Evénements de la semaine

PRÉSIDENT DE LA COMMISSION PARLEMENTAIRE DE LA PLANIFICATION ET DU DÉVELOPPEMENT

MARWAN HAMADÉ:

«LE CLIMAT DU PAYS EST MOROSE À CAUSE DU PARI SUR LE PROCESSUS DE PAIX»
«La commission dont j’assume la présidence, entamera après les fêtes, une action en direction du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), à travers des réunions intensives avec ses membres, à l’effet de prendre connaissance de ce qui a été exécuté jusqu’à ce jour», déclare M. Marwan Hamadé, président de la commission parlementaire de la Planification et du Développement. De la situation interne et, surtout, du climat qui prévaut dans le pays, il les qualifie de «morose», à cause du pari sur le processus de la paix régionale qui est, actuellement, dans l’impasse. Par ailleurs, il insiste sur la nécessité de sortir du confessionnalisme, considérant que les partis d’avant-guerre étaient plus représentatifs et moins sectaires que ceux d’aujourd’hui.

Le député du Chouf commence par déplorer la suppression, depuis 1977, du ministère du Plan qui a été remplacé par le CDR, alors que la commission qu’il préside n’est pas saisie ou rarement des projets de lois. «Or, dit-il, celle-ci s’est avérée utile et suite à un entretien avec le chef du Législatif, il a été décidé de la réactiver et de lui soumettre tous les projets de lois que le gouvernement transmet à la Chambre, parce qu’elle se fait une idée précise du plan global sur base duquel les projets doivent être appliqués».

RAVIVER L’IDÉE DE LA PLANIFICATION
A la question: «La commission a-t-elle l’intention de préconiser la relance du ministère du Plan?», M. Hamadé répond: «La commission a pour tâche, moins de raviver le ministère du Plan, que l’idée de la planification dans l’Etat libanais et, aussi, d’en regrouper les éléments répartis entre divers départements et organismes, en vue de les acheminer dans un même canal à l’Assemblée. Car nous devons respecter le principe de la séparation des Pouvoirs et de leur coopération.»

- Croyez-vous que les différends opposant les pôles du pouvoir seraient motivés par la réactivation de votre commission parlementaire?
«Je ne crois pas que le président Berri ait l’intention de bloquer les projets ou d’en retarder l’étude, d’autant que je suis à égale distance des trois présidents.»

- Une crise politique bloque presque tout dans le pays et les différends persistent entre les trois présidents: quelle en est la cause et jusqu’à quand la situation actuelle va-t-elle se perpétuer?
«Il n’existe pas, à mon avis, des raisons essentielles, les présidents étant d’accord sur les constantes nationales, qu’il s’agisse de la façon de traiter avec la crise du Proche-Orient, des relations privilégiées avec la Syrie, de la solidarité entre les deux pays au plan du volet des négociations avec Israël. «Cependant, on ne peut nier l’existence d’un climat morose dans le pays, résultant du pari sur le processus de paix tombé dans l’impasse à cause de la politique belliciste suivie par Benjamin Netanyahu. «De plus, et comme dit le dicton populaire, «le peu de crédit provoque les querelles». Puis, les gens se demandent quand ils sortiront du tunnel sombre et connaîtront des jours meilleurs. Sans perdre de vue le différend au niveau du Pouvoir à propos de l’ordre des priorités, sans oublier, aussi, la question du partage des parts.

LE CONFESSIONNALISME SÉVIT TOUJOURS
«Je voudrais attirer l’attention sur un autre fait non moins important: nous avons pensé en avoir fini avec le confessionnalisme avec la fin des douloureux événements. Or, nous sommes encore enlisés dans un climat plus confessionnel, ce qui empêche toute réforme administrative saine. «Ainsi, nous envisageons les élections municipales, la réforme judiciaire, la nomination des doyens d’université, la répartition des crédits entre les régions, etc... à travers le prisme confessionnel. Ceci a gâté les rapports, non seulement entre les trois présidents, les ministres et les députés, mais entre les fonctionnaires de l’Etat eux-mêmes. Si nous ne nous débarrassons pas de ce climat, ce dernier deviendra fatal à plus ou moins brève échéance.»

- Vous êtes donc en faveur de la création de partis politiques. Mais qu’en est-il de l’organisme chargé d’étudier la question de l’abolition du confessionnalisme politique?
«Avant la guerre, les partis étaient moins confessionnels que ceux d’aujourd’hui et moins sectaires. Il faut revenir aux partis idéologiques et constituer des blocs multiconfessionnels pour parvenir à un système non-confessionnel. Je crains que l’organisme auquel vous faites allusion, soit entraîné dans le même sillage fait de sectarisme et de confessionnalisme. J’ignore jusqu’à quel degré le climat actuel favorise l’abolition du confessionnalisme».

HRAOUI EST ANTI-CONFESSIONNEL
- Le chef de l’Etat a réaffirmé sa détermination à présenter son projet relatif aux réformes constitutionnelles; cela aurait-il quelque rapport avec ce que vous venez de soulever?

