Editorial


Par MELHEM KARAM

I - LE QUARANTIÈME ANNIVERSAIRE TROUBLE L’UNITÉ EUROPÉENNE

II - LE TRIO MAGIQUE PROTÈGE LE PACIFIQUE CONTRE LES DANGERS

Photo Melhem Karam
- I - La dernière réunion tenue à Rome des quinze ministres des Affaires étrangères n’a pas été promet-teuse de jours radieux pour l’unité européenne, à l’occasion du quaran-tième anniversaire de sa fondation le 25 mars 1957. Elle s’est terminée à l’ombre de l’ambiguïté et de la perplexité. Les festivités marquant la naissan-ce du traité de Rome sont devenues matière à de vives dissensions parmi les signataires représentés par les ministres des Affaires étrangères, autour de l’agenda relatif à l’uni-fication de la monnaie, à la conférence gouvernementale des «Quinze», à l’élargissement de l’unité, aux institu-tions européennes et à la procédure du vote au sein du Conseil européen. Quatre-vingt-dix pour cent des grands sujets européens devant être adoptés en juin prochain à Amsterdam, ont dévoilé des divergences flagrantes dans les points de vue, à propos de leur règlement. Ceci a provoqué une crispation dont l’acuité a été atténuée quelque peu par la logique diplomatique qui pousse en permanence à porter des gants de velours. Le premier projectile a été lancé par Lamberto Dini, l’influent ministre italien des Affaires étrangères. «La France et l’Allemagne, a-t-il déclaré, sont en butte à des difficultés quant à leur engagement à respecter les critères de la coordination économique tels que définis par Mastricht, le report d’une année de l’unification de la monnaie pouvant être utile à tous. Les milieux proches du ministre italien ont démenti sa déclaration avec mollesse, alors que le ministre allemand, Klaus Kinkel, a menacé avec dureté les Etats du club «Med», c’est-à-dire des Etats du sud de l’Europe, de les exclure de la monnaie européenne. Il estime que les marchés financiers exigent de hâter la mise en circulation de cette monnaie à la date fixée, toute décision contraire pouvant provoquer la dévaluation de cette monnaie nouvelle. De même, la tendance vers le fédéralisme et la création d’un noyau européen ont fait l’objet d’un litige féroce entre la chancelier Kohl et le ministre britannique, Malcolm Rifking, lequel a dit que l’unité européenne n’est pas un Etat et il n’est pas permis qu’elle se comporte en tant que tel. Les propositions française et allemande suggérant l’abolition du veto et des frontières sont rejetées. Kohl a répliqué qu’il n’y avait pas de rechange à l’unification de l’Europe, alors que Hervé de Charette a déclaré: «Il existe un traité qu’il faut appliquer, car si nous ouvrons de nouveau la porte des négociations, aucun accord ne pourra plus être signé». Reste à relever le défi de l’Amérique par la monnaie européenne unifiée, soutenue par l’Allemagne qui mobilise les Etats actifs d’Europe occidentale contre la position financière américaine, pour remporter la bataille de la concurrence et dominer l’est de l’Europe. Puis, l’Europe politique ne peut être garante de l’indépendance et de la souveraineté financière face au parent américain gênant. Et Hervé de Charette, ministre français des Affaires étrangères, fait ce commentaire: «Dans le passé, nous avons essayé de protéger l’Europe en dehors du pacte atlantique et cela était un comportement non réaliste». Comme c’est toujours le cas - ce qui affecte l’unité européenne et jette une ombre sur le quarantième anniversaire - le désir est en faveur de la constitu-tion, au nom de la sécurité et de la stabilité en Europe, d’une force suscitant la perplexité et consolidant la conception américaine dans le domaine militaire jusqu’à l’extrême limite de la provocation, ceci exigeant d’élargir les limites de l’institution initiale jus-qu’aux portes de Moscou.
- II - La nouvelle politique chinoise tend à adopter des positions soutenant toutes les causes des Arabes. C’est ce que laissent apparaître, chaque jour, les activités du président chinois qui a décidé de tendre sa main à toute ouverture et à toute amitié susceptibles de ragaillardir la Chine «libérale», selon les enseignements de Deng Xiaoping. L’ouverture chinoise s’oriente vers les Etats-Unis d’Amérique et le Japon. Quiconque a entendu les décla-rations officielles durant les derniers jours, a la certitude que la Chine, l’Amérique et le Japon forment un trio magique prêt à protéger le bassin de l’Océan pacifique contre tous les dangers. Quand il est arrivé à Pékin où il a rencontré le Premier ministre Lee Peng, Al-Gore, vice-président américain, a affirmé son désir de poursuivre l’édification d’une paix permanente entre la Chine et l’Amérique. La veille de son arrivée, les Chinois ont tenu des propos dithyrambiques au sujet des liens existant entre les deux Etats, les qualifiant de stables, partant du souci de préserver les intérêts communs des deux superpuissances qui assument les charges de la paix dans la région d’Asie et de l’Océan pacifique. Al-Gore qui a débarqué en Chine venant de Tokyo, a salué le Japon en tant qu’allié fondamental des Etats-Unis et son prochain partenaire en Asie. Ces paroles seyantes préparent la voie à l’échange de visites durant l’année courante et l’an prochain entre les présidents Jiang Zemin et Bill Clinton, camouflant une émulation dont ne peuvent prévenir la violence et l’émergence trois forces riveraines d’un Océant entourant une région, que tous considèrent comme étant le pôle principal pour le développement au cours de la prochaine décennie. Désireuse d’avoir le système d’une grande puissance, la Chine ne cache pas son inquiétude quant à l’accroissement de la coopération militaire entre Washington et Tokyo. De son côté, le Japon n’est pas rassuré du point de vue des progrès réalisés par la Chine dans le domaine de l’armement colossal utilisé en tant qu’élément de base dans le dialogue. Quant aux Etats-Unis, ils se trouvent exposés, à tout moment, à une crise que ne peuvent susciter des développements subits à Taiwan ou dans la presqu’île coréenne. Cette situation inquiétante à multiples visages, n’afflige la Chine d’aucun complexe et ne la prive pas des cartes dont elle dispose, lesquelles restent efficaces et complètes. Le marché chinois attise toutes les passions et les convoitises, ce qui lui confère la capacité de sanctionner ceux qui la critiquent et de gratifier ceux qui la traitent avec respect et cordialité.


Home
Home