
Le chef de l’Autorité palestinienne à notre
rédacteur en chef:
“L’an 2000 assistera à la naissance d’un Etat palestinien indépendant
ayant Jérusalem comme capitale”.
Enregistrer avec le président Yasser Arafat un entretien
qui soit de fraîche date, est une chose très difficile. En
effet, la rapidité des événements et leurs développements
«vieillissent» toute interview du chef de l’Autorité
palestinienne. Pour remédier à cela, il n’y a qu’une solution:
obtenir l’entretien de manière qu’il coïncide deux jours, tout
au plus, avant sa publication. C’est ce que j’ai accompli, en dépit
des risques que cela comporte, afin que l’entretien soit le plus actuel
possible. Mon espoir est d’avoir réussi, relativement, à
satisfaire les lecteurs de «La Revue du Liban» et à
me conformer aux impératifs de la profession. Yasser Arafat se caractérise
par son style direct, en ce sens qu’il se penche sur les problèmes
de l’heure, en s’employant à leur trouver les solutions adéquates
mobilisant, à cet effet, toute son énergie et son expérience.
D’autant qu’il est habitué à s’attaquer aux problèmes
qui se posent sans faiblir, les crises se succédant à un
rythme accéléré, trois autres venant après
celle qu’il vient de résoudre. A tel point qu’il laisse les crises
et les problèmes insolubles se briser les uns contre les autres,
sans se soucier des flèches qui l’atteignent, car il est persuadé
que les nouvelles flèches se briseront sur les précédentes.
Le rendez-vous était fixé au palais «Al-Andalos»
au Caire. Mon questionnaire comportait des sujets d’actualité que
j’ai tenu à évoquer avec M. Arafat, partant du fait que les
gens et les lecteurs s’intéressent de près à la question
centrale et qui le reste dans le monde arabe, ainsi qu’aux difficultés
et aux doigts brûlés qui l’entourent.

Le président Arafat entouré de Melhem Karam,
Saër Karam, Najil Moubarak et Georges Saad.
LA PAIX DANS UNE PHASE CRITIQUE
Melhem Karam: - La paix est-elle condamnée et ce qu’a dit,
à son propos, le président Hafez Assad, à savoir qu’elle
est morte, correspond-il à la réalité?
Yasser Arafat: “Sans nul doute. La paix a été atteinte
d’un coup dur, à cause de la position du gouvernement israélien
actuel. En effet, Netanyahu s’est déclaré contre l’accord
d’Oslo, alors qu’il continue à dénoncer les accords conclus,
à confisquer les terres, à construire de nouvelles colonies
de peuplement et à judaïser Jérusalem. “Pour votre gouverne,
Jabal Abou-Ghoneim n’est pas, uniquement, une colonie à l’est de
la Ville sainte. Cette région est appelée à servir
de rechange à Bethléem en l’an 2000, à l’occasion
des festivités de la naissance du Christ et pour séparer
cette ville de Jérusalem. Tel est l’objectif fondamental de la colonie
de Jabal Abou-Ghoneim. “En plus de cela, le gouvernement israélien
n’a pas appliqué, jusqu’ici, trente-quatre clauses des accords conclus
entre nous. Sans nul doute, la paix traverse une phase très critique.”
DIALOGUE INTERPALESTINIEN
Melhem Karam: - En ce qui con-cerne le “Jihad islamique” et “Ha-mas”,
on a l’impression qu’une pres-sion est exercée sur vous pour sanc-tionner
ces deux formations. Quelle est la position palestinienne à ce sujet?
Yasser Arafat: “Ces paroles ne sont pas précises. Un dialogue
est engagé entre toutes les fractions palestiniennes, tous les partis,
forces et rassemblements, y compris le “Jihad islamique” et “Ha-mas”.
Melhem Karam: - Le coordonna-teur américain, Dennis Ross,
vous a-t-il soumis des propositions en vue de la relance des négociations?
