Saturnale


Par MARY YAZBECK AZOURY.

EN POLITIQUE, CONFESSION, N’EST PAS ABSOLUTION

QUAND L’ÉCONOMIQUE SUPPLANTE LE POLITIQUE LA DIPLOMATIE DE L’AIGLE ET DE L’OURS
C’est la période du carême, il est vrai. Le temps des confessions, de la pénitence et aussi de l’absolution. Cela est sans doute une des raisons qui ont poussé certains responsables à avouer leurs fautes publiquement: Berri au sujet du quota dans la répar-tition des médias audiovisuels; Joumblatt dans l’affaire de la double comptabilité, les fraudes fiscales et tout récemment encore, dimanche dernier, au sujet des carrières, des pistons et combines plus ou moins orthodoxes qui régissent les autres carrières au Liban. Le plus drôle dans ces “confes-sions” urbi et orbi, c’est qu’au-cune mesure disciplinaire ou autre n’a suivi les “confessions”. A croire qu’en politique aussi, confession veut dire abso-lution... mais sans pénitence. Tout le monde sait que le Liban est devenu une République ubues-que, mais que des “intérêts” (au sens propre du mot) supérieurs aux principes poussent la com-munauté internationale à ne pas voir toutes les incongruités qui s’y commettent. Mais aujourd’hui, la réalité a dépassé la fiction; il est temps que les Libanais se réveillent et demandent des comptes à ces responsables irresponsables! Il est temps que les magistrats ne soient plus nommés mais élus! Alors on pourra dire: il y a des juges au Liban! Une information censée être confidentielle publiée dans le quotidien “As-Safir” (L’Am-bassadeur) du 27 février 1997 fait état d’une circulaire adres-sée à toutes les missions diplo-matiques françaises au Moyen-Orient. Selon cette note, le gouver-nement français a fait savoir à ses ambassadeurs et autres chefs de mission, que doréna-vant leurs performances seront jugées sur la quantité et l’im-portance des contrats décrochés en faveur des compagnies et des sociétés françaises, dans les pays où ils sont accrédités. Autrement dit, il n’y a plus de nos jours de politique, mais d’économie politique. La politique se traite directe-ment entre chefs d’Etat, Pre-miers ministres ou ministres des Affaires étrangères. De là à conclure que la première qualité d’un diplomate est, désormais, d’être un expert en économie, il n’y a qu’un pas! La preuve concrète vient d’être donnée, ici, en la nomi-nation du nouvel ambassadeur du Liban à Washington, docteur en économie de l’Université du Texas, Mohamed Chatah, une des personnes les plus compé-tentes en ce domaine. Ancien étudiant en économie de l’Uni-versité américaine de Beyrouth, il a été depuis 1993, vice-gouverneur de la banque du Liban. Aujourd’hui que les relations américano-russes font la première de toute la presse internationale, à l’occasion de la rencontre Madeleine Albright - Boris Eltsine, il est amusant de rappeler la reprise des relations diplomatiques entre ces deux grandes nations, après la Révolution russe de 1917. C’est le 16 novembre 1933, à une heure quatorze du matin, que les documents scellant le rétablissement des relations entre les Etats-Unis et l’URSS (à l’époque) sont paraphés dans le salon de musique de la Maison-Blanche, au terme de huit jours de négociations. Franklin Roosevelt nomme comme premier ambassadeur, à Moscou, William Bullitt, le conseiller qui l’avait assisté lors des négociations avec Litvinov, ministre des Affaires étrangères de l’URSS. Héritier d’une immense fortune, d’une riche famille de Philadelphie, William Bullitt accueille avec enthousiasme sa nomination en tant que premier ambassadeur des USA en URSS. Excentrique, il donne des réceptions qui alimentent la petite chronique diplomatique. L’une des plus célèbres est organisée en l’honneur d’une délégation américaine de passage à Moscou. Il invite leurs homologues soviétiques. Au menu: caviar, vodka, bourbon, saumon, «T-bone steaks» (importés spécialement des USA), whisky, foie gras, fruits géants tout frais de Californie, etc... Mais c’est le décor qui l’emporte sur le menu. Pour illustrer les liens d’amitié entre les deux pays, il installe dans un coin du salon un ours vivant attaché, il est vrai, à une chaîne, suffisamment longue pour lui permettre de faire quelques mètres, parmi les invités. Dans l’autre coin de la salle, sur une aire, sorte de grand perchoir, un aigle royal fauve, d’une envergure de deux mètres. Lui aussi attaché, mais avec assez de latitude pour lui permettre de survoler les invités... Au cours de la réception, des invités s’amusent à donner de l’alcool aux deux animaux et l’on imagine un peu le résultat. Leurs forces décuplées, leurs promenades parmi les présents font sensation, contribuant à quelques évanouissements et cette réception fait, ainsi, annale dans l’histoire des relations diplomatiques URSS-USA. Quoi qu’il en soit... il n’y a pas eu de rappel d’ambassadeur. Toutes les parties s’en amusent. Le département d’Etat recommande pourtant à M. Bullitt un peu moins d’extravagance.


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