De
lui, on peut dire qu’il a du pain sur la planche. En effet, il doit trancher
plusieurs dossiers à la fois, l’un étant plus impérieux
que l’autre, à savoir: l’application des nouveaux programmes pédagogiques,
l’enseignement obligatoire, l’instruction religieuse dans les écoles,
les scolarités et les problèmes inextricables qu’elles posent
avec les établissements scolaires et les parents d’élèves.
Nous l’avons rencontré en sa résidence de Terbol qui dresse
sa masse imposante dans cette région montagneuse surplombant monts
et vallées. L’homme frappe par la transparence de ses idées
et par sa manière expéditive de régler les questions
dont la solution relève de sa compétence et de ses attributions.
QUID DES SCOLARITÉS?
Nous l’avons interrogé, tout d’abord, sur les moyens auxquels a
recours son département aux fins de freiner la hausse des scolarités.
A la question: «Est-il vrai que l’inspection centrale procède
à une vérification minutieuse des budgets des écoles,
pour s’assurer de leur régularité?», il répond:
«Oui, c’est exact. Des dizaines de responsables d’établissements
scolaires ont été soumis à un interrogatoire, une
centaine d’écoles ayant enfreint aux injonctions du ministère
de l’Education. «Il est demandé à ces derniers de restituer
les sommes perçues illégalement. Ceux qui n’obtempèrent
pas à nos instructions sont déférés devant
la juridiction compétente».
- Quelle est la proportion du relèvement des scolarités
autorisée par le ministère?
«La proportion est mobile, à l’instar des services et
dépenses des écoles. On sait que la majoration est répartie
dans une proportion de soixante-cinq pour cent sur le cadre des enseignants
et de trente-cinq pour cent sur les services et les équipements.
«Il nous faut connaître le nombre exact des membres du corps
enseignant et celui des élèves. Certains établissements
scolaires n’ont pas le droit de majorer leurs scolarités, même
de dix pour cent; il existe, à ce propos, un plafond variant entre
vingt-cinq et trente pour cent, selon le nombre des écoliers et
des instituteurs». M. Obeid se plaint, justement, du nombre limité
de fonctionnaires chargés de procéder à une inspection
en bonne et due forme, à l’effet de s’assurer du fait que les écoles
ne dérogent pas aux consignes officielles. «Nous avons renforcé
l’organisme qualifié de vingt-cinq inspecteurs qui ont été
attachés au service préposé au contrôle de l’enseignement
privé. «Cela nous a permis de sanctionner cent-dix à
cent-vingt établissements scolaires. Certains d’entre eux se sont
mis en règle avec la loi, mais d’autres ne l’ont pas encore fait.
Aussi, sommes-nous forcés de les déférer devant la
justice. Vous en entendrez parler dans les cinq districts».
RÉFORME DES PROGRAMMES PÉDAGOGIQUES
- Quelles sont les grandes lignes des nouveaux programmes élaborés
par le Centre pédagogique récemment approuvés par
le Conseil des ministres?
«Ces programmes n’avaient pas été révisés
depuis plus de trente ans. Les douloureux événements ont
fait apparaître la nécessité de procéder à
leur refonte et à leur rénovation, ce à quoi s’est
attelé le Centre pédagogique. Celui-ci a procédé
de façon à suivre le rythme de l’évolution moderne,
non seulement sur le plan de l’enseignement et de l’éducation, mais
dans d’autres domaines tels le computer, la mécanisation, la santé,
l’environnement, l’économie. «De ce fait, il existe à
présent quatre baccalauréats, au lieu de deux pour les sciences,
l’économie, les lettres et les sciences de la vie. Cette innovation
permettra à plus de vingt pour cent des jeunes de poursuivre leurs
études et d’opter pour des branches répondant à leurs
qualifications et à leur goût. Ceux-ci changeraient le cours
de leur existence en cas d’échec au baccalauréat, alors que
maintenant plusieurs possibilités s’offrent à eux sur le
marché de l’emploi».
QU’EN EST-IL DE L’INSTRUCTION RELIGIEUSE?
- Le Conseil des ministres s’est prononcé, au terme d’un
long débat, en faveur du caractère facultatif de l’instruction
religieuse dans les écoles...
«Cette décision s’applique aux écoles publiques.
Quant aux écoles privées, elles ont toute latitude de décider
en la matière. J’ai pris position contre cette décision,
mais j’ai dû souscrire à l’avis de la majorité des
membres du gouvernement».
- Cette décision ne signifie-t-elle pas la suppression de
l’instruction religieuse dans les écoles publiques?
«On peut l’interpréter de cette manière et je me suis
prononcé contre cette formule en Conseil des ministres. J’ai émis
des réserves à son sujet. Car les élèves n’iront
pas à leurs écoles vendredi et dimanche pour suivre le cours
d’instruction religieuse. Ceci se traduit pratiquement, par sa suppression.
“Je suis avec l’instruction religieuse, à condition qu’elle soit
supervisée par l’Etat, par l’intermédiaire d’un organisme
mixte formé de laïcs et de religieux. Ce dernier aurait à
mettre en relief les points de la religion susceptibles de rapprocher les
citoyens et non de les diviser ou de les éloigner les uns des autres.
“Quant aux adultes, ils pourront s’ils le désirent, approfondir
leurs connaissances religieuses et théologiques à l’école
cléricale de Ghazir ou à l’université d’Al-Azhar”.
- Ce dossier a-t-il été définitivement fermé?
“Je crois que la question n’a pas été tranchée
d’une manière définitive. Je suis d’avis qu’elle soit soulevée
de nouveau en Conseil des ministres, dans le but d’y apporter des modifications.