Président Arafat: “Il n’a soumis aucune nouvelle proposition
et aucun résultat n’a transpiré de sa nouvelle visite dans
la région”.
Melhem Karam: - La transaction américaine proposée
ignore-t-elle le plan de colonisation à Jabal Abou-Ghoneim?
Président Arafat: “Jusqu’à présent, nous n’avons
pas entendu parler du plan américain. Je crois qu’ils ne peuvent
pas soulever de telles questions envers lesquelles notre position est connue”.
Melhem Karam: - Y a-t-il du nouveau depuis votre dernière
visite à Washington et avez-vous la conviction que les Américains
ne peuvent jouer le rôle de parrain honnête et qu’ils tentent
de couvrir la position israélienne?
Président Arafat: “Plus d’un point d’interro-gation se pose
sur la position américaine, surtout après que son représentant
eut usé à deux reprises du droit de veto au Conseil de Sécurité
et après la tentative US d’empêcher la tenue de l’assemblée
générale des Nations Unies. Le délégué
amé-ricain a voté aux côtés d’Israël pour
lui épargner une condamnation de la communauté interna-tionale”.
PAS D’OFFRE STRATÉGIQUE
Melhem Karam: - Dans les cercles politico-diplomatiques arabes, on laisse
entendre que vous pourriez répondre à l’appel de Netanyahu,
en vue de négociations secrètes à l’instar de celles
d’Oslo, pour sortir de l’impasse. On dit, à ce propos, que certains
de vos conseillers exercent des pressions sur vous à cette fin?
Président Arafat: “Ce n’est pas vrai. Il n’existe pas d’offre
stratégique à ce sujet et aucune pression n’est exercée
sur moi de la part d’aucun de mes frères”.
Melhem Karam: - Le président Arafat qui est enthousiaste pour
la paix, a-t-il réalisé main-tenant que le pouvoir israélien
n’est disposé qu’à permettre un régime d’autonomie
aux prérogatives limitées, ne jouissant pas de la souveraineté?
Président Arafat: “Sans nul doute. Il faut nous rappeler que
Rabin qui fut mon associé dans l’opération de paix, en a
payé le prix. Cependant, ce que dit le gouvernement israélien
peut s’appliquer à ce dernier”.
Melhem Karam: - Quel est votre plan pour faire face au fait accompli
israélo-américain: un nouveau soulèvement (Intifada),
de larges alliances avec les forces religieuses, le retour à Tunis?
Président Arafat: “Toutes les éventualités sont
ouvertes. Tous doivent connaître que le peuple palestinien constitue
le chiffre difficile et fondamental dans l’équation proche-orientale.
Ce peuple est prêt à faire face à toutes les éventualités
et les options”.
QU’ATTEND CLINTON POUR AGIR?
Melhem Karam: - Comptez-vous sur un rôle euro-russe pouvant
équilibrer le rôle américain? Ou bien, ne dépasse-t-il
pas le stade diplomatique et n’est-il pas efficace au point de rétablir
un tel équilibre?
Président Arafat: “Je souhaite que le président Clinton
qui a patronné la signature des accords 1 et 2 d’Oslo à la
Maison-Blanche, entreprenne une action rapide pour sauver l’opération
de la paix qui traverse un tournant dangereux.”
Melhem Karam: - Jusqu’à quel point, pourriez-vous profiter
d’une mobilisation arabe à vos côtés pour raidir votre
position, étant entendu que toute concession de votre part en ce
qui concerne les questions essen-tielles pourrait vous faire perdre ce
potentiel et mettre votre front à découvert face à
Netanyahu?
Président Arafat: “D’abord, qui a dit que la partie palestinienne
transige sur l’essentiel? Nous avons fixé des lignes rouges à
ne pas dépasser, surtout en ce qui a trait à Jérusalem
et la tentative de sa judaïsation. Tous savent que Jérusalem
n’est pas uniquement palestinienne: elle est également arabe, islamique,
chrétienne et mondiale; nul ne peut en disposer à sa guise.
