Par José M.
LABAKI.
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L’INÉLUCTABLE VERDICT |
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Le bout du tunnel, nous y sommes, éthique
pervertie, approche balbutiante politique de myope, le tout aboutissant
à un carcan d’incohérences et d’inégalités
insupportables. Encore faut-il quelque sérieux mêlé
d’insolence pour parler encore de politique sociale au Liban, ébranlée
comme elle l’est, dans ses plus profondes racines. Au nom de quelle démocratie,
les Libanais peuvent-ils désormais s’opposer à cette désagrégation
généralisée et la refuser car le fait est qu’ils la
refusent. Certes le Liban vit l’époque de toutes les controverses,
de toutes les aberrations, sans pour autant être en mesure de les
récuser comme il se doit. Peut-être manque-t-il de la détermination
qu’il faut pour adopter l’alternative la plus audacieuse, la plus tentante,
à défaut d’être la plus sûre de son histoire:
son droit à la différence, surtout en matière de politique
sociale et économique. C’est dans ce contexte défavorable
à tout redressement que les Libanais vivent actuellement. Ce drame
de l’inadaptation, la crise au niveau du pouvoir, l’illustre clairement.
Une poignée de combinards s’empare des institutions, mettant en
échec toute tentative de convivialité entre les trois pôles
du pouvoir. Situation qui nous rappelle hélas, le vieil adage: “à
quoi bon pour le lion d’être lion, quand le moucheron le harcèle
impunément et se moque de lui”. Mais il y a plus vrai: la durée
éphémère de certains choix liés à l’avenir
du Liban, de certaines options bâtardes et ambiguës, le rend
incapable de mesure l’ampleur et la gravité de l’enjeu, d’en désarticuler
les charges avilissantes déferlant de partout en sa direction. Toutefois,
aussi abjecte que puisse être la realpolitik qui nous gouverne, proche
ou lointaine fût-elle, a-t-elle fait de nous un peuple replié,
rétréci, séparé de son histoire? Serait-il
vrai que plus rien ne subsiste de ce qu’on a cru, espéré
et aimé? Certes, la hardiesse, à aucun moment, ne nous a
manqué, - mais peut-être l’audace d’esquiver toutes les querelles
partisanes, pour la dignité de l’Homme, en même temps que
pour le Liban. L’espoir de voir ce pays délivré de ces antagonismes,
retrouvera-t-il sa dimension d’antan? La sérénité
dans la peine est le premier don pour le commandement d’un peuple en temps
de crise. Mais toute l’histoire d’une nation ne tient pas dans une courte
période aussi comblée d’échecs soit-elle. Du moins
sommes-nous assurés que l’ère des bien-pensants dans ce pays
n’est pas close: il y va de leur honneur, de leur crédibilité,
et encore plus s’ils sont croyants!
*** Mais il y a plus inquiétant: dans le carcan des disputes et des intimidations entre la Centrale syndicale et le ministre de Travail M. Asaad Herdane, et entre les trois pôles du syndicalisme, les sieurs: Elias Abou Rizk, Antoine Béchara et Bassam Tlaïs qui se disputent le bâton de Maréchal toutes affiliations confondues en l’absence d’une loi du travail adaptée à la réalité sociale, - l’instauration d’un nouvau contrat social au Liban s’avère impérative. Tout le problème est là et non ailleurs pour en finir avec le marasme qui sévit sur le Liban de cette fin de siècle. L’exemple doit venir d’en haut. Il y aura beaucoup à faire, tant le désordre est grand. Les Libanais en ont haut le cœur de l’action du ministre du Travåil qui s’érige en partie presante, envers et contre tous, pour évincer l’actuel directoire de la CGTL, alors que la Centrale syndicale elle, est en proie à toutes sortes de querelles partisanes, de combines et d’outrances. L’impasse où se trouve la politique de l’emploi au Liban, s’explique carrément par le refus de regarder en face la réalité sociale écœurante, où la main-d’œuvre nationale, est de moins en moins correctement rémunérée. Phénomène qui, dans la logique dominante, entraîne de plus en plus de conflits privant des milliers de citoyens du droit au travail et à la vie, alors qu’il devrait servir de point d’appui à des réformes d’envergure combinant à la fois les rétributions équitables et la répartition du travail et des bénéfices. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais plutôt la volonté des décideurs politiques et syndicalistes de s’attaquer aux vrais problèmes qui affectent le monde du travail, en œuvrant conjointement, à les solutionner plutôt que de spéculer au détriment du corpus de travail. Quant à la recherche des solutions, insatiablement ressassées dans tous les discours politiques, elles n’ont de sens qu’à partir d’un consensus organisé en bonne et due forme. En dehors de celui-ci, elles deviennent absurdes, retirant toute crédibilité aux critères de solidarité et de cohésion sociales. Souffler le froid et le chaud en même temps, approximation du langage, stratégie de la tension et de la discorde, comme il s’est avéré dans les dernières élections syndicales à Saïda, morosité dans les décisions et dans l’élaboration et l’application des lois... autant de facteurs négatifs, pour le réarmement social et économique du Liban. Combien affligeant est le fait de constater la pauvreté d’imagination et de propositions efficaces au niveau gouvernemental, pour solliciter au quotidien, l’arbitrage de M. Abdel Halim Khaddam ou autres, pour qu’un règlement du conflit anodin qui les oppose soit possible! Le moment n’est-il pas venu pour que nos différends soient réglés ici-même sans que quiconque ne vienne à la rescousse? Le temps n’est-il pas venu pour que la dignité nationale soit au centre de nos entretiens et de nos préoccupations aussi conflictuels soient-ils? *** A force d’invoquer la complémentarité et la solidarités syndicales, toutes deux aujourd’hui compromises, le monde du travail s’enlise dans la monotonie et le chômage, perdant entre autres, toute initiative, toute notion des objectifs à atteindre et toute créativité. La répétition autoréférentielle des slogans actuels, entre la Centrale syndicale et le ministre du Travail dont les reflexes sont connus de tous, ne font que stériliser les sources d’innovation au sein de la CGTL, tous deux recroquevillés sur leurs partitions monocordes, nullement ajustées aux règles de l’économie et de la cohésion sociale slogans aussi nocifs que dangereux à tous égards et qui empêchent à long terme de prendre conscience de l’ampleur et des méfaits de ce négativisme galopant. Le temps des approximations, le vieux modèle de centralisme à la “soviétique” sont révolus. C’est le consensuel qui est de rigueur. C’est le chemin le plus court, pour toute législation, pour toute entente, pour toute cohésion sociale, toute économie historique à reconstituer. Au Liban, il y a semble-t-il, une main invisible qui assure le déséquilibre des Institutions et perturbe la cohésion sociale longtemps attendue. En revanche, il n’y en a aucune pour sauvegarder la communauté du destin! Il est grand temps pour les architectes de la politique sociale au Liban, pour les bien-pensants surtout, de tempêter, de dénoncer la tyrannie du “prêt à penser”, du confor-misme inoculant partout son virus. Il s’agit pour eux de comprendre le Liban d’aujourd’hui, afin de pro-poser les réformes qui s’imposent pour demain. Affaire de Salut public, loin de la politicardie clientéliste des petits “Machiavel” de la soumis-sion. (1): Grand Israël. |
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Franz-Olivier Giesbert (Editorialiste du Figaro Magazine) |