Reprenant ses critiques, à peine voilées, contre les chefs
du Législatif et du gouvernement, quant à la manière
dont ils traitent le problème municipal et les accusant, implicitement,
de déroger à la Constitution, le président Elias Hraoui
s’est prononcé en faveur de l’organisation des élections
municipales et de moukhtars. Il a même insinué que les deux
autres pôles du pouvoir veulent reporter ces dernières, en
raison de la décision prise par l’opposition d’y prendre part. Dans
le même temps, le chef de l’Etat a réaffirmé sa détermination
à faire passer deux projets qui lui tiennent à cœur: celui
relatif aux réformes constitutionnelles (à l’origine de sa
brouille avec le président de l’Assemblée) et le projet portant
révision de la loi sur le statut personnel qui a provoqué
des réactions négatives dans les milieux mahométans.
Le ton des déclarations présidentielles faites au cours d’une
conférence de presse tenue mercredi soir au palais de Baabda, aurait
été plus incisif n’était-ce l’appel à la retenue
des responsables syriens et l’action des médiateurs visant à
rasséréner le climat politique. Il faut dire, aussi, que
les présidents Berri et Hariri avaient exprimé leur satisfaction
quant aux points développés par le président de la
République, les qualifiant de «naturels», contribuant
ainsi à détendre quelque peu l’atmosphère.
LA «BATAILLE DES MUNICIPALES» A-T-ELLE
PRIS FIN?
En fait, M. Hraoui a renvoyé la balle à la Chambre
des députés, disant que le report des municipales est du
ressort du parlement. «Si, dit-il, la majorité parlementaire
se prononçait en faveur de l’ajournement des élections, je
me conformerais à sa décision. Or, la plupart des députés
et près de quatre-vingt-deux pour cent des citoyens, selon un récent
sondage d’opinion, sont pour le scrutin aux dates fixées, soit dans
la première quinzaine de juin». Le chef de l’Etat estime que
le retrait du parlement du projet portant amendement de la loi sur les
municipalités (de 1977) transgresse les règles en vigueur.
«Un tel projet, observe-t-il, qui a été transmis à
la Chambre en vertu d’un décret présidentiel, ne peut en
être retiré qu’en vertu d’un autre décret présidentiel».
Le chef de l’Etat précise qu’il se soucie, uniquement, de veiller
au respect de la Constitution (qu’il brandira à plusieurs reprises
au cours de la conférence de presse). «Je consinuerai à
le faire jusqu’à la fin de mon mandat».
NON AU CUMUL ET AUX NOMINATIONS
Autres points développés par le président Hraoui:
les nominations (auxquelles il est opposé) de conseillers municipaux
et de moukhtars dans les localités situées dans la zone occupée
par Israël et les villages que leurs habitants (déplacés)
n’ont pas encore réintégrés. «On aura tout le
temps d’organiser des municipales, lorsqu’ils y retourneront». Quant
au cumul de la charge de député et d’édile, le chef
de l’Etat s’y oppose. Puis, citant le cas du Premier ministre français,
M. Alain Juppé, maire de Bordeaux, il fait état d’une étude
que le professeur Bedel, éminent constitutionnaliste, a été
chargé d’effectuer à ce sujet avant de mettre un terme à
cette «anomalie». «Le député, précise
M. Hraoui, jouit de l’immunité parlementaire. S’il assume en même
temps les fonctions de président de municipalité, il n’est
pas possible de le poursuivre en cas d’infraction à la loi, avant
de lever l’immunité qui le couvre. Ceci n’est ni logique ni permis».
De plus, le président Hraoui se prononce contre l’élection
du président et du vice-président du conseil municipal au
suffrage universel.
HARIRI A GAFFÉ TOUT EN ÉTANT
DE BONNE FOI
Par ailleurs, il pense que le président Rafic Hariri
a commis une erreur, en décidant de retirer le projet relatif aux
municipales, mais sans douter de sa bonne foi, disant «qu’il a pu
être induit en erreur par certains de ses conseillers». Il
en arrive à déduire que le projet de loi mentionné
est «entre les mains de l’Assemblée», en ajoutant «qu’il
ne cherchait noise à personne, ni à susciter des problèmes».
Puis, il rappelle le délai constitutionnel de quarante jours, au
terme duquel il est possible de promulguer par décret un projet
de loi déposé sur le bureau de la Chambre revêtu du
caractère de double urgence... après avis conforme du Conseil
des ministres. «Si, répète-t-il, le parlement votait
pour le retrait et que le texte de loi m’était rendu, je le renverrais
à la Chambre, mais si la majorité parlementaire, se prononçait
contre l’organisation des élections municipales, je me soumettrais
à sa volonté». Enfin, il s’insurge contre la thèse
selon laquelle des problèmes d’ordre politique liés, essentiellement,
à une éventuelle victoire de l’opposition, commanderaient
l’ajournement des municipales. Et se dit favorable à l’organisation
du scrutin «en automne ou même en hiver, mais non en été,
pour ne pas compromettre la saison estivale et touristique».
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