“De là, la dernière position de l’assemblée générale
des Nations Unies, dont la résolution mentionne douze fois le nom
de la Ville sainte. Si telle est la position de l’ONU, quelle est celle
des Palestiniens? “Puis, nous comptons sur la position des pays non-alignés,
des Etats africains islamiques, arabes et de la position chrétienne.
C’est pour-quoi la position palesti-nienne se raffermit cha-que fois que
la position des pays amis et frères se renforce”.
POLITIQUE DE COORDINATION ARABE
Melhem Karam: - Pensez-vous, sérieuse-ment cette fois, revenir à
la politique de coor-dination arabe; plus précisément, avec
Bey-routh et Damas, à l’effet de consolider votre position au plan
des négociations avec Israël?
Président Arafat: “Cela n’a pas pour conséquence de consolider
notre position lors des négociations, mais de renforcer la position
arabe dans son ensemble. Nous sommes persuadés que la paix juste,
globale et permanente pour laquelle nous sommes allés à Madrid,
ne peut être instaurée, si elle n’englobe pas toutes les parties
arabes, à commencer par les parties palestinienne, syrienne et libanaise.”
Melhem Karam: - Le substitut de l’impasse actuelle serait-il une
guerre syro-israélienne? Ou bien Washington ne permettrait-il pas
une telle confrontation à laquelle les généraux de
l’Etat hébreu menacent de recourir, tel Shahak, chef d’état-major
et les commandements des régions?
Président Arafat: “Il est vrai qu’une mobilisation inhabituelle
est signalée au sein de l’armée israé-lienne. Cependant,
je ne crois pas que la conjoncture internationale tolèrerait cette
guerre”.
Melhem Karam: - Tsahi Hangbi, ministre israélien de la Justice,
a tenu à votre égard des paroles désobligeantes et
vous a demandé de quitter pour la Tunisie ou l’Irak. Vos rapports
se sont-ils dégradés à ce point avec le gouvernement
Netanyahu?
Président Arafat: «Malheureusement, la Presse israélienne
écrit davantage que cela. “Mais tout le monde doit savoir que cette
terre est la patrie du peuple palestinien, que certains le veuil-lent ou
pas».
CONTRE LA VIOLENCE ET LE TERRORISME
Melhem Karam: - Les Américains et les Israé-liens posent
comme condition l’arrêt de ce qu’ils appellent la violence et le
terrorisme, avant de reprendre les négociations.
Président Arafat: «Je suis d’accord avec eux, surtout
en ce qui concerne la violence et le terrorisme que pratiquent les colons
contre nous, ainsi que l’armée et les chars israéliens qui
encerclent toutes nos villes. N’est-ce pas du terrorisme?»
Melhem Karam: - Ils exigent de l’autorité palestinienne de
jouer le rôle du gendarme pour assurer leur sécurité.
Comment faites-vous face à ces conditions rédhibitoires?
Président Arafat: «Ainsi que je vous l’ai dit, la situation
est plus dangereuse qu’on l’imagine et la position palestinienne est stable.
Nul ne peut influer sur le peuple palestinien ou modifier sa position».
Melhem Karam: - De quelle arme disposez-vous, maintenant, face à
Washington qui a usé du droit de veto au Conseil de Sécurité
pour faire avorter le projet de résolution condamnant la politique
de colonisation de Tel-Aviv? Face aussi, au gouvernement du Likoud et à
la droite nationaliste et religieuse qui ne tiennent pas compte de l’accord
d’Oslo, ni de ses principes? Accepteriez-vous, par exemple, d’entamer les
négociations sur la phase finale du régime d’auto-nomie?
Président Arafat:«Tout d’abord, nous disposons de la plus
grande force, celle du peuple palestinien sur laquelle nous pouvons compter
pour surmonter toutes les difficultés et aplanir tous les obstacles».
