RÉFORME ÉLECTORALE OU NOUVEAU SUJET DE DIVERSION... |
Le coup est devenu classique: après l’émergence d’un problème grave ou d’une crise à reboudissements, le Sérail - où sa coterie - lance une nouvelle “idée”, vraisemblablement dans le but de détourner l’esprit des citoyens de ce qui les préoccupe. L’affaire du leader de la CGTL a incité le chef du gouvernement (qui s’en lave les mains) à proposer l’élaboration d’une loi électorale transformant le Liban en circonscription unique, avec adoption de la représentation proportionnelle. Des réactions hostiles se sont déjà manifestées et il est possible que le Premier ministre renonce à son “idée”, comme le chef de l’Etat a abandonné ses “réformes constitutionnelles”... Il est curieux de constater l’émergence, chaque quelque temps, d’un sujet que soulèvent les responsables, pour détourner l’esprit des Libanais de ce qui les préoccupe, «comme les voyages font diversion au chagrin»... Ce phénomène se manifeste chaque fois qu’un problème d’une certaine importance, menace de perturber la «paix civile», que le ministre de l’Intérieur jure de ne pas laisser compromettre. Il s’agit, en ce moment, du «cas Abou-Rizk» qui défraye la chronique. Le chef du gouvernement prétend «qu’il n’y ait pour rien» et s’interdit d’interférer dans les affaires judiciaires. Juste à ce moment, il trouve moyen de lancer une de ses idées «lumineuses», dont le timing ne manque pas de surprendre. D’autant que les citoyens ont d’autres chats à fouetter et des soucis bien plus accablants que la réforme électorale... En quoi consiste cette idée haririenne? Il s’agit, en fait, de la reprise d’une autre identique, à quelque variante près, précédemment soumise à l’appréciation des citoyens, en particulier, aux hommes politiques, préconisant la transformation du Liban en circonscription unique, avec adoption de la représentation proportionnelle. De l’avis du Premier ministre, son «idée» aurait pour avantage «d’aider le pays à dépasser, sans l’annuler, le régime confessionnel en vigueur». Comment? C’est ce qui reste à démontrer. La proposition Hariri devait être soumise, pour étude, au dernier Conseil des ministres qui pourrait avoir constitué une commission ayant pour tâche de l’examiner en détail, avant de la concrétiser sous forme de projet de loi... M. Hariri en aurait déjà discuté avec M. Berri, quand les deux hommes se sont rencontrés lundi au bureau du chef du Législatif, place de l’Etoile. Mais rien n’a transpiré de leur tête-à-tête. Il est possible qu’ils aient évoqué aussi, la question de la normalisation des rapports entre les trois pôles du pouvoir - la «troïka» de triste mémoire - à l’occasion de la visite que M. Abdel-Halim Khaddam, vice-président syrien en charge du dossier libanais, devait effectuer hier jeudi au palais de Baabda. Cela dit, la proposition haririenne a suscité des réactions hostiles dans les milieux politiques et parlementaires, à commencer par la «Rencontre nationale» (le groupe des Six» formé de MM. Husseini, Hoss, Karamé, Harb, Lahoud et Beydoun). Ce bloc de l’Assemblée estime que l’idée de M. Hariri transgresse l’accord de Taëf et, partant, le document d’entente tenant lieu de nouvelle loi fondamentale. Fait à étrange: à l’instar du chef de l’Etat qui a retiré son projet de réformes constitutionnelles, face à la levée de boucliers qu’il avait suscitée dans les cercles politiques, le président du Conseil insinue que «son projet de réforme électorale n’est pas une question de jours, mais de plusieurs mois»... Naturellement, car il lui faut du temps pour mûrir et, surtout, pour en convaincre les «décideurs», seuls capables de réduire toutes les oppositions ou les réticences à l’égard d’une nouvelle législation susceptible de servir les intérêts de leurs «protégés» et, par ricochet, les leurs propres... Car elle leur garantirait un champ de manœuvre plus large en période électorale. |