Bloc - Notes


Par ALINE LAHOUD..

DES CLONES ET DES CLOWNS

Il ne faut pas être grand savant écossais - candidat au Nobel de surcroît - pour réussir un clonage. M. Hariri, lui, l’a simplement réalisé en passant, au parlement, d’un banc à un autre. Comme personne ne l’ignore, Rafic Hariri est député de Beyrouth et, comme chacun ne le sait que trop, Rafic Hariri est aussi président du Conseil des ministres d’une troisième république, résultat elle-même d’une insémination artificielle. Bon. Jusqu’à présent, il n’y a là rien de bien extraordinare. Une insémination artificielle, on sait ce que c’est. On sait qui a pratiqué la nôtre et en faveur de qui. On sait, aussi, que des députés qui deviennent chefs de gouvernement est d’un usage courant en démocratie parlementaire. Mais, lorsque la cellule haririenne se divise en deux cellules identiques, pour que l’une de son banc de député réclame à l’autre carrée dans le fauteuil de Premier ministre le retrait d’une loi, ce n’est plus de la démocratie, c’est de la génétique. Et que la brebis Dolly cesse de se croire un phénomène unique en son genre. Notre problème, au Liban, c’est que quelqu’un a songé un jour à nous doter d’une Constitution dont on ne sait pas à quoi elle sert! A moins qu’elle n’ait été spécialement inventée pour se faire violer. Un sport dans lequel excelle la troisième république et, plus particulièrement, le président Hariri. Sans toutefois minimiser, en aucun cas, les deux autres composantes de la défunte (?) troïka, les présidents Hraoui et Berri. C’est sans doute pour respecter la tradition de viol que le Premier ministre a entrepris, avec la complicité active de M. Berri, d’assassiner au berceau un projet de loi (celui devant régir les élections municipales) sans en référer ni au Conseil des ministres, ni au président de la République. Et ce furent les trompettes du jugement dernier, la place de l’Etoile se trouvant transformée en vallée de Josaphat et Baabda en mur des lamentations. La manœuvre n’a échappé à personne. Il ne faut pas être, particulièrement, doué pour les arts divinatoires pour imaginer que messieurs Hariri et Berri ne veulent pas de ces élections. Surtout depuis que l’opposition, qui avait boycotté les deux dernières législatives, appelait les siens à une participation massive au scrutin municipal. A partir de là et sachant que les municipales ne sont pas les législatives, que chaque village vote en vase clos et que chaque électeur connaît nommément chaque votant, il devient assez acrobatique - et risqué - de tricher sans pour autant employer carrément la force ou la corruption. Il ne faut pas perdre de vue non plus les intérêts personnels des uns et des autres. Pour Berri - qui a activement aidé Hariri à transformer la séance parlementaire en une bouffonnerie où le burlesque des clowns de service n’arrivait même plus à faire rire - les municipales, sans préparation préalable, représentaient une opération à découvert, une sorte de chèque sans provision. Pour tout dire, il risquait fort d’y laisser sa chemise avec un bout de peau pour faire bonne mesure. De son côté, Hariri s’était aperçu que cela ne valait même pas la peine de comptabiliser ses féaux, puisqu’il risquait de ne pas en avoir des masses. Surtout après avoir consenti à former, à Beyrouth, une liste de coalition avec ses deux challengers sunnites: Salim Hoss et Tammam Salam. Quant au président Hraoui, son souci de défendre la Constitution est tout à son honneur et fait, d’ailleurs, partie de ses prérogatives. Mais il est le mieux placé pour savoir qu’une loi fondamentale qu’on laisse piétiner à plusieurs reprises sans réagir, n’est plus une constitution mais une serpillière ou, tout au plus, un marchepied. Pour en revenir aux municipales, elles semblent avoir été conduites, à la sauvette, au caveau de famille sans fleurs ni couronnes. Et prière de les remplacer par le paiement d’une nouvelle taxe que ne manquera pas d’inventer, dans les prochains jours, un Fouad Sanioura toujours inspiré. Pendant ce temps, notre Premier ministre s’en est allé à Moscou conter fleurette à Tchernomyrdine, regrettant sans doute que ce ne soit pas Staline pour avoir un interlocuteur à sa mesure. En fait, se déplaçant avec aisance entre le High-tech et le tapis volant, la démocratie gêne Hariri aux entournures. Il ne voit pas où serait le mal s’il continuait à diriger le pays comme il le ferait du conseil d’administration d’un holding dont il détiendrait 90% des actions. Ce que l’on dit de lui et de sa gestion, il s’en contrefiche. A ses détracteurs, il pourrait répondre à juste titre par cette répartie demeurée célèbre: “C’est mon opinion et je la partage”.


Home
Home