DES ACCORDS INTERNATIONAUX
Melhem Karam: - Que diriez-vous à propos de la formule de
«Camp David 2»: y souscririez-vous, au cas où les Américains
venaient à l’adopter? Ne serait-ce pas une fuite en avant afin d’échapper
aux engagements de la phase transitoire?
Président Arafat m’interrompt: «Il n’y a pas de proposition
de cette nature, ni de disposition de la part des Palestiniens à
passer outre à ce qui fait l’objet d’accords avec Israël qui
ont été signés sous le patronage américain
à la Maison-Blanche. Il ne s’agit donc pas d’accords palestino-israéliens,
du moment qu’ils ont été contresi-gnés par les parrains
américain et russe, de même que par la Jorda-nie, l’Egypte,
l’Union européenne, la Norvège, en présence du Japon.
«Ce sont des accords internationaux dans toute l’acception du terme.
C’est pourquoi, les Israéliens sont tenus de les respecter. La posi-tion
a été franche et claire en dépit des pres-sions américaines
exer-cées en vue d’empêcher la tenue de l’assemblée
générale des Nations Unies dont les résolu-tions,
comme vous le savez, sont plus contrai-gnantes que celles du Conseil de
Sécurité. «Les résolutions ont été
votées à l’unanimité des 134 Etats membres, contre
trois: les Etats-Unis, Israël et la Micronésie. J’ignore si
quel-qu’un connaît la place de ce dernier pays sur la map-pemonde!».
POSITION INTERNATIONALE SAINE
Melhem Karam: - Est-il vrai que l’assassinat de Rabin et la perte
des élections par le parti travailliste; puis, l’accession de Netanyahu
au pouvoir sont à l’origine de la dislocation de l’accord d’Oslo?
Regrettez-vous de l’avoir signé et auriez-vous parié plus
qu’il ne faut sur ce qu’on appelle la position et les résolutions
interna-tionales?
Président Arafat: «On peut dire que la position internationale
est très saine. La résolution adoptée par l’assemblée
générale de l’ONU, en dépit de la tentative des Etats-Unis
de torpiller la séance, traduit nettement un soutien international
à la position palestinienne».
Melhem Karam: - Quelle a été la teneur de l’entrevue,
ayant eu lieu il y a près de trois semaines, entre un responsable
de la CIA, le ministre du «Shin Beit», Amy Alon et vos conseillers
sécuritaires à Gaza et en Cisjordanie? Est-il possible que
vous repreniez la coordination au plan de la sécurité avec
Tel-Aviv, à l’ombre des données actuelles?
Président Arafat: «Nous avons tenu cette rencontre pour
montrer aux Américains le point de la faiblesse israélienne.
Qu’il s’agit non d’une question sécuritaire, mais d’une décision
politique israélienne visant à torpiller l’opération
de paix, en dénonçant les accords conclus. «Je tiens
à préciser, clairement, que nous sommes prêts à
tenir non seulement, des réunions sécuritaires, mais des
réunions destinées à exami-ner les modalités
d’application des accords que nous avons signés».
NOUS NE RECEVONS DES LEÇONS DE PERSONNE
Melhem Karam: - Seriez-vous capables, dans cette étape, de vous
engager à arrêter et à poursuivre des éléments
actifs de «Hamas» et du «Jihad islamique», ainsi
que l’exigent, semble-t-il, les Israéliens et les Américains?
Président Arafat: «Les Israéliens libèrent
certains responsables de «Hamas». Puis, nous n’acceptons de
recevoir des leçons de qui que ce soit, à propos de notre
manière de traiter avec les forces palestiniennes».
Melhem Karam: - Jusqu’à quel point conser-vez-vous en réserve
la carte de «Hamas» pour la jouer au moment opportun?
Président Arafat: «Nous ne jouons aucune carte. Mais comme
je vous l’ai dit, un dialogue palestinien est en cours, auquel participent
toutes les forces palestiniennes, y compris «Hamas».
