Le député du Chouf commence par
déplorer la suppression, depuis 1977, du ministère du Plan
qui a été remplacé par le CDR, alors que la commission
qu’il préside n’est pas saisie ou rarement des projets de lois.
«Or, dit-il, celle-ci s’est avérée utile et suite à
un entretien avec le chef du Législatif, il a été
décidé de la réactiver et de lui soumettre tous les
projets de lois que le gouvernement transmet à la Chambre, parce
qu’elle se fait une idée précise du plan global sur base
duquel les projets doivent être appliqués».
RAVIVER L’IDÉE DE LA PLANIFICATION
A la question: «La commission a-t-elle l’intention de
préconiser la relance du ministère du Plan?», M. Hamadé
répond: «La commission a pour tâche, moins de raviver
le ministère du Plan, que l’idée de la planification dans
l’Etat libanais et, aussi, d’en regrouper les éléments répartis
entre divers départements et organismes, en vue de les acheminer
dans un même canal à l’Assemblée. Car nous devons respecter
le principe de la séparation des Pouvoirs et de leur coopération.»
- Croyez-vous que les différends opposant les pôles
du pouvoir seraient motivés par la réactivation de votre
commission parlementaire?
«Je ne crois pas que le président Berri ait l’intention de
bloquer les projets ou d’en retarder l’étude, d’autant que je suis
à égale distance des trois présidents.»
- Une crise politique bloque presque tout dans le pays et les différends
persistent entre les trois présidents: quelle en est la cause et
jusqu’à quand la situation actuelle va-t-elle se perpétuer?
«Il n’existe pas, à mon avis, des raisons essentielles,
les présidents étant d’accord sur les constantes nationales,
qu’il s’agisse de la façon de traiter avec la crise du Proche-Orient,
des relations privilégiées avec la Syrie, de la solidarité
entre les deux pays au plan du volet des négociations avec Israël.
«Cependant, on ne peut nier l’existence d’un climat morose dans le
pays, résultant du pari sur le processus de paix tombé dans
l’impasse à cause de la politique belliciste suivie par Benjamin
Netanyahu. «De plus, et comme dit le dicton populaire, «le
peu de crédit provoque les querelles». Puis, les gens se demandent
quand ils sortiront du tunnel sombre et connaîtront des jours meilleurs.
Sans perdre de vue le différend au niveau du Pouvoir à propos
de l’ordre des priorités, sans oublier, aussi, la question du partage
des parts.
LE CONFESSIONNALISME SÉVIT TOUJOURS
«Je voudrais attirer l’attention sur un autre fait non
moins important: nous avons pensé en avoir fini avec le confessionnalisme
avec la fin des douloureux événements. Or, nous sommes encore
enlisés dans un climat plus confessionnel, ce qui empêche
toute réforme administrative saine. «Ainsi, nous envisageons
les élections municipales, la réforme judiciaire, la nomination
des doyens d’université, la répartition des crédits
entre les régions, etc... à travers le prisme confessionnel.
Ceci a gâté les rapports, non seulement entre les trois présidents,
les ministres et les députés, mais entre les fonctionnaires
de l’Etat eux-mêmes. Si nous ne nous débarrassons pas de ce
climat, ce dernier deviendra fatal à plus ou moins brève
échéance.»
- Vous êtes donc en faveur de la création de partis
politiques. Mais qu’en est-il de l’organisme chargé d’étudier
la question de l’abolition du confessionnalisme politique?
«Avant la guerre, les partis étaient moins confessionnels
que ceux d’aujourd’hui et moins sectaires. Il faut revenir aux partis idéologiques
et constituer des blocs multiconfessionnels pour parvenir à un système
non-confessionnel. Je crains que l’organisme auquel vous faites allusion,
soit entraîné dans le même sillage fait de sectarisme
et de confessionnalisme. J’ignore jusqu’à quel degré le climat
actuel favorise l’abolition du confessionnalisme».
HRAOUI EST ANTI-CONFESSIONNEL
- Le chef de l’Etat a réaffirmé sa détermination
à présenter son projet relatif aux réformes constitutionnelles;
cela aurait-il quelque rapport avec ce que vous venez de soulever?
«Nous pourrions critiquer le président de la République
à propos de n’importe quel sujet hormis la question confessionnelle.
Le président Hraoui n’a à aucun moment agi en tant que chef
d’une communauté et c’est peut-être l’unique grief que formulent
les chrétiens à son encontre. «Les musulmans devraient,
au moins, lui reconnaître ce mérite et les réformes
constitutionnelles qu’il préconise pourraient avoir leur impact
sur les équilibres confessionnels. Mais je ne crois pas que le président
Hraoui les envisage sous cet angle. Cependant, il est apparu que certaines
dispositions de la Constitution avaient besoin d’être révisées,
bien que je ne sois pas en faveur de toutes les suggestions présidentielles,
certaines d’entre elles étant acceptables contrairement à
d’autres. «Toujours est-il qu’il n’est pas logique qu’un ministre,
par exemple, ait plus de prérogatives que le chef de l’Etat. De
fait, un ministre a la possibilité de bloquer un décret en
refusant d’y apposer sa signature, alors que le président de la
République ne peut bloquer un décret approuvé en Conseil
des ministres. La Constitution devrait être amendée pour mettre
un terme à cette anomalie».
