Qu’est-ce qui intéresse le plus les
Américains? Que leur président marque l’Histoire par l’accord
Russie-Otan considéré comme la réussite la plus spectaculaire
de ses deux mandats ou l’affaire Paula Jones qui connaît, fort curieusement,
des rebondissements spectaculaires lorsque celui-ci se trouve propulsé
au zénith de sa carrière? La signature historique de «l’Acte
fondateur» a été, en quelque sorte, éclipsée
aux Etats-Unis par l’affaire Paula Jones dont s’est saisie la Cour suprême
et qui a poursuivi le président américain, alors qu’il se
trouvait à La Haye pour commémorer le cinquantième
anniversaire du plan Marshall. Fort curieusement, Miss Paula Jones n’a
déposé sa plainte pour harcèlement sexuel qu’en 1994,
alors que l’ancien gouverneur du Texas accédait à la Maison-Blanche.
Pourtant, les faits remontent à 1991 lorsque Paula Jones, fonctionnaire
d’une trentaine d’années, est, prétend-elle, attirée
dans un hôtel de Little Rock par Bill Clinton qui tente de la séduire
contre son gré. A la regarder, Miss Paula Jones n’a vraiment pas
la tête d’une harcelée sexuelle et ne dispose pas en outre
des moyens de se payer des avocats. C’est pourquoi, on soupçonne
fortement les républicains d’avoir monté cette affaire pour
alourdir le dossier du président dans lequel figurent le scandale
Whitewater, le FBI gate et le financement de sa campagne électorale.
Dans l’Amérique puritaine, Paula Jones a une très large audience.
Mais il est malheureux de voir un fait divers éclipser de grands
moments historiques.
LE 5 JUIN 1957, GEORGE MARSHALL LANÇAIT
SON PLAN
Les cérémonies du cinquantième anniversaire du plan
Marshall qui se sont déroulées à La Haye devant plus
de cinquante-cinq pays membres de l’OSCE (Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe) ont ému jusqu’aux larmes Helmut
Kohl, auquel le président américain faisait allusion en évoquant
«le souvenir d’un jeune garçon allemand qui regardait les
soldats américains distribuer la soupe dans son école».
«Ce garçon a grandi, il est devenu le premier chancelier d’une
Allemagne libre et unifiée, il symbolise la lettre et l’esprit du
plan Marshall. Le 5 juin 1957, George Marshall, ancien chef d’état-major
de l’armée de terre américaine, secrétaire d’Etat
du président Truman, lançait son programme de redressement
économique européen à l’issue de la Seconde Guerre
mondiale. Son «European recovery programm» se proposait de
lutter contre «la famine, la pauvreté, le désespoir
et le chaos». Le plan qui porte son nom, avait été
également conçu par des diplomates américains, dont
Averell Harriman et Dean Acheson et soutenu par des dirigeants européens.
Conçu initialement en faveur de l’Europe occidentale et orientale,
ce programme débloquait des fonds à hauteur de 13,35 milliards
de dollars, dont 85% étaient offerts à titre gratuit et 15%
convertis en prêts à longs termes. L’URSS a refusé
de s’y associer, suivie du bloc des pays de l’Est. De 1948 à 1952,
le plan Marshall a remis l’Europe debout et fait profiter les Etats-Unis
de ses dividendes. Le général George Marshall entrait ainsi
dans l’Histoire. En 1953, il se voyait attribuer le prix Nobel de la Paix
à Oslo. Ce n’est pas sans raison qu’un nouveau plan Marshall est
sollicité aujourd’hui en faveur des pays d’Europe centrale et orientale,
dont les «énormes besoins» engloutiraient des fonds
de 100 milliards de dollars, selon les estimations de Wim Kok, Premier
ministre néerlandais. Il n’y aurait plus un nouveau plan Marshall
américain, car Bill Clinton s’est déclaré favorable
à «une accélération du rythme des investissements
privés». Les institutions financières internationales
ont déjà investi dans les pays de l’Est près de 50
milliards de dollars, tandis que l’Union européenne avance une fourchette
de 145 milliards de dollars. Renvoyant ainsi la balle à l’Europe,
il a déclaré avec superbe: «J’affirme aux peuples d’Europe:
l’Amérique est à vos côtés, nous ne nous retirerons
pas du vieux continent.» Avant de quitter les Etats-Unis, à
la veille de sa tournée qu’il avait précédée
par le dépôt d’une gerbe sur la tombe de George Marshall à
Arlington, Bill Clinton avait pompeusement annoncé que la «mission
(des Etats-Unis) commence en Europe».
AVEC TONY BLAIR AU 10 DOWNING STREET
Après Paris et La Haye, Bill Clinton, accompagné de son épouse
Hillary, s’est arrêté à Londres où il a participé
au 10 Downing Street, aux côtés de Tony Blair, à une
réunion du gouvernement britannique, privilège qu’avait connu
avant lui le président Nixon, lequel avait rejoint en 1962 l’équipe
du travailliste Harold Wilson. La rencontre des couples Clinton et Blair
s’est effectuée dans une atmosphère décontractée.
Tony Blair a pu confier à Bill Clinton qu’il lui avait emprunté
certaines de ses idées. Tous les deux que sept ans séparent,
ont indiqué, au cours d’une conférence de presse, tenue dans
les jardins du 10 Downing Street et rappelant les pelouses de la Maison-Blanche,
qu’ils étaient des centristes soucieux de préserver une société
juste mais adeptes de la flexibilité des marchés de l’emploi
et de l’esprit d’entreprise. Clinton a, par ailleurs, lancé à
l’adresse de l’IRA: «Déposez vos armes», en confiant
un tantinet philosophe: «Chaque lutte dans le monde est une lutte
pour un compromis où personne n’est vraiment content». Par-delà
la politique qui unit Bill Clinton et Tony Blair dont les profils semblent
similaires, leurs épouses, brillantes avocates qui ont emprunté
des parcours assez proches, ayant été se revigorer au théâtre
où elles ont assisté à une représentation d’Henry
V.
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