NEUF OSCARS AU CHEVET DU “PATIENT ANGLAIS” DE MINGHELLA


La fierté du cinéma français Juliette Binoche, deuxième actrice française à remporter un Oscar après Simone Signoret.

Le tapis rouge est déroulé devant le “Shrine Auditorium” à Hollywood. Los Angeles et le ballet incessant des limousines noires a débuté.... Un à un ou par couple, les stars du septième art montent les escaliers sous le crépitement des flashes de centaines de photographes agglutinés les uns contre les autres.... C’est à qui immortalisera le sourire ravageur de Madona, ou la silhouette sculpturale de Nicole Kidman qui arrive avec son époux Tom Cruise, favori dans la course aux Oscars... Pose-photo pour Andy Mac Dowell, Mira Sorvino, Al Pacino, Juliette Binoche, Goldie Hawn, Diane Keaton.... Le maître de cérémonie est un habitué des lieux.... Billy Cristal, l’inénarrable vedette de “When Harry met Sally”, “Remember Paris”... Un parterre de rêve avec tout ce que Hollywood compte de personnalités du monde du cinéma, comme Anthony Minghella, Susan Sarandon, Frances Mac Dormand, les frères Cohen, Steve Buscemi, Lauren Bacall, Glenn Glose pour ne citer que quelques-uns.... Le rideau se lève sur un décor qui ne manque pas d’originalité et enfin, après la projection de “rushes” pastichant les films en compétition, Billy Cristal fait son entrée sous un tonnerre d’applaudissements et la “soixante-neuvième cérémonie des Oscars” débute par cette petite phrase qu’il prononce: “Bienvenue à Hollywood, le monde des secrets et mensonges” allusion au très beau film qui était également nominé “Secrets and lies”.


Gabriel Yared... Un Oscar pour la Musique de “The English Patient”.

LES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS SOUS LE FEU DES PROJECTEURS DE LA GLOIRE...
Le programme de cette soirée très chargée s’est déroulé dans le plus pur style hollywoodien, les organisateurs n’ayant rien laissé au hasard. Une cérémonie entrecoupée, par l’arrivée sur scène, d’acteurs et d’actrices de renom, pour remettre aux heureux gagnants, leur trophée, sans oublier le passage de vedettes de la chanson comme Madona qui, avec beaucoup de “fair play”, avait accepté de venir chanter, malgré sa déception de ne pas figurer dans le palmarès pour sa prestation dans “Evita” et Céline Dion, surnommée “The Voice”, qui a captivé son auditoire par son timbre unique et sa présence scénique indiscutable. Mira Sorvino devait remettre l’Oscar du meilleur second rôle masculin à Cuba Gooding Jr. pour le film “Jerry Macguire”. Meilleur second rôle féminin, Juliette Binoche dans “Le patient anglais”.


Anthony Minghella porte à bout de bras son trophée.

“IT IS A DREAM... A FRENCH DREAM....”
C’est une Juliette Binoche visiblement surprise de son Oscar qui est montée sur scène ce soir-là. Très élégante dans une robe longue de couleur prune, elle est la seconde française à recevoir cette ultime récompense, 38 ans après Simone Signoret. Convaincue que Lauren Bacall remporterait l’Oscar, Juliette Binoche n’avait même pas pensé préparé un mot de circonstance. Dans un sourire radieux, portant haut son trophée, elle a dit: “It is a dream.... It is a french dream....” La comédienne ne compte plus les récompenses: sacrée à Berlin, César du meilleur rôle féminin, Prix d’interprétation à Venise, Juliette Binoche est la nouvelle fierté du cinéma français. L’actrice s’était fait connaître dans “Je vous salue Marie”, de Godard, “Rendez-vous” de Téchiné, “Les amants du Pont-Neuf”, de Carax, “L’insoutenable légèreté de l’être”, de Kaufman et “Bleu”, de Kieslowski qui lui vaudra outre le César, la Coupe Volpi. Pas une seule fausse note dans la carrière de la comédienne qui, de film en film, devenait plus anglo-saxonne et cela aussi a dû compter dans la course aux Oscars. “Ce que j’ai essayé de montrer à travers mon personnage, a-t-elle confié, c’est la lumière.... Je veux rendre ici hommage à une grande dame, Lauren Bacall”... C’est vrai, Juliette Binoche est un être de lumière, ce n’est donc pas étonnant si maintenant tous les feux de la rampe sont braqués sur elle.


On n’a pas peur de grimacer devant les caméras et devant plus d’un milliard de télespectateurs... Ici toute la joie des deux acteurs qui ont remporté les Oscars: Geoffrey Rush, dans “Shine” et Frances McDormand, pour “Fargo”.