A PROPOS DES RAPPORTS DU FLN AVEC LE POUVOIR
- Comment évaluez-vous le rôle du Front de la lutte
nationale (groupe joumblattiste) par rapport à ses relations avec
le Pouvoir et le gouvernement? Et qu’en est-il du retour des personnes
déplacées?
«Le Front de la lutte nationale est représenté
au gouvernement par deux ministres. Mais il peut avoir ses propres vues
en ce qui concerne des questions vitales et ceci est normal, telle notamment
la question des élections municipales et de moukhtars. «Quant
au problème des déplacés, il ne fait pas de doute
que Walid Joumblatt le porte dans sa conscience et son cœur. Il a pris
en charge le ministère des Déplacés à la demande
pressante des présidents Hraoui, Berri et Hariri, déterminé
à clore ce dossier dans le plus bref délai possible.»
- Mais ce délai se prolonge...
«Parce que les possibilités dont il dispose sont limitées.
Bien que substantielles, ces dernières ne suffisent pas à
régler un problème ayant l’ampleur du dossier des déplacés.
Puis, les dépenses réelles ont dépassé de loin
les prévisions. Cela s’applique à la Caisse des déplacés
et à la société «Solidere». Il en est
de même dans la montagne et dans chaque région désertée
par ses habitants. «Ainsi, Tripoli est négligée jusqu’ici
par rapport aux indemnités. Je ne peux dire que le ministre Joumblatt
lie son loyalisme ou son opposition (au Pouvoir) aux crédits versés
à la Caisse des déplacés. Il est responsable en définitive,
de l’exécution d’un plan déterminé et de l’action
à entreprendre pour assurer les fonds nécessaires à
cette fin.»
NOUS CRITIQUONS LE CABINET SANS LUI RETIRER
LA CONFIANCE
- Il vous arrive souvent de critiquer avec vigueur le gouvernement...
«Oui, mais sans arriver au point de lui retirer notre confiance,
tant que nous en faisons partie. La logique doit prévaloir: nous
pourrions lui retirer la confiance et contribuer à le renverser,
si nous décidions d’en retirer nos représentants».
- Comment qualifiez-vous vos rapports avec les parties chrétiennes
et, surtout, avec le cardinal Sfeir?
«Après avoir connu des phases difficiles, ces relations
sont naturelles en ce moment: la voie est, actuellement, ouverte entre
Bkerké et Moukhtara et tous les députés du FLN entretiennent
de bonnes relations avec les instances chrétiennes dans la montagne
et en dehors de notre région. N’oublions pas qu’ils viennent de
localités ayant été les plus affectées durant
les douloureux événements. En analysant les résultats
des dernières législatives, on constate que la voix chrétienne
était, en majeure partie, à nos côtés.»
- Comment jugez-vous le rôle français dans le processus
de paix au Proche-Orient?
«Le doute qui planait autour de ce rôle a été
dissipé par les éclaircissements fournis par le président
Jacques Chirac. Israël a tenté, dans l’une des phases, de défigurer
ce rôle favorable aux Arabes. La France a voté à nos
côtés au Conseil de sécurité lors du vote sur
le projet de résolution concernant Jérusalem. De plus, elle
persiste à proclamer son appui à la résolution 425,
de même qu’à la solidarité libano-syrienne sur le plan
des négociations avec l’Etat hébreu. «D’autre part,
la France est parvenue à ouvrir une brèche dans l’accaparement
par l’Amérique du parrainage de l’opération de paix, en instituant
un rôle européen qu’elle dirige et développe. Le monde
arabe et, spécialement, la Syrie œuvrent en vue de l’encourager
dans cette voie. «Je dis ici que le Liban restera solidaire de la
Syrie et soutiendra la résistance, tant qu’Israël n’aura pas
évacué le Sud et la Békaa Ouest. Le Liban, quant à
lui, continuera à renforcer la capacité de son armée;
pour qu’elle puisse s’acquitter de son rôle d’une manière
parfaite quand Israël retirera ses forces de notre territoire. «En
tout cas, Israël n’évacuera pas ses troupes jusqu’aux frontières
internationalement reconnues, de peur que la résistance s’en rapproche
davantage. Aussi, pose-t-il comme condition, pour évacuer la région
frontalière, la liquidation de la résistance et cette condition
est rejetée par le Liban. «Actuellement, la tendance à
Tel-Aviv est en faveur du blocage du processus de paix, non seulement sur
les volets libanais, syrien et israélien, mais aussi sur ceux d’autres
pays ayant signé un traité de paix séparé avec
Israël. J’estime que les chances d’instaurer la paix dans la région
sont très minimes avec Netanyahu.»
(Propos recueillis par HALA HUSSEINI).
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