Melhem Karam: - Comment peut-on qualifier la nature de vos relations
avec le mouvement de la résistance islamique? Le démantèlement
de la cellule de «Sourif» a été considéré
par le commandement de «Hamas» comme un coup de poignard dans
le dos. Peut-on le considérer comme tel?
Président Arafat: «C’est une tentative de dénaturer
la situation. On doit savoir que le sujet à «Sourif»
diffère totalement; les Israéliens ont arrêté
les principaux élé-ments du groupe ayant entrepris l’opération;
ce sont ces derniers qui ont tout avoué. Etant entendu que Sourif
ne se situe pas dans notre secteur, mais dans la zone jaune placée
sous contrôle israé-lien».
PAS DE PROLIFERATION DES ORGANISMES DE SECURITE
Melhem Karam: - Beaucoup de Palestiniens se plaignent de la prolifération
des organismes de sécurité relevant de l’Au-torité
palestinienne: comment traitez-vous ce phénomène et répartissez-vous
les rôles?
Président Arafat: «Ceci n’est pas exact et les effectifs
des organismes de sécurité ne sont pas nombreux. Dans tout
Etat policé, on compte un policier pour chaque groupe de deux-cents
habitants. Chez nous, la proportion est d’un policier pour cinq cents personnes».
Melhem Karam: - Avez-vous pu mettre fin à l’activité
des agents palestiniens travaillant pour le «Shin Beit»? Et
est-il vrai que Tel-Aviv s’emploierait à constituer des réseaux
de sécurité dans toutes les zones de l’Autorité palestinienne
à l’instar de l’unité 504 opérant au Liban-Sud?
Président Arafat: «Israël a annoncé après
le gel des accords que nous avons conclus, sa décision de renforcer
l’efficacité du «Shabak» et a affecté trois millions
de dollars pour couvrir son action dans les zones contrôlées
par l’Autorité nationale palesti-nienne».
AFFAIRE D’ESPIONNAGE
Melhem Karam: - Les organismes israéliens ont maintenu une infrastructure
technique pour vous espionner après le redéploiement de «Tsahal».
On dit que vous avez fait appel à des spécialistes américains
pour démanteler ces infrastructures? Y êtes-vous parvenu?
Président Arafat: «Non et nous avons mis la main, depuis
près de deux semaines sur ces installations à Jéricho.
Chaque quelque temps, nous découvrons de nouveaux organismes des
services d’espionnage israéliens».
Melhem Karam: - Des Palestiniens se plaignent de la dégradation
de leurs conditions de vie d’une manière qu’ils n’avaient pas connue
durant l’occupation. Pourquoi ce désespoir au plan économique
et qu’en est-il de l’aide des pays donateurs? La politique de l’étouffement
économique israélienne en est-elle la cause?
Président Arafat: “Oui et il s’agit d’une politique israélienne
préétablie. En raison du blocus et des pressions économiques
exercées sur nous, nous perdons entre 7 et 9 millions de dollars
par jour, soit 2,5 à 3,5 milliards de dollars par an, ce qui équivaut
au triple ou au quadruple de l’assistance accordée par les Etats
donateurs”.
RUMEURS MENSONGÈRES...
Melhem Karam: - Des rumeurs sont colportées à propos de villas
et de palais qui seraient construits à Ramallah, Gaza et ailleurs,
au profit de symboles d’Oslo et de gens de l’Autorité palestinienne,
alors que la vague de mécontentement s’accroît dans la rue,
à cause de la baisse du standing de vie. Comment traitez-vous ce
phénomène?
Président Arafat: “Je défie qui que ce soit de prouver
la justesse de telles rumeurs. Ce sont des mensonges. Je vous invite à
voir l’appartement où j’habite et je demande à ceux qui propagent
de telles rumeurs de m’indiquer l’emplacement de ces villas et palais pour
que je réclame des comptes à leurs propriétaires”.
“Quant aux Palestiniens aisés vivant à l’étranger,
aux Etats-Unis, en Amérique latine et dans les pays arabes, je les
encourage à faire édifier des habitations de luxe, au lieu
de les construire en exil”.