Je suis un démocrate me soumettant à la décision de
la majorité. Mais j’agirai aux fins de changer cette décision,
car il ne faut pas négliger cette question. Je poursuivrai mon action
dans ce but au sein et en dehors du Conseil des ministres”.
MANUELS DE FORMATION ET D’HISTOIRE
- Y a-t-il du nouveau à propos de l’unification des manuels
d’Histoire et de formation civique?
“Le livre unique de formation civique a été mis au point;
il reste à préparer le manuel d’Histoire qui est en cours
de concrétisation. Je tiens à vérifier de près
toute sa matière, d’autant qu’il s’agit d’un ouvrage historique,
davantage que d’un manuel d’Histoire. Il doit, par conséquent, constituer
une lecture unique, conformément aux recommandations en ce sens
de l’accord de Taëf”.
- Il serait, dit-on, question d’élaborer un plan pédagogique
que le ministère de l’Education serait chargé d’appliquer.
En quoi consiste-t-il?
“C’est exact et il concerne les enseignants du point de vue de leur
formation et de leur recyclage, afin de généraliser l’école
dans la troisième phase. Ce plan connaîtra un début
d’application en 1997-98, d’une manière progressive”.
- Le ministère de l’Education compte-t-il satisfaire les revendications
du corps enseignant relatives au foyer de l’enseignant, au cadre unifié,
etc...?
“Nous avons approuvé certaines d’entre elles et poursuivons
l’étude des autres que nous espérons pouvoir satisfaire à
la fin de l’année scolaire, après leur ratification par l’Assemblée”.
POURQUOI L’AFFLUX AUX ÉCOLES PUBLIQUES?
- On constate un afflux d’élèves dans les écoles
publiques; envisagez-vous de prendre des mesures à l’effet de faire
face à l’accroissement du nombre des élèves l’an prochain?
“Cet afflux, est dû à deux raisons: d’abord, la situation
économique; ensuite, le relèvement du niveau des écoles
publiques. Aussi, avons-nous décidé de renforcer les langues
étrangères dès le premier cycle. Nous nous proposons,
également, de généraliser l’école publique
dans tout le pays et, à cet effet, nous réclamerons les fonds
nécessaires pour entreprendre la construction de nouveaux établissements
scolaires”.
- Le ministère de l’Education avait lancé le slogan:
“un siège pour tout enfant en âge scolaire”: est-il en train
de l’appliquer?
“C’est un objectif que nous ne pouvons atteindre avant de construire un
nombre suffisant d’écoles pour pouvoir accueillir tous les enfants”.
- Pourquoi, à votre avis, la politique s’immisce-t-elle dans
les institutions pédagogiques, ainsi que le prouve la récente
nomination de nouveaux doyens à l’U.L. et la création d’une
faculté de tourisme en vue, vraisemblablement, de “caser” un candidat
se réclamant de quelque pôle du pouvoir?
“La création d’une nouvelle faculté a ses justifications
et ses objectifs. J’ai émis mon point de vue à ce sujet en
Conseil des ministres et je ne le divulguerai pas en dehors du palais du
gouvernement. “Quant à l’immixtion des hommes politiques dans le
secteur académique et universitaire, on ne peut l’ignorer: tous
les politiciens jurent de ne pas s’ingérer dans ce secteur, mais
en fait, ce n’est pas le cas”.
POUR LA SÉPARATION DES POUVOIRS ET LEUR
COOPÉRATION
- Après l’annonce par le chef du Législatif de la
“mort” de la troïka, est-on revenu réellement au “pouvoir des
institutions”?
“Non, nous n’y sommes pas encore revenus. A mon avis, on ne doit ni
enterrer la troïka, ni la consacrer, la coopération entre les
pouvoirs devant supplanter la “complicité”, la séparation
ne devant pas signifier la rupture entre ces derniers. Nous prônons
la coopération entre les pouvoirs, tout en les séparant comme
l’exige la Constitution”.
- D’aucuns ramènent les différends entre les trois
présidents, à l’intention qu’on prête à certains
proches du palais de Baabda de vouloir reconduire, une fois de plus, le
mandat présidentiel...
“Les renseignements dont je dispose ne confirment pas cette tendance. Le
mal réside dans la façon pour les pôles du pouvoir
de traiter la chose publique. Comme je l’ai dit précédemment,
ils doivent coopérer, tout en restant séparés”. M.
Obeid juge normal le fait pour les députés nordistes de ne
pas coopérer au plan politique après s’être alliés
aux élections législatives, estimant que cet état
de choses découle du système démocratique, lequel
repose sur l’émulation. “Au fond, assure-t-il, les parlementaires
du Liban-Nord, à l’instar de leurs collègues des autres districts,
s’entendent autour des grandes lignes de l’action à entreprendre
pour le bien de leur circonscription”.
CONJONCTURE RÉGIONALE INQUIÉTANTE
De la conjoncture régionale, le ministre de l’Education
nationale dit qu’elle est “inquiétante”. “Le Proche-Orient, soutient-il,
ne s’achemine ni vers une paix sûre, ni vers une guerre imminente,
la situation oscillant entre ces deux tendances”.
- Vous attendez-vous à des pressions visant à dissocier
les volets libanais et syrien des négociations avec Tel-Aviv?
“Il n’en est pas question, car il s’agit d’une constante par rapport
à l’Autorité. Au sein de l’Assemblée qui est la source
du pouvoir, il existe une ligne claire ne permettant pas de mésentente
entre le Liban et la Syrie. Il en est de même au sein du Cabinet
où n’apparaît aucun désir de provoquer une séparation
entre les deux pays, nul n’ayant la capacité de favoriser un tel
courant qui va à l’encontre de nos intérêts communs”.
(Propos recueillis par Hoda Chédid)
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