«Nous pourrions critiquer le président de la République à propos de n’importe quel sujet hormis la question confessionnelle. Le président Hraoui n’a à aucun moment agi en tant que chef d’une communauté et c’est peut-être l’unique grief que formulent les chrétiens à son encontre. «Les musulmans devraient, au moins, lui reconnaître ce mérite et les réformes constitutionnelles qu’il préconise pourraient avoir leur impact sur les équilibres confessionnels. Mais je ne crois pas que le président Hraoui les envisage sous cet angle. Cependant, il est apparu que certaines dispositions de la Constitution avaient besoin d’être révisées, bien que je ne sois pas en faveur de toutes les suggestions présidentielles, certaines d’entre elles étant acceptables contrairement à d’autres. «Toujours est-il qu’il n’est pas logique qu’un ministre, par exemple, ait plus de prérogatives que le chef de l’Etat. De fait, un ministre a la possibilité de bloquer un décret en refusant d’y apposer sa signature, alors que le président de la République ne peut bloquer un décret approuvé en Conseil des ministres. La Constitution devrait être amendée pour mettre un terme à cette anomalie».

A PROPOS DES RAPPORTS DU FLN AVEC LE POUVOIR
- Comment évaluez-vous le rôle du Front de la lutte nationale (groupe joumblattiste) par rapport à ses relations avec le Pouvoir et le gouvernement? Et qu’en est-il du retour des personnes déplacées?
«Le Front de la lutte nationale est représenté au gouvernement par deux ministres. Mais il peut avoir ses propres vues en ce qui concerne des questions vitales et ceci est normal, telle notamment la question des élections municipales et de moukhtars. «Quant au problème des déplacés, il ne fait pas de doute que Walid Joumblatt le porte dans sa conscience et son cœur. Il a pris en charge le ministère des Déplacés à la demande pressante des présidents Hraoui, Berri et Hariri, déterminé à clore ce dossier dans le plus bref délai possible.»

- Mais ce délai se prolonge...
«Parce que les possibilités dont il dispose sont limitées. Bien que substantielles, ces dernières ne suffisent pas à régler un problème ayant l’ampleur du dossier des déplacés. Puis, les dépenses réelles ont dépassé de loin les prévisions. Cela s’applique à la Caisse des déplacés et à la société «Solidere». Il en est de même dans la montagne et dans chaque région désertée par ses habitants. «Ainsi, Tripoli est négligée jusqu’ici par rapport aux indemnités. Je ne peux dire que le ministre Joumblatt lie son loyalisme ou son opposition (au Pouvoir) aux crédits versés à la Caisse des déplacés. Il est responsable en définitive, de l’exécution d’un plan déterminé et de l’action à entreprendre pour assurer les fonds nécessaires à cette fin.»

NOUS CRITIQUONS LE CABINET SANS LUI RETIRER LA CONFIANCE
- Il vous arrive souvent de critiquer avec vigueur le gouvernement...
«Oui, mais sans arriver au point de lui retirer notre confiance, tant que nous en faisons partie. La logique doit prévaloir: nous pourrions lui retirer la confiance et contribuer à le renverser, si nous décidions d’en retirer nos représentants».

- Comment qualifiez-vous vos rapports avec les parties chrétiennes et, surtout, avec le cardinal Sfeir?
«Après avoir connu des phases difficiles, ces relations sont naturelles en ce moment: la voie est, actuellement, ouverte entre Bkerké et Moukhtara et tous les députés du FLN entretiennent de bonnes relations avec les instances chrétiennes dans la montagne et en dehors de notre région. N’oublions pas qu’ils viennent de localités ayant été les plus affectées durant les douloureux événements. En analysant les résultats des dernières législatives, on constate que la voix chrétienne était, en majeure partie, à nos côtés.»

- Comment jugez-vous le rôle français dans le processus de paix au Proche-Orient?
«Le doute qui planait autour de ce rôle a été dissipé par les éclaircissements fournis par le président Jacques Chirac. Israël a tenté, dans l’une des phases, de défigurer ce rôle favorable aux Arabes. La France a voté à nos côtés au Conseil de sécurité lors du vote sur le projet de résolution concernant Jérusalem. De plus, elle persiste à proclamer son appui à la résolution 425, de même qu’à la solidarité libano-syrienne sur le plan des négociations avec l’Etat hébreu. «D’autre part, la France est parvenue à ouvrir une brèche dans l’accaparement par l’Amérique du parrainage de l’opération de paix, en instituant un rôle européen qu’elle dirige et développe. Le monde arabe et, spécialement, la Syrie œuvrent en vue de l’encourager dans cette voie. «Je dis ici que le Liban restera solidaire de la Syrie et soutiendra la résistance, tant qu’Israël n’aura pas évacué le Sud et la Békaa Ouest. Le Liban, quant à lui, continuera à renforcer la capacité de son armée; pour qu’elle puisse s’acquitter de son rôle d’une manière parfaite quand Israël retirera ses forces de notre territoire. «En tout cas, Israël n’évacuera pas ses troupes jusqu’aux frontières internationalement reconnues, de peur que la résistance s’en rapproche davantage. Aussi, pose-t-il comme condition, pour évacuer la région frontalière, la liquidation de la résistance et cette condition est rejetée par le Liban. «Actuellement, la tendance à Tel-Aviv est en faveur du blocage du processus de paix, non seulement sur les volets libanais, syrien et israélien, mais aussi sur ceux d’autres pays ayant signé un traité de paix séparé avec Israël. J’estime que les chances d’instaurer la paix dans la région sont très minimes avec Netanyahu.»

(Propos recueillis par HALA HUSSEINI).


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