PREMIÈRE DÉCEPTION: INGMAR BERGMAN DÉSIGNÉ PAR SES PAIRS POUR “LA PALME DES PALMES” REFUSE DE VENIR À CANNES
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Le coup d’envoi du cinquantième Festival International du Film de Cannes a été donné avec éclat mercredi soir au palais des festivals, brillant de tous ses feux, en présence d’une foule d’officiels et de vedettes venus de tous les coins du monde. Un somptueux lever de rideau pour un super-festival - celui du cinquantenaire - de la plus prestigieuse manifestation cinématographique mondiale. L’honneur de déclarer ouverte cette Cinquantième édition du Festival de Cannes est revenu conjointement à Chiara Mastroianni et Bruce Willis qui ont prononcé la phrase rituelle respectivement en italien et en français (avec un accent américain pour Willis). La maîtresse de cérémonie, l’actrice française Jeanne Moreau, toute de rouge vêtue, a lu un message du ministre français de la Culture M. Philippe Douste-Blazy, empêché suite à l’agression dont il a été victime, il y a quelques jours, lors d’un meeting électoral à Lourdes. Puis, elle a rendu hommage au Septième art et à sa magie, en ces termes: “Les nuits du cinéma sont et seront innombrables tant qu’existeront l’imaginaire, l’amour, la vie et la liberté”. Elle a, ensuite, présenté les membres du jury et sa présidente l’actrice Isabelle Adjani toute de “grâce et de beauté”, alors que des extraits de ses films les plus célèbres étaient projetés, évoquant les étapes cruciales de la carrière de la belle actrice qui préside pour la deuxième fois le jury de Cannes. A son tour, Isabelle Adjani s’est présentée sur scène et visiblement émue, elle a remercié le Festival pour ce “très joli hommage” et a souhaité que le cinéma continue de “faire rire la liberté dans le monde”. Un des moments émouvants de la cérémonie a été la remise d’une nouvelle “Palme d’Or” à Michelangelo Antonioni pour remplacer celle remportée il y a trente ans, en 1967 avec “Blow Up” et qui lui a été dérobée l’année dernière. Il a été ovationné par une salle debout. Toute la cérémonie d’ouverture n’aura duré que 35 minutes s’achevant sur les rythmes tropicaux des balafons de l’ensemble de percussion du Sénégalais Doudou N’Diaye Rose, chaleureusement applaudi. Comme prévu, cette cinquantième édition cannoise sera d’une richesse exceptionnelle et groupera tout ce que le cinéma compte de célébrités qui vont se relayer sur la Croisette du 7 au 18 mai pour constituer le plus grand spectacle attractif jamais programmé. Il y aura là, gravitant autour de la présidente du jury, Isabelle Adjani, tout le gotha du Septième art et, en premier lieu, les vainqueurs (encore en vie) du palmarès de ce demi-siècle de compétition cannoise: Michelangelo Antonioni, Robert Altman; Francesco Rosi, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Emir Kusturica, Costa-Gavras, Wim Wenders, David Lynch, Jane Campion, Cheng Kaige, Quentin Tarantino... ainsi que les acteurs Robert de Niro, Kim Basinger, John Travolta, Gena Rowlands, Brooke Shields, Andie McDowell, Anjelica Huston, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale, Monica Vitti, Sophie Marceau, Catherine Deneuve, Michel Serrault, Hugh Grant, Bill Pullman, Victoria Abril, Demi Moore, Michael Jackson... Ce dernier présentera un clip qui a coûté la bagatelle de quatorze millions de dollars!
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DE LA SCIENCE-FICTION POUR L’OUVERTURE
Au cours de la brillante soirée
inaugurale en présence d’un parterre élégant de célébrités,
a été projeté (hors compétition) le film de
Luc Besson: “Le Cinquième Elément” avec Bruce Willis, Luke
Perry et Gary Oldman. Une histoire de science-fiction qui oppose des bons
et des méchants; elle se déroule en l’an 2362, quelque part
dans la galaxie, dans une mégapole imaginaire, Flhoston, peuplée
de créatures féroces, les mangalores. Bruce Willis joue le
rôle d’un chauffeur de taxi volant et Gary Oldman celui d’un zombie
maléfique. Le cinquième élément reste un mystère,
les quatre autres étant l’air, la terre, le feu et l’eau. C’est
le septième film de Luc Besson. Il est produit par Gaumont et Patrice
Ledoux et constitue autant une aventure artistique que financière
et a bénéficié d’un budget confortable de 90 millions
de dollars. En apparence, “Le Cinquième Elément”, ressemble
à un film américain. Pourtant, si Bruce Willis, Luke Perry
et Gary Oldman sont les principaux héros de cette superproduction,
le film est français dans toute sa conception, à l’exception
des effets spéciaux réalisés à Los Angeles.