Melhem Karam: - Des ressortissants arabes auraient, dit-on, vendu
des biens-fonds qu’ils possédaient à Jérusalem, à
des agences juives en vue de judaïser la partie arabe de la Ville
sainte. Comment avez-vous toléré cela? Ne serait-ce pas une
participation au complot, ne serait-ce que d’une façon indirecte,
portant sur l’identité de la cité et son avenir?
Président Arafat: “Je tiens à préciser que nous
prenons des sanctions contre quiconque vend des biens-fonds. L’Autorité
palestinienne et le Conseil des ministres palestinien ont pris une décision
en ce sens. Nous poursui-vons quiconque procède à la vente
de tels biens-fonds et lui infli-geons des peines sévères”.
TENTATIVE DE SÉDITION ISLAMO-CHRÉTIENNE
Melhem Karam: “Et qu’en est-il de la destruction de l’em-placement
où le Christ a été cru-cifié?
Président Arafat: “La démolition du mur fut une tentative
visant à provoquer une sédition islamo-chrétienne
à Jérusalem. Nous avons décidé de remettre
en état l’emplacement situé entre la mosquée Khanaka
et l’église de la Résurrection. Tout est rentré dans
l’ordre”.
Melhem Karam: - Que res-sentez-vous lorsque vous voyez des Palestiniens
construire des colonies de peuplement juives sur une terre arabe ou y tra-vailler?
Pourquoi ne pas mettre un terme à de tels actes, en payant des indemnités
aux ouvriers contraints de s’adonner à de tels travaux par besoin?
Président Arafat: “Je souhaite que la nation arabe et les personnes
qui le peuvent dans le monde arabe viennent en aide à ces ouvriers.
Le devoir de tout Arabe est de venir en aide au peuple palestinien, l’Autorité
palestinienne n’étant pas en mesure de le faire”.
Melhem Karam: - Qu’est-il advenu de l’aéroport de Gaza et
de son port? Israël entrave-t-il vos efforts sur ce plan?
Président Arafat: “Les travaux à l’aéroport sont
terminés et il est prêt à accueillir toutes sortes
d’avions. Il reste des travaux de finissage à accomplir, mais ces
derniers ne retardent nullement la navigation aérienne. Un certain
nombre d’appareils ont atterri dans cet aérodrome et y ont débarqué
des donations accordées par des Etats arabes. “En ce qui concerne
le port, il nous est interdit d’y entreprendre les travaux. Israël
s’y oppose”.
LES EUROPÉENS SONT LES MEILLEURS DONATEURS
Melhem Karam: - Quel est le volume du soutien européen, au plan
économique, aux régions contrôlées par l’Autorité
palestinienne?
Président Arafat: “Il ne fait pas de doute que les Européens
respectent le mieux leurs engagements et sont les meilleurs donateurs”.
Melhem Karam: - Si l’accord d’Oslo venait à être torpillé,
définitivement, envisageriez-vous de démissionner, pour permettre
la formation d’un commandement collégial. Puis, quel est le critère
du succès et de l’échec dans ce domaine?
Président Arafat: “Qu’ils se tranquillisent, je ne démissionnerai
pas. Quant au commandement collégial, il existe déjà
et tient des réunions hebdomadaires”.
Melhem Karam: - Votre entrevue avec le président israélien
a-t-elle donné quelque résultat au plan des relations palestino-israéliennes?
Président Arafat: “Les intentions du président Weizmann
sont bonnes. Mais le problème se situe au niveau du gouvernement
israélien actuel qui n’a nullement le désir de favoriser
l’opération de paix”.
Melhem Karam: - Le président Clinton vous a-t-il promis d’entreprendre
une nouvelle initiative?
Président Arafat: “Il n’y a pas de nouvelle initiative jusqu’ici
.”
L’INITIATIVE EUROPÉENNE
Melhem Karam: - Comment jugez-vous l’action menée par M.
Moratinos, émissaire européen?
