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AUDIOVISUEL:
L’ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT CONSACRE LA LIBERTÉ MÉDIATIQUE

Alors que le Conseil constitutionnel continue à trébucher pour les raisons qu’il n’est pas besoin de rappeler, une autre haute juridiction, le Conseil d’Etat, exerce normalement ses fonctions, en rendant des arrêts frappés du sceau du courage et de l’objectivité, sans se laisser influencer par qui que ce soit. Il l’a prouvé, une fois de plus, en émettant un avis contraire à celui du gouvernement, jugeant contraire à la loi la décision en vertu de laquelle les émissions télévisées par satellite sont soumises à un contrôle préalable...

Si le Conseil constitutionnel se trouve en butte à des difficultés inhérentes à sa constitution récente et à la nature des questions qu’il est appelé à trancher, une autre haute juridiction - le Conseil d’Etat - se signale par son esprit d’initiative et la rapidité avec laquelle il statue sur les problèmes dont il est saisi. Il importe, toutefois, que l’Exécutif se soumette à ses arrêts et n’essaye pas de les contourner, comme il pourrait avoir tendance à le faire, surtout quand son prestige et sa crédibilité sont en jeu. De fait, le Conseil d’Etat s’était prononcé, il n’y a pas longtemps, sur l’anticonstitutionnalité du fait pour un ministre d’Etat aux Finances, de signer au nom et à la place du véritable titulaire de ce portefeuille, autrement dit du grand argentier de la République. Le gouvernement avait passé outre à cet arrêt ou plutôt l’avait ignoré, refusant de s’y conformer, preuve en est que ce cas reste posé, le ministre d’Etat n’ayant pas été affecté par la sentence. En effet, ce dernier accompagne le chef du gouvernement comme son ombre dans toutes ses pérégrinations et appose sa signature sur des protocoles financiers ou autres documents officiels requérant le parafe personnel du ministre des Finances. Le Conseil d’Etat a, également, rendu un arrêt défavorable à la récente nomination de doyens à trois facultés de l’Université libanaise, partant de la constatation qu’elle déroge aux normes académiques, les nouveaux doyens ne faisant pas partie du corps professoral. Cette juridiction vient de prendre une judicieuse décision abrogeant celle du Pouvoir en vertu de laquelle les émissions télévisées par satellite doivent être soumises, au préalable, au contrôle (ou à la censure) d’un organisme ad hoc dont la constitution transgresse, semble-t-il, les lois en vigueur. Cet arrêt consacre la liberté de l’information que les Pouvoirs publics paraissent vouloir baîllonner, pour des raisons connues de tous. En fait, ils s’inspirent du “mot d’ordre” qui était donné aux Loges (en 1842), ainsi libellé: “La Presse est tout. Achetez-la ou étouffez sa voix et vous serez maîtres de l’opinion, c’est-à-dire maîtres du pays”. La censure préalable est une mesure inadéquate, rappelant celles auxquelles ont recours les pays à régime totalitaire. On devrait lui préférer l’auto-censure que la Presse libanaise a exercée maintes fois de son propre gré, en parfait accord et en coordination avec les parties concernées, le Pouvoir judiciaire pouvant être amené à trancher tout litige opposant l’Autorité au “Quatrième pouvoir”. Car “la Presse ressemble à la splendeur du jour qui nous éclaire à travers les nuages”, pour reprendre les termes d’une chanson d’Antoine Clesse. Puisse l’arrêt du Conseil d’Etat relatif au contrôle préalable des émissions télévisées par satellite, porter le Pouvoir à mieux apprécier le rôle des médias et la mission dont ils sont à même de s’acquitter, quand on leur laisse toute latitude d’agir selon leur conviction et leur conscience professionnelle qui est, en général, parfaite.


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