Deux dessinateurs français de renom, Moebius et Jean-Claude Mézières,
ont animé un atelier de création graphique durant un an à
Paris, avec une dizaine de jeunes collaborateurs. Le tournage, assuré
par une équipe technique française, a eu lieu dans les studios
anglais de Pine Wood réservés à James Bond. Le couturier
Jean-Paul Gaultier a conçu tous les costumes. Quant à la
bande originale, elle a été composée par Eric Serra,
le compositeur fétiche de Besson depuis le début de sa carrière.
VINGT-ET-UN FILMS EN COMPÉTITION
Dès le lendemain 8 mai, la compétition
s’est ouverte avec vingt-et-un films en lice pour la “Palme d’Or” sur les
vingt-huit films figurant dans la sélection officielle. Au décompte
de la participation par pays, les USA arrivent en tête avec six films,
suivis de quatre français, trois anglais, trois italiens, un canadien
etc... Dans la répartition par continent, l’Europe domine avec douze
œuvres devant le continent américain (7), l’Asie (3), l’Afrique
(1) et l’Australie (1). C’est le film “Absolute Power” de Clint Eastwood
qui fera la clôture, le 18 mai. Un des temps forts de cette grande
fête du cinquantenaire sera le spectacle qui sera donné le
11 mai par Philippe Decouflé, agrémenté de feux d’artifice
et de bals. Ce jour-là, en présence du président Chirac,
et, éventuellement, du vice-président américain Al-Gore,
une trentaine de “Palme d’Or”, d’acteurs, d’actrices, de réalisateurs
primés à Cannes souffleront officiellement les cinquante
bougies. Un seul grand absent: le réalisateur Ingmar Bergman, désigné
par ses pairs pour recevoir “La Palme des Palmes” et qui s’est excusé
de ne pouvoir venir à Cannes. Motif officiellement invoqué:
la rédaction d’un livre. Toutefois, on invoque officieusement l’état
dépressif du célèbre réalisateur suédois
depuis la mort de son épouse. En désignant Ingmar Bergman
(qui n’a jamais reçu de “Palme d’Or” à Cannes) pour “La Palme
des Palmes”, ses pairs primés ont ainsi empêché le
déroulement d’une compétition entre les films primés
durant les cinquante ans d’existence du Festival comme initialement prévu.
Et cela, au grand dam du président Pierre Viot et du délégué
général du Festival Gilles Jacob. Celui-ci, chargé
de la sélection officielle, a dû visionner pas moins de 860
longs métrages pour en retenir une vingtaine. Maintenant, c’est
au tour du jury de faire son choix pour l’attribution de la “Palme d’Or”
et des prix prévus au palmarès. Présidé par
l’actrice française Isabelle Adjani, ce jury du cinquantenaire est
composé de: Gong Li, actrice (Chine), Mira Sorvino, actrice (USA),
Paul Auster, écrivain (USA), Luc Bondy, metteur en scène
de théâtre (France), Tim Burton, réalisateur (USA),
Patrick Dupond, danseur-étoile (France), Mike Leigh, réalisateur
(Grande-Bretagne), Nanni Moretti, réalisateur (Italie), Mike Ondaatje,
écrivain (Canada).
LE “DERNIER VOYAGE” DE MASTROIANNI À
CANNES
Un hommage posthume sera rendu à
Marcello Mastroianni à l’occasion de la projection de “Voyage au
début du monde” de Manoel Oliveira, le dernier film auquel a participé
l’acteur italien décédé le 19 décembre 1996,
à l’âge de 72 ans. Il y tient le rôle d’Alfonso, un
acteur qui pour les besoins d’un tournage, retourne dans le village où
vivait son père soixante ans auparavant, accompagné du metteur
en scène Manoel qui a grandi ici. Ce sont, ainsi, deux chemins,
deux vies qui se croisent. Ce sera, aussi, le “dernier voyage” de Marcello
Mastroianni à Cannes. Ce film donnera l’occasion à la profession
tout entière réunie au Festival, de rendre un ultime et vibrant
hommage à Marcello, le séducteur. Comme prévu, cette
année Cannes bat tous les records: plus de 100.000 festivaliers,
4200 journalistes accrédités représentant 1571 médias
de 71 pays. Ces chiffres parlent à eux seuls et sont éloquents.
Et on peut dire, cette année plus que jamais: “Cannes n’est plus
dans Cannes, puisque le monde entier y loge!”
JEAN DIAB