Jamais élections syndicales ne s’étaient
déroulées et, pour cause, dans une atmosphère aussi
survoltée: il s’agit de celles ayant eu lieu hier jeudi, au siège
de la Confédération générale des travailleurs
du Liban (CGTL), en vue du renouvellement de son conseil exécutif.
Comme il fallait s’y attendre et suite à l’intervention, à
peine voilée, du Pouvoir, - bien que le ministre du Travail ait
prétendu se soucier, uniquement, d’appliquer la loi - le mouvement
syndical s’est scindé en deux et, depuis le 24 avril, il existe
chez nous deux conseils exécutifs de la centrale ouvrière.
Ceci nécessitera, sans doute, l’arbitrage du Conseil d’Etat qui
aura à statuer sur les résultats du scrutin et à se
prononcer sur leur légitimité.
DEUX LISTES EN LICE...
Deux listes étaient en lice: l’une ayant à sa
tête M. Elias Abou-Rizk, président sortant de la centrale
syndicale; l’autre par M. Ghoneim Zoghbi, secrétaire de la fédération
des offices autonomes. La première était soutenue par l’Opposition,
alors que la seconde bénéficiait de l’appui (inavoué)
du Pouvoir et, spécialement, du chef du gouvernement. Ce fait est
corroboré par la décision du ministère du Travail
d’admettre cinq nouvelles fédérations - moins de cinq jours
avant le scrutin - ajoutant à la liste des électeurs dix
nouvelles voix toutes hostiles au chef de la CGTL. Aussi, et tout en prétendant
se soucier, uniquement, de faire respecter la loi, le ministère
du Travail a confié aux FSI et à l’armée la tâche
de maintenir l’ordre autour du siège de la centrale ouvrière
et, partant, de s’assurer de la présence des seuls syndicalistes
autorisés à pénétrer dans les locaux de la
CGTL où devait avoir lieu l’opération électorale.
Les observateurs objectifs n’écartaient pas le risque pour le mouvement
syndical d’être scindé par la formation de deux conseils exécutifs
de la CGTL qui se dénieraient, mutuellement, toute légitimité.
Les “sages” proposaient donc le report du scrutin en attendant l’arrêt
du Conseil d’Etat auquel les deux parties s’engageraient à souscrire...
La proposition n’a pas été retenue.
ÉLECTION D’ABOU-RIZK ET DE... ZOGHBI
En présence de vingt-quatre syndicalistes légalement
inscrits, il a été procédé vers 10h30, à
une première opération électorale, ayant débouché
sur l’élection de toute la liste de M. Elias Abou-Rizk. Il y avait
là, le secrétaire général de la Fédération
des ouvriers arabes, le secrétaire général de la Fédération
internationale des ouvriers; MM. Zaher Khatib, Najah Wakim, Moustapha Saad
et Hajj Hassan Ammar Moussawi, députés. Ensuite un second
scrutin devait avoir lieu, à l’issue duquel Ghoneim Zoghbi a annoncé
sa... “victoire” avec ses colistiers... Voici la constitution des deux
listes; Première liste: Elias Abou-Rizk, président; Khaled
el-Assad, Sleiman Hmaidane, Georges Alam, vice-présidents; Yasser
Nehmé, secrétaire général; Abdel-Amir Najdi,
secrétaire pour les relations extérieures; Pierre Abou-Fayçal,
secrétaire pour les relations publiques; Moursel Hassan, secrétaire
pour les relations arabes; Halim Matar, secrétaire pour les affaires
administratives; Jihad Moallem, secrétaire pour l’information; Joe
Berbéri, trésorier; Nicolas Géha, comptable. Seconde
liste: Trente-cinq syndicalistes (sur un total de 54, d’après la
liste établie par le ministère du Travail) ont participé
à l’élection de la seconde liste, ainsi constituée:
Ghoneim Zoghbi, président; Riad Saab, Walid Jouaidy et Georges Hajj,
vice-présidents; Saadeddine Hmaidy Sacr, secrétaire général;
Boutros Saad, Ali Houmani, Georges Abou-Haïdar, Abdel-Ghani Issa,
Antoine Béchara, Béchara Chaya et Mohamed Issa, membres du
bureau.
POUR UNE SOLUTION DE COMPROMIS?
La conclusion à tirer est la suivante: l’ingérence
de l’Etat dans les élections de la centrale ouvrière a eu
pour conséquence de scinder le mouvement syndical au Liban, ce qui
ne contribue nullement, comme on s’en doute, à préserver
la paix civile. Le Pouvoir a donc obtenu un résultat contraire à
celui qu’il voulait atteindre. Le Liban étant, comme chacun le sait,
le pays du compromis et de la conciliation, cette crise dont la gravité
n’échappe à personne, ne peut être résolue que
par la recherche d’une solution d’entente, de nature à mettre d’accord
les parties antagonistes et, partant, à prévenir l’éclatement
de la CGTL. A bon entendeur, salut!
KARAM
INTERVIENT EN FORCE…
Alerté par les reporters de presse et les photographes
chargés de couvrir ces élections, M. Melhem Karam, président
de l’Ordre des journalistes, s’est rendu sur place et a mis en garde les
FSI contre toute tentative d’appréhender les représentants
des médias, ce qui provoquerait une violente confrontation comme
ce fut le cas, dernièrement, à Saïda. Les FSI ont renoncé
à user de la manière forte; elles n’ont pas eu tort… A 6
heures du matin, des éléments des Forces de sécurité
intérieure avaient investi le siège de la CGTL, sis à
la rue Badaro et l’ont saccagé, détruisant tout sur les lieux,
y compris le computer. De même, ils ont empêché M. Elias
Habre, doyen d’âge, de proclamer les résultats du scrutin.
M. Abou-Rizk s’est donc chargé d’annoncer l’élection de sa
liste. |
JAMMAM: “QUEL SCANDALE!”

Commentant les élections de la CGTL, M. Hassan Jammam, président
de la Fédération internationale des syndicats arabes, a fait
la déclaration suivante: “Nous sommes venus avec mes collègues
en tant qu’observateurs et nous avons été empêchés
par les forces de l’ordre de pénétrer au siège de
la Centrale ouvrière. “Nous déplorons une telle immixtion
de la part de l’Autorité dont nous n’avons pas connu de pareille
durant vingt-cinq ans de vie. Ceci nous paraît étrange et
disloque le mouvement syndical au Liban. “En tant que fédération,
nous ne reconnaissons que le conseil exécutif de la CGTL présidé
par Elias Abou-Rizk. Nous transmettrons au secrétariat général
une image claire de ce qui s’est passé, dès notre retour
au Caire.”
ABOU-RIZK DÉNONCE...
Quant à M. Abou-Rizk, il a dénoncé l’intervention
de l’Autorité dans les élections syndicales et rejeté
les résultats du scrutin qui s’est déroulé en présence
des représentants du Pouvoir...
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