Président Arafat: “Comme vous le savez, une initiative européenne
s’est concrétisée à Malte où une réunion
a rassemblé des Palestiniens, des Israéliens et des Européens,
en présence du frère Amr Moussa (ministre égyptien
des Affaires étrangères), pour passer en revue cette initiative
que nous accueillons favorablement. Puissent-ils l’imposer à la
partie israélienne.”
Melhem Karam: - Que pensez-vous de la mise en garde adressée
à la Syrie contre son éventuelle utilisation d’armes prohibées
dans une nouvelle guerre?
Président Arafat: “C’est une tentative israélienne dirigée,
non seulement contre la Syrie, mais également contre l’Egypte et
toute la nation arabe.”
Melhem Karam: - Le sommet islamique se tiendra en décembre
en Iran: y prendrez-vous part et quelle est la nature de vos relations
avec la République islamique?
Président Arafat: “Nos relations sont bonnes. Comme on le sait,
j’ai rencontré à Islamabad mon frère et ancien ami,
Hachimi Rafsandjani. La réunion a été importante,
positive et constructive. Je souhaite poursuivre ces rencontres au cours
du sommet islamique de Téhéran.”
QUID DU SOMMET QUADRIPARTITE?
Melhem Karam: - A-t-il été renoncé au sommet restreint
qui devait vous réunir avec les présidents Assad, Moubarak
et le roi Hussein?
Président Arafat: “J’accueille un tel sommet avec chaleur; il
fait l’objet, actuellement, de concertations en vue de sa tenue à
une date qui reste à fixer.”
Melhem Karam: - Que diriez-vous de la menace de la Turquie à
la Syrie et à ses voisins?
Président Arafat: “Je trouve étrange l’attitude turque
et les relations établies par Ankara avec Tel-Aviv, au moment où
il est procédé à la judaïsation de Jérusalem.”
Melhem Karam: - Et vos relations avec l’Irak?
Président Arafat: “Elles sont excellentes.”
Melhem Karam: - Et avec les dirigeants libanais?
Président Arafat: “Des liens nous rapprochent et j’entretiens
avec eux, comme vous le savez, de bonnes relations. Je profite de toute
occasion pour m’enquérir de mes frères membres des commandements
palestiniens établis en territoire libanais.”
NON À L’IMPLANTATION PALESTINIENNE AU
LIBAN OU AILLEURS
Melhem Karam: - Que diriez-vous justement des Palestiniens établis
au Liban?
Président Arafat: “N’oubliez pas que 400.000 Palestiniens vivent
au Liban; leurs problèmes sont multiples, quotidiens et divers.
Nous espérons, s’il plaît à Dieu, les voir réintégrer
la Palestine dans un proche avenir, car nous sommes contre l’implantation
de n’importe quel frère en dehors de sa terre et de sa patrie.”
Melhem Karam: - Comment voyez-vous la situation en Algérie
et qu’attendez-vous des élections générales qui vont
y être organisées?
Président Arafat: “Ces élections sont importantes et
nous approuvons leur supervision avec d’autres forces.”
Melhem Karam: - On dit qu’une transaction a été effectuée
avec Abou-Marzouk à laquelle vous étiez opposé...
Président Arafat: “Il n’y a pas eu de transaction, mais un accord
en vue de livrer Abou-Marzouk à un Etat arabe, au lieu d’être
extradé en Israël. Il a été livré à
la Jordanie et je me suis opposé à ce qu’il vienne dans son
pays.”
LE COMMUNISME N’EST PAS FINI...
Melhem Karam: - Le communisme est-il fini dans le monde?
Président Arafat: “Non, naturellement.”
Melhem Karam: - Avez-vous quelque espoir d’une reprise des négociations
sur les volets libanais et syrien ou bien attend-elle la réactivation
des pourparlers sur le front palestinien?
Président Arafat: “Ils sont liés les uns aux autres,
tout progrès sur le volet palestinien devant être suivi d’un
progrès sur les autres volets et vice-versa.”
