LÉGISLATIVES FRANÇAISES L’ÉLAN BRISE DE LA MAJORITÉ AU PREMIER TOUR,
LE DEUXIÈME TOUR S’ANNONCE TRÈS SERRÉ


L’impopularité d’Alain Juppé ferait-elle
sombrer le navire?


Lionel Jospin à un stand de journaux.


Philippe Seguin votant.


Jean-Marie Le Pen à son Q.G.

Toute la littérature fleuve ayant accom-pagné la campagne électorale resser-rée est venue se briser dans le verdict des urnes. Tant de discours, tant de ha-rangues, tant de chiffres et d’estimations avec des sondages quotidiens contra-dictoires qui plaçaient tantôt la gauche et la droite au coude à coude et favo-risaient tantôt la droite au détriment de la gauche! A en croire les éditorialistes, polito-logues et commentateurs tous crins, les Français étaient désenchantés, indiffé-rents à l’agitation en cours et peu disposés à se déplacer pour choisir leurs augustes représentants à l’Assemblée nationale dissoute, on ne sait pourquoi, sur un pari risqué du chef de l’Etat. En dépit d’une campagne morne et sans attraits, martelée par le duel Juppé-Jospin par petit écran interposé, ils se sont quand même déplacés. Et les abstentionnistes du 25 mai, 31,5%, ne dépassent pas sensiblement ceux- 30,6% - de 1993.

UN COUP DE SEMONCE?
Les résultats du premier tour ont surpris autant la majorité que les partis d’opposition de gauche. Ils ont marqué un net recul de la droite qui obtient 36,5% des voix et une forte poussée de la gauche qui totalise, entre PS communistes et écologistes, 43,50% des voix. Egalement, une poussée historique du Front national avec un score de 15,06% accusant des progrès au nord et à l’est du pays, constitue avec les abstentionnistes un arbitre au second tour. A lui seul, il sera en mesure de jouer un rôle décisif dans une centaine de circonscriptions, les triangulaires pouvant se révéler fatales pour ceux mis en ballotage au premier tour. Et ils sont nombreux autant à droite qu’à gauche. Bien que les électeurs du FN soient marqués aux deux tiers à droite et au tiers à gauche, ils se battront sur le plan européen pour éliminer les candidats favorables à Maastricht. Jean-Marie Le Pen, leader du Front national, qui ne s’est pas présenté aux élections jubile: “Malgré les instituts de sondage, le boycott médiatique, malgré la campagne de persécution, nous avons remporté une belle victoire. Celle-ci le pose en médiateur, mais pourrait toutefois dans le meilleur des cas ne porter qu’un ou deux de ses candidats à l’Assemblée nationale. Les conclusions sont vite tirées: “Chirac est battu. Il doit partir”, tonne Jean-Marie Le Pen.

LA VOLONTÉ DE CHANGEMENT PERÇUE DIFFÉREMMENT À DROITE COMME À GAUCHE
En fait, la droite enregistre son plus mauvais score depuis quinze ans. Ni les contrats fabuleux signés par Chirac en Chine, ni ceux passés avec l’Arabie séoudite, ni le discours pompeux des dirigeants n’ont influé sur le choix des Français qui semblent avoir sanctionné les deux premières années du mandat de Chirac et son Premier ministre si im-populaire, malgré ses brillantes qualités d’énarque et ses projets ambitieux. La dure réalité est omniprésente, le chô-mage est vivement ressenti et les res-trictions budgétaires annoncées en vue de l’euro sont déjà accueillies avec méfiance. Alain Juppé qui se trouve en ballotage favorable à Bordeau (à noter que seulement douze députés ont été élus au premier tour) a voulu tirer immédiatement la leçon de ce premier scrutin: “Les Français, a-t-il reconnu, ont voulu dire qu’ils attendaient un réel changement, un changement profond et nous devons entendre ce message. “Mais a-t-il averti, on ne change pas en reprenant de vieilles idées” (avec) une composition hétéroclite qui nous ramène à quinze ans en arrière! Autre discours, mais semblable tout de même, de Lionel Jospin premier secrétaire du PS qui propose un «pacte de change-ment», une politique économique «plus audacieuse, plus humaine qui remettra la France en marche non pas pour quelques-uns, mais pour tous et avec tous». Côté presse, les commentaires af-fluent: «C’est un vote d’avertissement», «Chirac et Juppé frappés de plein fouet, «la gauche a gagné une bataille mais pas la guerre», «la droite peut encore l’emporter en changeant de ton et de tête». «Les Français votent pour le changement, mais le suspense reste entier». «On s’attend à un second tour acharné,» pour mobiliser, essentielle-ment, les abstentionnistes. «Nous allons essayer de montrer du côté de la majorité qu’il y a cette promesse de changement, indique Alain Madelin qui voudrait imprégner au second tour «l’élan tonique» ayant manqué au premier. Rien n’est encore dit. Le pari de Chirac qui interviendra avant le second tour n’est pas encore perdu. Les 32 millions de Français appelés aux urnes pour choisir 577 candidats sur les 6358 candidats n’ont pas dit leur dernier mot. Mais ils pourraient le dire encore plus explicitement le 1er juin et paver la voie à un gouvernement de cohabitation formé par Lionel Jospin.


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