Chronique


Par José M. LABAKI.

BILL CLINTON L’AFRICAIN

C’était pour engager le Congrès américain à voter hâtivement un projet de loi favorable à l’Afrique subsaharienne, “African Growt and opportunity act”. Et un haut responsable de l’équipe Clinton d’enchaîner: “Dans une économie planétaire de plus en plus compétitive, les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre de sous-estimer un marché inexploité, de plus de six cents millions d’habitants.” De tout temps, l’aventurisme a été le point fort de la Realpolitik américaine. Toutefois, que veulent les Américains en Afrique, si ce n’est déloger la France de ses anciennes colonies? La France, ironisait un diplomate américain effectuant une tournée sans précédent sur le continent africain, est comme la première épouse qui n’a pas été choisie; nous sommes la deuxième, souvent la préférée.” Mais qu’à cela ne tienne, la France n’abandonnera pas aussi facilement que le croient les Américains un continent qu’elle a toujours tenu à bout de bras. A rebours, le scénario monté de toutes pièces par les Américains, a commencé en 1965, avec l’installation au pouvoir du maréchal Mobutu au Zaïre. Les parrains américains le soutiendront jusqu’à la fin de la guerre froide avec l’Union soviétique, au cours de laquelle le Zaïre sera converti en une base d’arrière-garde de “l’Unita” qui combat les Cubains en Angola. En effet, n’est-ce pas Washington qui aurait ménagé le maréchal Mobutu, lorsqu’en pleine guerre du Golfe, le Zaïre présidait le Conseil de Sécurité de l’ONU? Depuis, les Américains, affichent leur zèle démocratique à l’égard des Africains. Nous en savons long sur leur soutien politico-financier et militaire à l’offensive menée par le chef rebelle L. Désiré Kabila, pour la conquête du pouvoir au Zaïre et ce, au détriment de leur ancien allié Mobutu! Cependant, qui a-t-il derrière cette douteuse opération zaïroise? Quel est le véritable objectif de cette immixtion flagrante dans les affaires africaines? Serait-ce pour destabiliser le régime islamiste soudanais sous la houlette de Torabi, que les Etats-Unis auraient financé la guerre de l’Ouganda, de l’Erythrée et de l’Ethiopie, laissant les Ougandais et les Rwandais combattre les troupes du maréchal Mobutu Sese Se ko, allié de Torabi, - au risque de mettre à feu et à sang la partie orientale du continent africain?

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Tout récemment, Hillary Clinton a sillonné ce continent pour préparer le terrain à une éventuelle visite qu’effectuera le président Clinton en Afrique, ac-compagné, comme il se doit, d’un groupe de business-men, chercheurs d’or et de diamant, la suite comprenant aussi, les magnats de Wall Street. Sous prétexte d’encourager la démocratisation, la libéralisation de l’économie africaine et les privatisations, les Américains, appuieront tant s’en faut, la nouvelle caste africaine, la plupart, anciens rebelles ayant renoncé à la philosophie marxiste, tels l’Ougandais Yoweri Musevini, connu pour être plus “reaganien” que l’original, ayant les atouts requis: anglophone, américanophile, hostile aux islamistes soudanais et ami juré du zaïrois Laurent-Désiré Kabila, dont Washington vient de jouer ouvertement la carte et qui, tel qu’on le connaît, une fois au pouvoir, jouera impudemment, la carte des Américains contre les Français, pour se démarquer plus tard des premiers qui lui auront servi juste de tremplin pour arriver au pouvoir. Les Africains le savent et se méfient d’un soi-disant partenaire capable de les abandonner à tout moment, aussi alléchantes que puissent être les promesses et la donne! Quoi qu’il en soit, l’influence culturelle anglo-saxonne pourra difficilement rivaliser avec la culture francophone établie depuis des lustres dans cette zone d’influence française. En soutenant des stratégies meurtrières et des purifi-cations ethniques d’un coût humain aussi épouvantable, l’Amérique perd sa crédibilité de porte-étendard de la démocratie dans le monde. Les Américains seront, certainement, tentés d’expor-ter la récente expérience zaïroise vers d’autres pays, notamment ceux sous influence française, tels que le Gabon, la République Centre-Africaine et le Mali, pour ne citer que ceux-ci. Ce n’est qu’un bricolage “clinto-nien” qui ne tardera pas à être déjoué par les Africains eux-mêmes. Qui vivra, verra! Quant à la France, berceau des droits de l’homme et précurseur en matière de décolonisation, elle ne doit, à aucun moment, fléchir face aux intrigues américaines en Afrique, particulièrement, dans la région des Grands Lacs et du Grand Fleuve. Aujourd’hui plus que jamais, elle devrait sauver sa politique africaine. Elle est la mieux placée pour défendre ses intérêts et ceux des pays de son précarré, menacés, à présent, par l’arrivée du rebelle zaïrois Désiré Kabila, au pouvoir. Ceux qui croient que la France est en position de faiblesse en Afrique, se trompent. La France ne sera pas absente ni en Afrique, ni en Europe, ni ailleurs, n’en déplaise aux défaitistes de tous bords! Son rayonnement culturel émergera envers et contre tous. La carte africaine n’est pas perdue. En dépit de toutes les “apocalypses” du moment, la France s’apprête à renouer ses liens séculaires avec l’Afrique, pour l’aider à inventer ses pro-pres modèles et à affronter les grands rendez-vous de la modernité, toujours dans la spécificité et l’authenticité qui la caractérisent. Les démocraties de façades, telles que conçues par la realpolitik américaine sont, tôt ou tard, vouées à l’échec.


“Nous avons des liens émotifs et psychologiques avec l’Afrique comme nul autre pays développé au monde”.

Newt Gingrich (Leader républicain de la Chambre des Représentants)


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