Melhem Karam: - Etes-vous satisfait de la situation à Hébron
et les heurts entre les habitants et les colons juifs se perpétueront-ils,
indéfiniment, occasionnant chaque fois de nouvelles victimes?
Président Arafat: “En dépit de cela, nous ne pouvons
oublier qu’une partie des terres à Hébron a été
libérée et placée sous le contrôle de l’Autorité
palestinienne. “Cependant, il reste encore dans l’ancienne ville des problèmes
et des défis de la part des colons contre notre peuple. Quoi qu’il
en soit, celui-ci est disposé à consentir des sacrifices
et à relever tous les défis.”
Melhem Karam: Les résultats de la conférence de New
Delhi vous ont-ils donné satisfaction?
Président Arafat: “Oui, ses résultats ont été
excellents et se sont répercutés, positivement sur l’assemblée
générale des Nations Unies.”
Melhem Karam: - Quelles sont les possibilités pour l’Union
européenne de s’acquitter d’un rôle plus positif par rapport
au processus de paix?
Président Arafat: “Nous souhaitons que les Européens
parviennent à convaincre les Israéliens à s’engager
dans le processus d’une paix juste et globale”.
Melhem Karam: - Il est question d’une prochaine visite de Madeleine
Albright dans la région. Avez-vous fixé un rendez-vous pour
la recevoir et apportera-t-elle quelque chose de nouveau?
Président Arafat: “Une telle visite n’a pas été
fixée”.
Melhem Karam: - Netanyahu a-t-il faibli après le scandale
de Bar-On ou bien en est-il sorti plus fort?
Président Arafat: “Je ne peux pas dire qu’il est maintenant
plus fort, mais il est sorti d’une impasse”.
PAS DE CABINET ISRAÉLIEN DE COALITION
Melhem Karam: - A quel point un cabinet de coalition en Israël
auquel participerait le parti travailliste, peut-il modifier la manière
de traiter avec l’Autorité palestinienne?
Président Arafat: “Une telle idée était posée,
mais elle est abandonnée maintenant et le parti travailliste prépare
des changements radicaux au sein de sa direction”.
Melhem Karam: - Le Souverain Pontife a assuré à une
délégation palestinienne qu’il a reçue au Vatican,
qu’il ne visitera pas Jérusalem, sauf si elle devient la capitale
de deux Etats?
Président Arafat: “C’est pourquoi, j’ai dit au début
de notre entretien que Jérusalem intéresse les musulmans
et les chrétiens”.
Melhem Karam: - Cela est-il possible?
Président Arafat: “Oui et Jérusalem sera la capitale
de l’Etat palestinien, qu’on le veuille ou pas. Quiconque n’est pas satisfait
peut boire l’eau de la mer...”
Melhem Karam: - Comptez-vous sur Moscou pour réactiver les
négociations de paix?
Président Arafat: “La Russie reste le deuxième parrain
de l’opération de paix et une commission mixte russo-palestinienne
de haut niveau poursuit cette opération”.
Melhem Karam: - On dit que Netanyahu rejette la plupart des points
du plan américain en vue de relancer les négociations palestino-israéliennes,
alors que Yitzhak Mordekhaï et David Lévy, ministres respectivement
de la Défense et des Affaires étrangères approuvent
ce plan...
Président Arafat: “Ceci n’est pas très exact, car tous
les responsables israéliens sont d’accord sur la position à
adopter”.
Melhem Karam: - Comment imaginez-vous la situation palestinienne
en l’an 2000? Vous attendez-vous à la création de l’Etat
palestinien ayant Jérusalem comme capitale?
M. Arafat répond en haussant le ton: “Oui, l’an 2000 verra la
naissance d’un Etat palestinien indépendant ayant Jérusalem
comme capitale. Nous célèbrerons, alors un double événement:
l’écoulement de deux mille ans sur la naissance du Christ et la
création d’un Etat palestinien indépendant”.

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