Editorial


Par MELHEM KARAM

I- NOUS POURRIONS ÊTRE SES PRISONNIERS PAR RAPPORT AU DOLLAR, MAIS IL EST NOTRE PRISONNIER PAR RAPPORT À “SOLIDERE”

II- APRÈS LE SCANDALE... QUE RESTE-T-IL DE NETANYAHU?

Photo Melhem Karam
- I - Tout ce que nous écrivons à propos du président du Conseil, Rafic Hariri, n’émane que d’une vue réaliste et de rien d’autre. Pour gagner la confiance des gens, on doit disposer de deux éléments: l’autorité et l’argent. Si avec cela un leader n’y parvient pas, cela prouve que quelque chose cloche; il faut y remédier, sinon s’écroule tout ce que certains présentent comme étant un gratte-ciel géant. Hariri pourrait croire que les Libanais sont ses prisonniers, parce qu’il tient en main les finances et a stoppé la dégringolade de la livre, car c’est un homme de métier dans ce domaine. Cela est vrai... jusqu’à une certaine limite et une fois il a fait une déclaration comportant beaucoup d’assurance en soi, pour ne pas dire de prétention. «Que je sois battu par la politique, c’est possible; mais que je sois battu par le dollar, c’est impossible». Nous bénissons ces paroles, en dépit de ce qu’elles comportent d’orgueil. Cependant, le président Hariri est lui-même notre prisonnier, car son abandon du pouvoir et l’accession d’un autre chef de gouvernement, appelé à revoir la situation et les dossiers de «Solidere», ne manqueraient pas de l’ébranler. Abou-Baha connaît cela et c’est ce qui le pousse à s’accrocher à la présidence du conseil. S’il parvient à s'y maintenir, car il amoncelle le mécontentement et la rancune de toute part. Il engage des batailles dans toutes les directions et les perd toutes. Il a cru avoir gagné celle de Saïda, alors qu’elle lui a valu un mécontentement sans bornes. Il pense avoir gagné, aussi, la bataille contre la CGTL. Or, c’est le gratte-ciel qui s’est effondré sur la tête du pouvoir, laissant à son sujet des images peu édifiantes, le présentant en tant que spécialiste de la répression, ne faisant pas cas de l’opinion des gens. Pour lui, la démocratie est un terme servant de façade extérieure... Quant à ce qui se passe à l’intérieur de la boutique, c’est une autre chose n’ayant aucun rapport avec la vitrine reluisante. Le président Hariri croit par erreur que les gens oublient, partant du fait que ce qui est passé ne persiste pas dans leur mémoire. Il feint d’ignorer que la haine et la colère engendrent l’explosion illimitée et que l’heure des comptes arrivera, rien ni personne ne pouvant en retarder l’échéance. Qu’est-ce qui manque donc à Rafic Hariri pour réussir, du moment qu’il dispose de la plupart de «l’outillage du travail»? La réponse à cette question est simple: le bon comportement, la modestie, le cœur ouvert, l’affection à vouer aux gens et non le souci d’en tirer profit. Oui, il doit aimer les gens; avoir un cœur tendre, ne pas tromper, éviter les coups bas et ne pas tenir des propos à double sens. Tout autre comportement proviendrait du diable, tel de leurrer les gens et de leur prodiguer des promesses jamais tenues! C’est une politique révolue, de même que les paris sur les amitiés internationales, car nous savons comment les acquérir. Penser que l’argent efface et fait tout, est vrai dans certains domaines. Dans des domaines plus vastes, c’est une erreur et le journal «Libération» a écrit, cette semaine, une année après le massacre de Cana: «Dans le royaume de Rafic Hariri l’aventure est reine». Il ajoute: «Vingt pour cent des familles libanaises vivent sous le seuil de pauvreté, la couverture sociale étant faible. Le nombre des hôpitaux et des écoles publiques est restreint, alors que la proportion du chômage au Liban varie entre 12 et 16 pour cent, la politique du gouvernement étant de nature à approfondir la brèche entre les riches et les pauvres; ce qui rend le chef du gouvernement moins populaire.» A ce propos, un plan est établi visant à montrer Hariri comme étant indispensable. Dans le royaume de ce dernier, tout est sujet à spéculation. Le peuple libanais ne peut plus le supporter, car la grande erreur du Cabinet Hariri et de son style de travail, c’est son programme qui privilégie les investissements infructueux, tel que placés dans le domaine de l’immobilier. La conséquence de cette politique, est que Beyrouth compte aujourd’hui soixante mille nouveaux appartements, ne trouvant pas d’acquéreurs. Ceci représente six à sept milliards de dollars gelés. Malgré cela, les bétonneuses continuent à fonctionner, alors que l’industrie et l’agriculture, spécialement les moyennes entreprises, ne parviennent pas à démarrer, pour la raison que le plan de la reconstruction élaboré par Hariri éponge toutes les rentrées disponibles et même les autres. En 1996, plus de 45 pour cent du budget ont servi à payer les intérêts de la dette publique qui ont atteint 6,800 milliards de dollars, contre 6,400 milliards durant les deux années précédentes. Cette situation dramatique et catastrophique ne semble avoir ni ébranlé ni fait bouger le gouvernement, lequel prétend jouir de la confiance des banques et table, sans justification, sur le retour des capitaux et des Libanais épars dans le monde (la Diaspora) avec des dizaines de milliards de dollars. Ce qui aide le gouvernement, c’est que n’importe quel chiffre, quand il y a des chiffres, ne peut être crédible. Cela signifie que chaque responsable peut faire ce qu’il veut. «Libération» écrit encore: «Deux écoles s’affrontent au Liban: la première a à sa tête Freddie Baz qui travaille pour la Banque Audi et, la seconde, est dirigée par Kamal Hamdane, conseiller international. Mais les fonctionnaires étrangers et internationaux ne payent pas un dollar dans un pays dont l’unique souci se limite au développement social. Cet état de choses a atteint son apogée durant les derniers jours, l’accroissement de la tension dans la région ayant pour conséquence de provoquer la fuite des capitaux étrangers seuls capables de relancer le processus de la vitalité au Liban». Hariri marche sur un fil ténu et une corde raide. Il ne peut se permettre de tomber dans un échec cuisant et dangereux, pouvant le ramener à l’une des branches d’Oger qu’il possède. Ni à espérer en un grand succès le rendant gênant pour ceux qui œuvrent aux fins de faire pencher la balance, comme ils l’entendent, dans la région. Là est la source de la peur et de l’inquiétude pour le Liban, les Libanais... et pour Hariri après eux!

