Editorial


Par MELHEM KARAM

I - ZAÏRE: QUAND DÉSIRÉ RENVERSE DÉSIRÉ

Photo Melhem Karam
- I - Ceux qui s’attendent à ce que Laurent-Désiré Kabila soit le substitut de Mobutu Sese Seko se font des illusions. Il ne se passera pas plusieurs mois avant de voir apparaître le visage sombre de ce sauveur, à classer en tête de liste parmi les sangui-naires. C’était un révolutionnaire mercenaire dont tous les agissements étaient louches et suspects. Dans les années soixante, Kabila était connu comme un grand contrebandier de diamant. Le voici devenu, aujourd’hui, sauveur et libérateur! Il est accusé par les Nations Unies d’être un bourreau dont les mains se sont entachées de sang à l’est du Zaïre. “C’est une petite affaire”, a-t-il dit du drame de dizaines de millions de personnes errantes et sinistrées. C’est le chef d’armées qui se sont signalées par le vol, le viol, le pillage des magasins et le rançonnement des Libanais. Il n’a donc pas un passé “pur” l’habilitant à être chef d’Etat. L’un des bienfaits de l’interventions internationale au Zaïre réside en ce que le transfert du pouvoir s’y est opéré sans effusion de sang. Kabila sait que tous ces faits jouent contre lui, bien qu’il ait pu envahir en six mois l’Etat le plus vaste et le plus peuplé du globe. Il sait, aussi, que tous l’attendent au tournant démocratique, parce qu’il doit former un gouvernement; puis, organiser une consultation populaire, laquelle pourrait lui valoir un revers et ramener les alliés de Mobutu, nombreux au parlement. Le plus important dans ce problème est qu’il s’adresse à un peuple opprimé, ayant été avili et contraint à se mettre à genoux durant trente-deux années de dictature. Il sait que, sans l’appui du peuple, il n’aurait pu arriver facilement à Kinshasa. Tous se sont réjouis de la chute de Mobutu, parce qu’il a assumé le pouvoir en dictateur et accaparé une Autorité reposant sur la corruption et le vol des ressources de son pays, l’un des plus importants d’Afrique. Il avait joui du soutien de Washington jusqu’en 1991 et de l’appui de Paris jusqu’à la date de sa chute. Il était l’exemple de l’impudence, n’ayant jamais envisagé d’un manière sérieuse la responsabilité du commandement qu’il assumait d’une façon arbitraire. Il a dit un jour: “L’idée des droits de l’homme est une matière de diversion pour ceux qui manquent d’inspiration”. Ainsi, Désiré vient pour expulser Désiré: Joseph Désiré Mobutu part pour céder la place à Laurent Désiré Kabila. L’un des responsables américains du département d’Etat dit que bien des questions se posent sur Kabila, contre peu de réponses... ou plutôt pas de réponses. Il a ajouté: “Son ascension est sujette à suspicion. Les promesses faites par Kabila, le peuple zaïrois lui réclamera des comptes à leur sujet et, à travers ce peuple, tout le continent africain qui aspire à décider de son sort. En 1994, l’Afrique du Sud a prouvé que la démocratie peut être une vérité, même en Afrique. Ainsi, beaucoup d’Africains se sont affranchis du complexe du colonialisme et de l’esclavage. Aujourd’hui, Kinshasa; demain, Bangui; puis, Libreville. D’autant que le temps n’est plus celui du colonialisme et de l’esclavage.

