national au début
de 1996 est estimé à un million cinq cent dix mille. Comparé
aux estimations données par l’enquête - par sondage effectuée,
pour la première fois, au Liban en 1970, sur la population active,
par la Direction centrale de la statistique, la population féminine
libanaise rési-dente aurait augmenté en vingt-cinq ans de
549 mille personnes, soit un taux d’accroissement moyen de 1,8% par an,
alors que ce taux est plus faible dans la population masculine. Ce qui
permet de dire, que notre population se féminise; il faudrait à
l’avenir tenir de plus en plus compte du rôle et de la place de la
femme dans la société.

A l’heure de l’hymne national interprété
sur la flûte par les élèves du Conservatoire.
LA SCOLARISATION DES LIBANAISES EN PROGRESSION
Il a toujours été dit et confirmé que le
seul véritable capital du Liban - qui ne possède ni pétrole
ni richesses du sous-sol - est le niveau d’ensei-gnement et de culture
de ses fils. Cette vérité se confirme. En effet, on constate
que la scolarisation des filles n’a fait que croître au cours du
dernier quart de siècle. Les dernières statistiques du Centre
des recherches pédagogiques pour le développement montrent
que le nombre d’élèves dans les écoles d’enseignement
général s’élevait, en 1994, à environ 800 mille,
avec presqu’autant de filles que de garçons. Anciennement, la fré-quentation
scolaire des filles diminuait après le primaire et la majorité
d’entre elles abandonnaient les études après le brevet. Le
pourcentage des filles sur le banc des écoles égale, désormais,
celui des garçons et a même une nette tendance à le
dépasser, notamment dans les cycles du complémentaire et
du secondaire. D’après différentes enquêtes portant
sur les années 1993 et 1995, le taux de fréquentation scolaire
chez les filles et les garçons âgés de 6 à 9
ans, est le même (96% environ), mais il est légèrement
plus élevé chez les filles dans la tranche d’âge de
10 à 15 ans (93,7% contre 93%). La différen-ce, toujours
au profit des filles, est encore plus accentuée dans la tranche
d’âge suivante qui équivaut aux classes terminales (59,2%
contre 57%).

L’assistance a admiré les peintures réalisées
par des Libanaises.
LES GARÇONS PLUS NOMBREUX DANS L’ENSEIGNEMENT
TECHNIQUE
Mais dans l’enseignement techni-que, les garçons restent plus nom-breux,
malgré le nombre croissant de filles attirées par des études
techni-ques ou secondaires. N’empêche que les effectifs féminins
dans les écoles techniques ont presque doublé en dix ans,
passant de 6.925 en 1982, à 13.273 en 1992, tout en restant in-férieurs
à ceux des effectifs mas-culins. Il est, aussi, important de relever
que la poursuite des études univer-sitaires se répand de
plus en plus chez la gent féminine. Dans les années 70, la
proportion des étudiantes était de 22,7% à l’Université
libanaise et de 22,1% dans l’ensemble des universi-tés. En 1982,
elle était déjà passée à 47,3% et, aujourd’hui,
cette propor-tion a dépassé celle des garçons, se
situant autour de 52%. Certes, les jeunes filles poursui-vent leurs études
universitaires, principalement dans le domaine des lettres et des sciences
humaines, mais sont de plus en plus nombreuses à s’orienter vers
des branches professionnelles (droit, gestion, économie) ou carrément
scientifiques (Sciences médicales, mathématiques, agricoles,
génie, etc...)
LES LIBANAISES SE MARIENT DE PLUS EN PLUS TARD
La Libanaise a toujours eu un rôle important dans la cellule
familiale en tant qu’épouse et mère. Ce rôle qu’elle
a toujours su pleinement assumer, va lui permettre de veiller, fidèlement,
à la cohésion du noyau familial, tout au long des années
de guerre et d’épreuve, alors que les hommes avaient porté
les armes ou émigré en quête de travail. Grâce
à la Libanaise, la structure sociale fut préservée.
Mais la guerre, ajoutée à d’autres facteurs socio-économico-culturels,
va influencer certains aspects de la vie familiale libanaise. Les conditions
de vie de plus en plus difficiles entre 1975 et 1991, le départ
des jeunes à l’étranger à la recherche d’un gagne-pain
et la prolongation des études sont autant de facteurs à l’origine
de l’augmentation du taux de célibat des femmes libanaises depuis
1970. A cette époque, le taux global de célibat était
de 29,3%, alors que selon l’enquête sur la population de 1995-1996,
37,5% des femmes âgées de plus de 15 ans étaient célibataires.
