Bloc - Notes


Par ALINE LAHOUD..

LES MORCEAUX CHOISIS DE WALID BEY...

Qu’est-ce qui pousse Walid Joumblatt à sortir, de temps à autre, d’une léthar-gie savamment entretenue pour se lancer dans des déclarations souvent contradictoires, toujours hargneuses? Au cours d’une interview télévisée sur Orbit, M. Joumblatt - oubliant que le temps des milices et des barrages est révolu - a sommé les Libanais de confessions chrétiennes à décliner leur identité sous peine de n’avoir plus droit de cité: sont-ils ou ne sont-ils, pas arabes? D’abord, qui a intronisé M. Joumblatt grand purificateur ethnique? Ensuite, oublie-t-il qu’il est lui-même d’origine kurde, ce dont il n’a pas à rougir, mais qui ne l’autorise quand même pas à poser ce genre de question à des gens qui sont là depuis la nuit des temps et qui, de par leur environnement, sont arabes avant l’Islam et certainement avant lui? Des gens sans qui la langue arabe - à l’instar du grec ancien, du latin et du syriaque - serait aujourd’hui une langue morte? Le Liban lui-même, grâce auquel M. Joumblatt a pu accé-der à un certain leadership dans la montagne et se permettre des caprices de diva, n’échappe pas à sa vindicte. D’après lui, le Liban, en tant qu’Etat indépen-dant, est une invention française (entendre du mandat français), alors qu’en fait (Joumblatt dixit) il fait partie intégrante et indivisible de la Syrie. Le sujet est trop sérieux pour être traité par réaction aux énormités de M. Joumblatt, trop vaste pour être enfermé dans une formule à l’emporte-pièce et trop délicat pour servir de sujet de polémique. Il serait en outre vain - pour empêcher M. Joumblatt de proférer des insanités - d’avancer des arguments historiques, du moment qu’il n’en a cure, son siège étant déjà fait. Il suffit de rappeler que 90% du peuple libanais, toutes confessions confondues, ont affirmé à maintes reprises leur volonté de considérer le Liban dans ses frontières actuelles comme patrie définitive, pour prier M. Joumblatt de mettre un frein à ce genre de surenchère bon marché dont (le moins qu’on puisse dire) est qu’il en serait le premier lésé. Vient ensuite (toujours!) le tour de ceux des Libanais qui parlent de pluralisme culturel. A entendre M. Joumblatt, l’opprobre qui rejaillit sur eux du fait de leur ouverture sur le reste du monde les réduit au rang de citoyens de troisième classe, voire de traîtres, sinon en fait du moins en puissance. Et nous, pauvres imbé-ciles ignorants qui croyions que le pluralisme était une source d’enrichissement, qui pensions que sur une planète qui se mondialise à pas de géant, le seul moyen d’éviter la sclérose à laquelle nous condamnerait le confinement dans un ghetto d’auto-frustrés, c’est justement cette ouverture sur le reste de l’univers. Et puisque nous sommes dans les morceaux choisis de Walid bey, l’un des passages les plus savoureux et le plus coloré de son interview a trait aux médias de ce pays. D’après lui, les médias (surtout télévisés), au lieu de soutenir la résistance contre l’ennemi israélien en ne diffusant que des programmes de guerre et de la musique militaire, se consacrent “à faire défiler de jolies filles sur nos écrans”... Quel péché mortel pour un puritain tel que lui! Prenant à témoin, feu le président Nasser qui disait - à l’en croire - “Le Liban est le casino des Arabes”, Joumblatt enchaîne, l’œil fulgurant d’un saint courroux: “Et moi j’ajoute que les médias ont fait du Liban pire qu’un casino, un bordel...” Voyons, voyons, Walid bey, vous devriez songer sérieusement à calmer le jeu, car à ce stade de l’ébullition mentale, ça commence à sentir le roussi. Cependant, inutile de dramatiser. Ces accès de fièvre qui prennent périodiquement le seigneur de Moukhtara pourraient, après tout, ne pas être si graves. C’est peut-être dû à la pleine lune, au changement de saison ou à une allergie aux chrétiens, et plus spécialement aux maronites, qu’il a dans le nez. De toute façon, qu’il se rassure, ça se soigne.


Home
Home