Par RENE
AGGIOURI.
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UNE SCÈNE DE MÉNAGE |
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Rien n’est plus révélateur que
le veto opposé au Conseil de sécurité par les Etats-Unis
à la résolution votée par les quatorze autres membres
au sujet de la construction d’un nouveau quartier juif à Jérusalem-Est.
La condamnation de cette initiative israélienne repose, essentiellement,
sur le principe de la sauvegarde du statu quo en attendant une négociation
israélo-palestinienne sur l’avenir de la partie orientale de la
Ville Sainte, négociation prévue par les accords déjà
signés entre les deux parties. En décidant de construire
de nouveaux quartiers pour les colons à Jérusalem-Est, le
gouvernement israélien court-circuite la négociation. C’est
l’évidence. Quel est l’argument par lequel le délégué
américain au Conseil de sécurité justifie son veto?
Une dépêche de l’AFP le résume en une phrase: le Conseil
de sécurité ne doit pas intervenir dans une négociation
bilatérale en cours. Or, précisément, il n’y a plus
de négociation en cours; l’initiative israélienne la rend
sans objet. Et c’est bien pour tenter de sauver cette négociation,
en remettant les choses au point, que le groupe européen (allié
des Etats-Unis) a conçu et proposé une résolution
invitant Israël à ne pas modifier le statu quo territorial
de la Ville Sainte par une initiative unilatérale. L’opinion des
quatorze pays, pour la plupart alliés de l’Amérique et soucieux
autant qu’elle de l’avenir du processus de paix, n’a-t-elle aucune valeur
aux yeux de Washington?
*** Ce que révèle ce veto et c’est ce qu’on soupçonnait depuis l’arrivée au pouvoir de M. Netanyahu, c’est que le prétendu processus de paix n’est plus destiné à aboutir à la réalisation de ce qui était promis au moment où il avait été solennellement initié en présence d’un aréopage international. Le chef du gouvernement israélien a toujours été clair: il rejette les principes posés à Madrid; il considère que les accords d’Oslo sont mauvais; il refuse la négociation sur Jérusalem, aussi bien que sur la restitution des zones rurales de Cisjordanie et de Gaza: il vient de court-circuiter encore toute négociation sur ce dernier point en décidant, unilatéralement, de ne rendre aux Palestiniens que 2% de ces zones. Il a rendu sans objet la poursuite de la négociation avec les Palestiniens, comme il l’a rendue sans objet avec la Syrie puisqu’il refuse la restitution du Golan. La résolution proposée au Conseil de sécurité avait pour but de stopper cette dérive et de donner encore une chance à la négociation. Le veto américain, au contraire, encourage Israël à en poursuivre le sabotage. Pour Washington, comme pour Israël, l’ONU ne doit pas se mêler des affaires du Proche-Orient quand c’est Israël, qui est en cause. C’est une chasse gardée. Et de fait, les diverses résolutions du Conseil de sécurité sur le conflit israélo-arabe n’ont jamais été suivies d’effet; même pas la 425 (sur l’évacuation du Liban-Sud) pourtant votée par les Etats-Unis eux-mêmes. Ainsi, le Conseil de sécurité ne sert à rien dans ce domaine réservé. Et aujourd’hui encore moins que par le passé. Les Etats arabes n’ont plus la possibilité de recourir à la menace militaire laquelle, d’ailleurs, ne leur a jamais bien réussi. Le processus de paix en cours aujourd’hui n’est pas un processus de négociation; mais purement et simplement un processus de ralliement progressif de tous les Etats du Proche-Orient à une forme de “normalisation” sous protectorat américain. Israël en est l’un des instruments (bien mal choisi). L’Irak et l’Iran en ont été le prétexte. L’Egypte et la Jordanie y ont adhéré clairement. Leurs rôles se limitent, pour le moment, à circonvenir Arafat pour le maintenir dans la ligne. L’Arabie séoudite est également engagée dans cette voie avec les Emirats du Golfe. Les pays de l’Afrique du Nord ne pèsent pas lourd dans cette affaire. La Syrie seule résiste et s’assure de la résistance du Liban: dernière guerre d’usure que l’Amérique et Israël sont apparemment disposés à supporter avec patience. Dans cette perspective, on peut s’indigner du veto américain au Conseil de sécurité. On peut même accuser Washington de mauvaise foi ou d’aveuglement. Il faut se rendre à l’évidence: c’est la raison du plus fort qui fait loi. *** L’autre jour, les dépêches rapportaient une scène inouïe: un député israélien insultait publiquement l’ambassadeur des Etats-Unis. “Espèce de youpin!”, lui lança-t-il à la figure. Et comme l’ambassadeur Indyk, qui est juif, menaçait de lui “casser la figure”, le député a récidivé: “youpin...” et pour faire bonne mesure, il a ajouté “Fils de p...”. Personne n’a cassé la figure de personne. Imaginerait-on un incident pareil dans une capitale arabe ou de n’importe quel pays du monde? Washington, en tout cas, n’a rien entendu. Entre Américains et Juifs, ce n’était en somme qu’une banale scène de ménage... |
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