II - LA RUSSIE ET L’OTAN: LA SIGNATURE À CLINTON, LE MÉRITE À CHIRAC ET KOHL

- II - La Russie est, désormais, persuadée qu’elle ne peut s’opposer à l’Amérique. Telle est la vérité du conflit. C’est que l’élite de l’armée russe perçoit son solde du Trésor américain. L’armée russe s’est définitivement disloquée et tout espoir de la restructurer est perdu. Il existe en Russie deux groupes de militaires: l’un dépendant du ministère de l’Intérieur; l’autre relevant du ministère de la Défense, l’élite dans ces deux groupes touchant son solde en dollars. C’est pourquoi, elle demeure “tenue”. Faute de quoi, c’en serait fini de l’armée rouge ayant eu une réputation honorable devenue partie de l’Histoire. Pour cela, le président Eltsine a accepté d’adhérer au Pacte de l’Atlantique et le 27 courant, soit dans quelques jours, il sera procédé à la signature de l’acte d’adhésion. Ainsi, la Russie a sauvé la face avant l’extension inévitable de l’OTAN. Javier Solana, secrétaire général du Pacte atlantique et Evgueni Primakov, ministre russe des Affaires étrangères, sont parvenus à cet accord qui régit les relations entre la Russie et l’OTAN. Cet accord ferme la dernière page de la guerre froide et prévoit la réduction des forces conventionnelles en Europe, à travers le traité de 1990 qui sera réexaminé à Vienne par les trente Etats signataires. L’OTAN s’engage à ne pas utiliser les armes nucléaires et à ne pas aménager d’arsenaux sur le territoire des nouveaux Etats signataires; il s’agit de trois pays d’Europe orientale devant adhérer à l’OTAN en juillet. Le secrétaire général de l’OTAN a pris cet engagement, en proclamant qu’il n’y a nul besoin de compiler les armes et de les emmagasiner. De même, l’OTAN a promis de ne pas porter au-delà de mille soldats, les effectifs dans chacun des nouveaux pays signataires. Il a rassuré la Russie quand il a réduit le nombre des forces conventionnelles et l’armement dans les nouveaux Etats d’Europe orientale. Au terme de six longues séances et réunions, les deux parties sont parvenues à cet accord qui sera signé le 27 mai à Paris par les représentants de l’OTAN, dont Bill Clinton, rassemblés autour de Jacques Chirac et Boris Eltsine qui a su comment faire face aux réactions de l’opinion publique russe. L’accord composé de vingt pages fullscape, doit être approuvé par seize Etats membres de l’OTAN et la Russie, sans être ratifié par les parlements, ce qui ne lui donnera pas la valeur légale requise pour tout acte et traité. La Haye, Washington, Madrid, Varsovie et Bonn se sont félicités pour l’élaboration de cet accord. Pour Paris, il s’agit d’un événement historique devenu possible, suite aux efforts franco-allemands conjugés (ceux de Chirac et de Kohl). Ainsi, la porte sera ouverte à l’élargissement du Pacte atlantique, auquel adhèreront tous les Etats d’Europe orientale, anciens membres du Pacte de Varsovie jusqu’à sa dissolution en 1990. Au cours du sommet de Madrid, le 8 juillet, la République tchèque, la Pologne et la Hongrie adhèreront, également à ce pacte, sans que la Russie puisse user de son veto pour empêcher leur ralliement. Cependant, la Roumanie qui jouit de l’appui de la France et de la Slovaquie devrait, peut-être, attendre quelque temps. Les trois Etats baltes: la Slovaquie, la Bulgarie, l’Albanie et l’Etat de Macédonie, sont appelés à y adhérer, mais leurs dossiers ne seront pas étudiés prochainement, parce que la Russie s’y oppose, alors que les Etats Unis sont soucieux de préserver la stabilité politique de ces pays. Ainsi, Washington ne cache pas sa satisfaction pour avoir étendu les frontières du Pacte atlantique à mille kilomètres vers l’Est. De son côté, la Russie est satisfaite, pour n’avoir pas assisté à la création d’un “nouveau rideau de fer” en Europe.

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Il reste le problème, plutôt la question suivante posée à l’OTAN depuis la fin de la guerre froide: En quoi cela profite-t-il au Pacte atlantique, du moment que la raison de son existence, au départ, était de former un front face à une éventuelle offensive russe subite? La réponse est qu’il n’y en a pas. A moins qu’émergent des faits dépassant notre imagination. Et ceci paraît être du domaine de l’impossible. L’OTAN dont le renouvellement a été opéré d’une façon délicate, bien que difficile, comme en témoignent les dures négociations entre Paris et Washington, en vue du retour de la France au Pacte atlantique, à l’ombre du commandement actuel, l’OTAN s’accorde un délai de plusieurs années, pour se fixer de nouvelles missions, escorté par une Russie forte, en route vers une stabilité ferme, l’habilitant à occuper la position qu’elle mérite. Ajouter à cela que les unités russes ont opéré et réussi en Bosnie dans le cadre de la préservation de la paix conduite par l’OTAN. Cela signifie que l’expérience est positive, de même que ses résultats.


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