GABRIEL YARED.... “JE DÉDIE MON OSCAR À MA FEMME...”
Gabriel Yared devait remporter, toujours pour “Le patient anglais”, l’Oscar de la meilleure musique (Film dramatique). Et c’est à travers Yared que tous les Libanais étaient émus.... Gabriel Yared a avoué avoir eu un plaisir immense à travailler avec Anthony Minghella, le réalisateur de ce film. Après un César en 93 pour la musique de “L’Amant”, quatre victoires de la musique et, tout dernièrement, encore un Golden Globe, l’Oscar a définitivement sacré le grand talent de ce compositeur qui commençait à connaître la notoriété avec le film de Beneix “37,02 le matin”. C’est encore lui qui signe les musiques de “Malevil”, de “Camille Claudel”, “Hanna K.”, “La lune dans le caniveau”.... A 47 ans, ce compositeur prolifique aura signé des centaines de chansons et musiques de film, sans compter ses “jingles” pour la publicité. Le Liban tout entier avait ce soir-là le sourire de Gabriel Yared....

UN PALMARÈS QUI A COURONNÉ LE FILM D’ANTHONY MINGHELLA, AVEC UN BOUQUET DE NEUF OSCARS

Julie Andrews devait remettre un Oscar d’honneur à Michael Kitt, le chorégraphe qui a véritablement révolutionné le monde musical avec des films comme “Seven brides for seven brothers”, “The bud wagon”, avec l’inoubliable Fred Astaire dansant en duo avec Cid Charisse, “Guys and dolls” avec Marlon Brando ou “Hello Dolly” avec la sublime Streisand.... Meilleur documentaire: “When we were kings”, avec Leon Gast et David Sonnenberg. Ce film relate l’historique combat de boxe qui eut lieu au Zaïre et consacra la victoire de Mohamed Ali Clay sur George Foreman. Ovationné par le Tout-Hollywood, c’est un Mohamed Ali miné par la maladie de Parkinson qu’on apercevait très ému et qui montait sur scène escorté par le réalisateur du documentaire. Meilleurs costumes, un Oscar pour Ann Roth qui a exécuté les costumes du film de Minghella. L’Oscar du meilleur film a été donné au “Patient anglais”. Une production Miramax, avec comme producteur Saul Zaentz. Ce film aura coûté la bagatelle de 200 millions de francs lourds et plus de 27 millions affectés au “marketing”. Le film est déjà projeté dans 1200 salles aux Etats-Unis....

AND THE OSCAR GOES....
Minghella, le réalisateur anglais à qui l’on doit “Truly, madly, deeply” “Made in Bangkok” ou “Mr Wonderful” croulait sous les lauriers. Tous les amoureux du cinéma avaient parié pour Minghella, le film étant considéré comme le plus important de l’année en cours. Tiré du roman de l’écrivain canadien Michael Ondaatje, l’histoire se situe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, entre le désert nord-africain et la péninsule italienne. Un film d’amour, de passions exacerbées, d’aventures avec dans le rôle du héros principal Ralph Fienes et Kristin Scott Thomas qui joue le rôle de son épouse. Une fresque romanesque sur fond de guerre et de désert.... “The english patient” avait déjà obtenu le Golden Globe du meilleur film et Juliette Binoche dans le rôle de l’infirmière Hanna recevait l’Ours d’Argent au Festival de Berlin. Le réalisateur s’est exclamé en recevant son Oscar: “C’est un grand jour pour l’île de Wight...” C’est, finalement, Geoffrey Rush, pour sa prestation dans “Shine” qui gagnait l’Oscar du meilleur acteur. Le comédien recevait son trophée des mains de Susan Sarandon. Frances McDormand a été désignée Meilleure actrice pour “Fargo”. Le fringant Nicolas Cage sacré l’année dernière meilleur acteur, a offert l’Oscar à la comédienne, épouse du réalisateur Cohen. A 39 ans, Frances préfère les rôles à composition aux paillettes de Hollywood. Sculpturale dans une robe extra-moulante d’inspiration asiatique, la belle Nicole Kidman remet à Walter Murch l’Oscar du meilleur montage pour “Le patient anglais”. Meilleure prise de vues.... Encore un Oscar pour le film de Minghella. L’Oscar étranger est revenu à “Kolya”, un film tchèque à la forte connotation politique. Un film doux-amer sur les rapports d’un vieux musicien avec un enfant russe au moment de la “révolution de velours”. “Kolya” avait déjà reçu le Globe d’Or de l’association de la Presse étrangère le 20 janvier dernier. La cérémonie des Oscars était diffusée à travers la planète pour une audience estimée à un milliard de télespectateurs. Cette année, les films en compétitions étaient réalisés par des producteurs indépendants, avec des acteurs peu connus.... Al Pacino fut le dernier à monter sur scène pour remettre un Oscar à Saul Zaentz, l’heureux producteur du “Patient anglais”... Le rideau tombait sur les étoiles.... Dans la nuit de Hollywood comme chaque année, certains sont rentrés vite chez eux pour remâcher leur déception.... D’autres ont été savourer leur bonheur... Le tapis rouge a été plié.... Comme le disait Juliette Binoche “It was a dream”... Une soirée de rêve. Silence, on ne tourne plus pour ce soir du moins.... La course pour le soixante-dixième gala des Oscars est ouverte... A l’année prochaine! Faites vos jeux....

SONIA NIGOLIAN


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