IL ENTERRA LA THÉORIE DE LA GÉNÉRATION SPONTANÉE ET FONDA LA MICROBIOLOGIE |
La chimie issue de Paracelse attribuait à la putréfaction le pouvoir d’engendrer des organismes vivants. C’est cette même voie que soutenait le chimiste et physicien belge, Jean-Baptiste Helmont. Il affirmait même que souris et scorpions pouvaient naître d’un vieux chiffon humide ou d’un végétal en décomposition. Dès le milieu du XVIIème siècle, cette théorie commençait à être sérieusement mise en doute par des hommes de sciences, tel le Florentin Francisco Redi. Cependant, malgré l’invention du microscope et la découverte du monde microbien, la pauvreté des moyens expérimentaux ne permettait pas de démontrer, d’une manière radicale, qu’un être vivant ne pouvait provenir que d’un autre être vivant semblable.
Louis Pasteur, reconnu comme le père de la biologie moderne, est né en 1822. Après son agrégation en chimie en 1846, il se fait connaître par ses travaux sur les cristaux. Il en vient à se convaincre que les molécules propres aux êtres vivants sont asymétriques et se distinguent des molécules minérales qui, elles, sont symétriques. Les phénomènes de la matière vivante l’ayant toujours attiré, il fait quelques essais de génération spontanée qui se révèleront négatifs. Il est, d’abord, professeur à Strasbourg; puis, crée la faculté des sciences de Lille et est directeur de l’Ecole normale en 1857. Le tournant s’annonce pour lui lorsqu’un industriel lui demande d’étudier la conservation et les maladies du vin. Il découvre l’existence des ferments qui détérioraient le vin. Les reconnaissant comme étant de minuscules organismes vivants, il est amené à se poser des questions sur leur origine et leur formation. Il arrive à être convaincu de l’ineptie de la génération spontanée, mais il restait à le prouver. Utilisant ses talents d’expérimentateur, il commença l’aventure qui devait aboutir à révolutionner les conceptions sur les phénomènes de la vie. Pendant ce temps, un médecin et naturaliste rouennais, Félix Pouchet, avait publié en 1859 un livre traitant le sujet qui nous intéresse. C’était l’«Hétérogénie, ou traité de la génération spontanée», le livre connut un important succès. Pouchet avait promis d’apporter la preuve de cette théorie. En fait, il mettra autant d’énergie à la défendre que Pasteur à la condamner. Il mourut en 1872, sans avoir reconnu sa défaite, pourtant clairement prouvée par les résultats expérimentaux. Le combat entre les deux hommes avait pour théâtre le laboratoire. Pouchet affirmait que le foin pouvait engendrer des microbes; il défendait une naissance sans ancêtres, à partir d’une matière vivante encore pleine de souffle créateur, «Dieu n’a pas brisé ses moules», écrivait-il. Preuve en est que toutes les expériences de laboratoire effectuées à l’époque, voulant prouver la génération spontanée, réussissent. Pour Pasteur, une présence spontanée de micro-organismes ne résultait que d’une erreur de manipulation. Il soutient que tout organisme vivant doit avoir des «parents». Cependant, les défenseurs de la théorie de la génération spontanée pensaient que, si parfois les flacons fermés demeuraient stériles, c’est parce qu’ils manquaient d’oxygène et non parce que les germes se trouvaient dans l’air. Entre-temps, Pasteur avait montré que l’on pouvait développer des ferments lactiques dans une solution chimique, c’est-à-dire un mélange de produits minéraux ne contenant aucune trace de matière vivante. Pouvait-on, alors, invoquer la génération spontanée ou le «fluide vital»? Certainement pas. Pour le prouver, il change les conditions de l’expérience précédente; la solution d’eau, de sucre, de sel d’ammoniaque, de phosphates et de craie fut portée à l’ébullition; puis, il scelle le flacon de manière à le préserver du contact avec l’air. Contrairement à ce qui s’était passé, les ferments ne se développèrent pas dans le liquide; la conclusion qu’ils provenaient de l’air extérieur s’imposait d’elle-même. Pasteur constate qu’un liquide même organique et putrescible, demeure intact si on le chauffe; puis, si on le maintient à l’abri de tout contact avec l’air, c’est-à-dire qu’on le protège de l’irruption des germes. Ensuite, il trouva qu’il existait différents types de ferments. A la levure de bière, la fermentation alcoolique et uniquement celle-ci. A la levure lactique, la fermentation lactique seule. C’étaient les bases de la microbiologie, chaque micro-organisme étant responsable d’une maladie spécifique. De 1860 à 1864, des séries d’expériences menées à la fois par Pasteur et par Pouchet, tendaient en faveur du premier et discréditaient la théorie de la génération spontanée. Pasteur est, alors, accusé de détruire les propriétés vitales de l’air des flacons en les soumettant au feu. Sa réponse fut simple: un flacon contenant un liquide organique fut bouilli, puis fermé; de l’air extérieur fut aspiré dans le flacon, mais à travers un coton qui retenait les poussières. Le liquide demeura clair et n’engendra pas de micro-organismes; il était évident que ceux-ci provenaient de l’air et ne naissaient pas spontanément dans la matière organique. Dans d’au-tres expéri-ences, il ouvre en différents lieux plusieurs ballons dont il avait fait bouil-lir les liquides. Il referme, en-suite, les bal-lons et compte le nombre de ceux qui deviennent féconds. On s’aperçoit, alors, que ceux qui avaient été ouverts dans les endroits les plus pollués deviennent tous féconds, tandis que le nombre est bien moindre de ceux qui ont été ouverts en haute montagne où l’air est beaucoup plus pur. Le 20 février 1865, le rapport de la commission de l’Académie des Sciences entérinant les expériences de Pasteur reçut un vote favorable. Les applications pratiques ne se firent pas attendre: les industries agro-alimentaires adoptèrent la «pasteurisation» comme moyen de conservation de leurs produits; l’asepsie des instruments de chirurgie et des pansements fit chuter d’une manière drastique le taux des décès des suites d’infections postopératoires. Les découvertes se succédèrent et Pasteur prouva que les maladies du charbon, le choléra des poules et la rage étaient dues à des micro-organismes. Il mit au point des vaccins contre ces fléaux, basés sur des germes dont la virulence avait été atténuée. C’étaient les premiers triomphes de la bactériologie et de l’immunologie. Couvert d’honneurs, il décéda en 1895. Savant désintéressé, il aura droit au titre de bienfaiteur de l’humanité et à des funérailles nationales. De l’institut Pasteur, parmi ses disciples directs se distinguèrent particulièrement: Calmette qui mit au point la sérothérapie antivenimeuse et antipesteuse, de même que le vaccin contre la tuberculose (en collaboration avec Guérin). Le sérum et le vaccin antidiphtérique fut l’œuvre de Roux. Yersin découvrit le bacille de la lèpre et le moyen de lutter contre cette terrible maladie. |