Par José M.
LABAKI.
|
LE PLAIDOYER DU PRÉSIDENT |
||
Et comme pour donner toute
son acuité au plaidoyer, il a ajouté: «Au lieu de tout
laisser s’effondrer, bâtissons le Liban de demain. L’Etat de droit
étant la pierre angulaire, ne ratez pas ce rendez-vous, l’histoire
ne vous le pardonnerait pas!» Bien musclée et minutieusement
charpentée, - ainsi fut l’intervention présidentielle, devant
la grande assem-blée d’intellectuels et de notables à l’occasion
du festival du Livre libanais organisé par le Mouvement culturel
d’Antélias: Intransigeant, refusant formellement de renoncer à
la mission qui lui est assignée, de céder au découragement
qui, sans doute, aurait terrassé des natures moins rigoureuses que
la sienne, celle de ses détracteurs en particulier. On l’aurait
cru dans le rôle de Jean Jaurès (1) plaidant en faveur de
l’Etat des Institutions. Il avait l’air de rafler tous les paris. Les discours
politiques creux battent leur plein ces temps-ci, donnant l’impression
d’un brouillard d’encre que les politicards déficitaires à
la défensive, lancent comme une seiche. L’art de scander en vain
toutes les réussites, ne leur procure en réalité,
qu’une réputation de moins en moins crédible. Il est devenu
courant chez nous, d’écouter en somnolant, des voix fastidieuses
et monotones, clairon-nant des lendemains heureux. A l’exception de certaines
voix coura-geuses dénonçant la passivité et la léthargie
dont souffrent nos ins-titutions, celle du président de la République,
mérite d’être entendue et suivie.
*** Il est vrai que l’on peut tout faire dire au discours politique, le problème c’est l’écart entre le discours et l’action. La méthode de gouverner à grands écarts, est, à la fois dangereuse et nuisible, et elle discrédite, toutes tendances confon-dues, l’ensemble de la classe politique. Au moment où la baisse de popu-larité et l’usure précaire du pouvoir politique se font de plus en plus manifestes, l’on assiste à une véritable guerre des nerfs entre responsables, entravant ainsi la bonne marche des Institutions. En effet, si l’on additionne les mauvais exemples procurés à longueur de journée, aux maux dont souffrent les Libanais dans cette fin de siècle, on n’en finirait jamais. Archaïsme, clientélisme, monopole, des taux de déficits records, la mémoire lourde de compromis soup-çonneux, l’on obtient un cocktail explosif qu’il est impératif de désa-morcer. Les prémices de la désormais société à deux vitesses s’annoncent clairement. Comment peut-on, dans deux mondes différents, sans se fondre, ni générer une dynamique commune, instaurer l’Etat de droit sensé déjà être en pleine marche? Ce qui explique en plus, le découragement des Libanais et leur sentiment de déprime face aux méandres de la politique actuelle. Toutefois, ce qui est le plus contesté, ce n’est peut-être pas autant la politique gouvernementale, que la politique tout court. C’est la politique avec un grand P, qui devrait retrouver ses droits régaliens. Pour revenir à l’Etat de droit dont le chef de l’Etat se fait l’avocat, il implique comme il l’a bien souligné, une participation collective, une allé-geance irréversible à l’idée de nation. Quand les Libanais parviendront-ils à ce stade de maturité? Quelle qu’en soit la difficulté dans une société aussi complexe et «controversiste» que la nôtre, car, tout système politique, aussi astucieux soit-il, s’il fait fi du consensus national, est d’emblée, voué à l’échec. Les Libanais, tout comme leur président, sont conscients de cette évidence. Il est grand temps pour eux, de repenser un modèle de société à la mesure d’un millénaire qui s’annonce intolérant à l’égard des retardataires. Une société de connaissance, de multimédias, où les libertés publiques sont respectées, où la recherche, la culture, l’éducation et la formation continue, seraient accessibles à tous. Une société faite de solidarité organi-sée entre générations, une société du temps utile et loyalement rémunéré, régie par un contrat social concordant avec les nécessités et les exigences du siècle à venir, le tout formant un modèle cohérent qui servirait de plate-forme solide au Liban de demain. *** Nous voilà à l’orée d’une ère nouvelle, où il va falloir inventer un nouveau modèle de société capable d’appliquer les normes d’une démo-cratie représentative et non pas malmenée, une société aux antipodes de la société oligarchique à deux vitesses, où la part du lion va aux plus fortunés, et les miettes, si jamais il en reste, aux plus démunis. Les générations montantes déjà alertées, sont appelées à trouver de nouvelles réponses, en adoptant l’Etat de droit. Car, toute société déconnec-tée, repliée sur elle-même, sera inca-pable de s’intégrer à la civilisation de l’avenir. Puissent les Libanais de l’an 2000, découvrir cette voie royale, à l’instar des sociétés avancées. Le Liban de cette fin de siècle, a frôlé toutes les mésaventures. A sa charge désormais, il y a pas mal de travail sérieux à accomplir, dans tous les domaines, nécessitant une dy-namique nationale à toute épreuve. Sinon, l’héritage sera lourd, les problèmes qu’il laissera derrière lui ne seront jamais réglés. Que de priorités, en effet, nous sollicitent au quotidien. Méfions-nous des discou-reurs, des songe-creux, des frondeurs et de leurs surenchères. Un grand peuple tel le nôtre, n’abandonne pas facilement son histoire, et si d’aventure, il tentera de le faire, l’histoire le lui rappellera sévèrement, avant que le moment fatidique ne soit venu. C’est d’un nouvel élan que le Liban a besoin, ses dirigeants sont les premiers concernés à en prendre l’ini-tiative. Leur président vient de donner le coup d’envoi, à eux de s’associer à l’entreprise. Toutefois, à la tentation omnipré-sente du défaitisme, ne reste-t-il pas une petite place pour l’objectivité? Les Libanais ont toujours fait preuve de leur capacité à affronter les défis, et gagner tous les paris: l’Etat de droit étant une priorité absolue à respecter! (1) Homme politique, brillant tribun, leader du socialisme français (1859-1914). |
![]() |