Dans la tranche de 25 à 29 ans où a lieu la grande majorité
des mariages des jeunes femmes, le taux de célibat a passé
de 25% en 1970 à environ 47%, en 1996. A partir des différentes
enquêtes, une autre constatation s’impose: l’âge moyen du mariage
dans la population féminine a passé de 23,7 ans en 1970,
à 25 ans en 1986; puis, à 27,5 ans en 1995. Les chiffres
indiquent, aussi, que les Libanaises ont moins d’enfants. Mais il est certain
que la baisse de la natalité varie en fonction du milieu social,
du niveau culturel, des moyens économiques et du fait que la femme
a une occupation professionnelle en dehors du foyer.
LES FEMMES, ÉCONOMIQUEMENT ACTIVES
Qu’en est-il de la participation de la Libanaise à la
vie économique? D’après l’enquête du ministère
des Affaires sociales, 18,5% des femmes âgées de 15 ans ou
plus, vers la fin de 1995 étaient économiquement actives.
Si l’on examine la proportion de femmes actives dans chaque groupe d’âge,
on note que cette proportion plafonnait à 23,6% en 1970, alors qu’elle
dépasse 31% en 1995 dans la tranche d’âge de 25 à 29
ans et atteint 38% dans cette même tranche d’âge, en 1993.
Actuellement, les femmes entrent dans la vie active plus tard que par le
passé et y restent plus longtemps. Ainsi, une femme sur quatre âgée
de 35 à 39 ans en 1995, était encore active, alors qu’en
1970, seulement 13,6% des femmes de ce groupe d’âge avaient une activité
économi-que. L’évolution de la participation de la femme
à la vie économique est due, en grande partie, à la
généralisation de la scolarisation des filles et à
l’élévation de leur niveau d’éduca-tion. Ce qui, du
fait même, a changé la nature des professions exercées
par les femmes. D’après les estimations de l’enquête effectuée
par le ministère des A.S., sur les 195.600 femmes actives vers la
fin de 1995, 3800 (1,9%) sont des cadres supérieurs ou directrices
d’entreprises; plus de 45.000 sont des enseignantes (23,2%); environ 16.500
(8,4%) exercent une profession libérale autre que l’enseignement;
26.000 (13,3%) exercent une profession intermédiaire dans les différents
domaines de la technique, de la santé, du commerce ou de l’administration;
23.000 (11,8%) sont des employées de bureau; 31.500 (16,1%) des
vendeu-ses ou des serveuses; 2.900 (1,5%) des exploitantes agricoles; 12.300
(6,3%) des ouvrières qualifiées ou des artisans; 14.500 (7,6%)
des ouvrières non qualifiées dans les domaines agricole,
industriel ou des transports; enfin, 18.300 (9,3%) sont des employées
non qualifiées dans les services.
LA LIBANAISE ET LES PROFESSIONS LIBÉRALES
La proportion de femmes exerçant une profession libérale
est, de nos jours, en forte croissance. Actuelle-ment, plus de 8% des femmes
actives exercent une profession libérale, alors qu’en 1970 la proportion
était inférieure à 4%. Quant à la croissance
du nombre de personnes dans ces professions libérales, elle a été
plus forte pour les femmes que pour les hommes. Ainsi, 28% des professions
libérales sont maintenant tenues par les femmes, contre moins de
18% précédemment. D’après les registres des Ordres
professionnels, il y a aujourd’hui au Liban, côté femmes:
1.654 ingé-nieurs, 1.180 médecins, 592 dentistes, 1.474 pharmaciennes,
318 avocates inscrites à l’Ordre du Nord et 128 experts-comptables.
Au-delà de ces chiffres qui montrent la participation grandissante
de la Libanaise aux différents secteurs de la vie active et professionnelle,
on ne peut s’empêcher de relever que la femme atteint difficilement
les postes de responsabilité ou de pouvoir de décision qui
restent largement réservés aux hommes. Un travail en profondeur
est encore à faire, pour changer les mentalités et admettre
le principe de l’égalité entre l’homme et la femme à
tous les niveaux et dans tous les domaines, afin qu’ils puissent au même
titre jouir de leurs droits et remplir leur mission au sein de la société.
NELLY HÉLOU
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