- II - Les efforts ayant été déployés par les Européens pour réunir Yasser Arafat et David Lévy en marge de la conférence de La Valette, ont été inefficaces. Car les négociations interrompues après le début des travaux dans la colonie de Har Homa, ne peuvent être fructueux. Quoi qu’il en soit et bien qu’il ait échappé au scandale de Bar-On, sans avoir été déféré devant la Justice en état d’arrestation, Netanyahu a beaucoup perdu de sa popularité. Ceci exige de lui de démissionner (comme l’avait fait Margaret Thatcher, le jour où elle obtint une faible majorité), ou de procéder à des élections anticipées. Il n’y a pas une autre solution en dehors de cette double éventualité. L’histoire a commencé le 20 janvier, le jour où des ministres ont découvert que seul un avocat inconnu, Rony Bar-On, avait été imposé par Netanyahu, en tant que candidat au poste de conseiller de l’Etat. Deux jours plus tard, Bar-On présentait sa démission avant d’assumer ses fonctions. Le 22 janvier, un speaker de la télévision, Ayala Hasson ayant lancé l’«Iran Gate» israélien, révélait que le gouvernement avait obtenu le soutien du parti religieux «Shass», pour signer avec les Palestiniens un accord auquel ce dernier acceptait de souscrire à propos de Hébron, en contre-partie de la nomination de Bar-On au poste de conseiller juridique de l’Etat. Ainsi, il pouvait étouffer des craintes qui préoccupaient Arié Darhi, leader du parti «Shass». Le 16 janvier, une enquête a été ouverte sur l’affaire Bar-On dont les conclusions ont été reproduites en détail par tous les journaux israéliens. Le 15 avril, la police - et cela se produit pour la première fois et doit se produire dans tout pays évolué, car le chef du gouvernement ne descend pas de la cuisse de Jupiter et ne doit donc jouir d’aucune immunité s’il commet une erreur - la police, disons-nous, a impliqué Benjamin Netanyahu et deux de ses proches: Avigdor Liberman, directeur de son Cabinet et le ministre de la Justice, sous l’inculpation d’avoir trahi les charges publiques et pour abus de confiance. L’information a pris à partie Netanyahu pour avoir trempé dans le scandale, alors que le ministre de la sécurité intérieure, Avigdor Kahlani avait fait état de la possibilité pour le Parquet d’interroger le chef du gouvernement. Quand Edna Arbel a lu les mille pages des rapports impliquant Netanyahu et deux de ses collaborateurs, ce magistrat instructeur prit son temps pour étudier le dossier, en tenant compte des accusations retenues contre le parti «Shass». Les rapports considèrent Arié Darhi, dont le parti occupe une place éminente au sein de la majorité, comme le «héros» effectif de l’affaire. En effet, il est poursuivi depuis cinq ans sous trois chefs d’inculpation: corruption, usage de faux et subtilisation de fonds. C’est lui qui a avancé la candidature de Bar-On au poste de procureur général, devant statuer sur son cas et le faire bénéficier d’un non-lieu. Il a posé comme condition cette nomination, pour que son parti souscrive à l’accord sur Hébron. Il y a eu donc un compromis - Hébron contre Bar-On - mais la manœuvre n’a pas réussi. Car Bar-On est l’ancien président d’un club de foot-ball; il est davantage connu dans les milieux sportifs que dans les sphères politiques. L’affaire a pris une telle dimension, que Nathan Tcherensky, ministre de l’Industrie a émis cette réflexion: «Si ce qui s’est dit à propos du scandale était exact à dix pour cent, cela suffirait pour contraindre Netanyahu à démissionner». Aujourd’hui, on demande à ce ministre de s’en tenir à ce qu’il a proclamé; cela signifie que le sort de Netanyahu reste incertain. Les chefs de gouvernement qui croient que les abus et les erreurs peuvent être effacés et oubliés, se font des illusions; les jours à venir confirmeront cette vérité.


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