Par MARY
YAZBECK AZOURY.
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LA IIe RÉPUBLIQUE EN FOLIE
Cela ne se passe pas dans une de ces républiques bananières
oubliées de Dieu et des Hommes. Cela se passe dans un pays censé
être le nombril de la civilisation mondiale: un bled nommé
Liban. L’arrogance, le cynisme, l’insolence des responsa-bles, leur outrecuidance
vaniteuse n’ont d’égaux que la veulerie, la couardise, la lâcheté
des citoyens. Comment peut-on accepter ce qui se passe sur le terrain.
A chaque absurdité, une autre absurdité répond. Une
bêtise en fait oublier une autre. Une gaffe annule la précédente.
Mathématique correcte: “moins plus moins, égale plus”. Et
ce Libanais dont la puissance de gobage est illimitée continue à
courir et souvent à applaudir. On ne peut faire ici la litanie de
toutes les sottises (euphémisme de crimes) l’affaire des finances,
celle de la reconduction, les élections législatives, les
élections ou plutôt non-élections municipales, l’affaire
des attachés de l’émigration, l’affaire des affaires, l’affaire
de l’audiovisuel, l’affaire Abou Rizk et de la CGTL, l’affaire des écoutes
téléphoniques et pour conclure aujourd’hui (au moment où
sont écrites ces lignes) l’affaire d’autoriser la presse étrangère
de faire imprimer au Liban et de recueillir si elle le désire de
la publicité. Ce n’est plus un seul constat d’échec des Institutions,
c’est un constat de folie, et même de folie furieuse. Car il ne s’agit
pas de quelques désordres, mais d’un désordre institutionnel,
à la base duquel est Taëf. Et quand on pense à Taëf
et à ce qu’abrite Taëf (un des plus grands hôpitaux psychiatriques
et asile mental de la région) dès lors on ne peut plus s’étonner
de ce qui se passe dans l’après-Taëf.
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SI LE MINISTRE FRANÇAIS DE L’INTÉRIEUR...
Si le président Chirac avait pris conseil auprès
des responsables libanais, il aurait sans doute eu connaissance de la formule
magique de “Comment réussir dans les élections, sans trop
se fatiguer”. Si Jean-Louis Debré, le ministre de l’Intérieur
d’Alain Juppé était venu prendre des leçons chez M.
Michel Murr, il aurait certainement remporté la victoire pour son
parti. Hélas, en France, on ne connaît pas ces petits “trucs”
qui arrangent les choses. La politique n’est pas une science exacte, c’est
une science où les inconnues et les variables sont plus nombreuses
que les constantes. Les prévoir? C’est ce que fait notre vaillant
ministre de l’Intérieur. A la prochaine! En espérant que
l’on vienne au Liban pour apprendre ce qu’est la “véritable démocratie”.
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COMMENT FABRIQUE-T-ON UN HÉROS?
Si les responsables voulaient faire de Elias Abou Rizk un héros,
ils ne se seraient pas autrement pris. Tous les moyens médiatiques
du monde n’auraient pu rendre célèbres en un jour, Abou Rizk
et son avocat Nagi Boustany, dont les noms sont désormais sur toutes
les lèvres, non seulement au Liban, mais aussi à l’étranger.
Abou Rizk est accusé entre autres d’avoir nui à la réputation
du Liban? Qu’en est-il de ceux à l’origine de ce tohu-bohu? Font-ils
honneur au Liban? Respectent-ils les libertés? Oui, répondent-ils,
la preuve est que tous les médias ont pu couvrir “l’événement”
sans être inquiétés. Car ces messieurs qui nous gouvernent,
se moquent du qu’en dira-t-on. Ils font ce qu’ils veulent, comme ils veulent
et quand ils veulent. Ils savent que le monde a suffisamment de problèmes
pour ne pas s’arrêter trop longtemps sur ce qui se passe dans ce
lointain pays du Moyen-Orient. Un scandale de plus ou de moins, qu’importe?
Qu’ils chantent (ou qu’ils protestent) pourvu que cela paye!
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LE CAPITALISME SAUVAGE
Tous les appels à un nouvel ordre social prôné par
le Saint-Père et différentes personnalités n’ont pas
affecté le comportement des responsables libanais qui pratiquent
à l’extrême le capitalisme sauvage. Trois exemples récents
à l’appui: - Une veuve, obligée de quitter l’appartement
qu’elle occupe, suite à une démarche du propriétaire
et un procès perdu, demande à son employeur, un prêt-habitat
pour compléter la “misère” que va lui verser le proprio.
La réponse vive comme l’éclair fuse: “Nous regrettons de
ne pouvoir donner suite à votre demande. Vous ne gagnez pas assez,
pour être sûrs du remboursement...” Vérité de
La Palice. Evidemment, si cette personne gagnait suffisamment, elle n’aurait
pas eu besoin de ce prêt. Donc en toute logique, on prête à
ceux qui ont, ou auront de l’argent. - Second cas: un coiffeur à
domicile est bombardé de factures astronomiques de téléphone.
Evidemment, il ne peut les payer. Ayant perdu son salon de coiffure pendant
la guerre, il compte sur les appels des clients et clientes pour se faire
un peu d’argent. Le téléphone coupé, il ne reçoit
plus d’appels et perd petit à petit ses clients. Toute discussion
avec les préposés ou responsables du téléphone,
Dieu seul le sait, ne mène à rien. “Payez et on rétablit
la ligne de téléphone”. Il demande un sursis, qu’on lui refuse.
Et le voilà jeté dans le cercle vicieux: Pas de téléphone,
pas de clients, pas de clients pas d’argent... - Troisième cas:
une couturière à domicile est en léger retard pour
la facture d’électricité, qui elle aussi a fait des bonds
prodigieux. L’électricité est coupée. Son gagne-pain
en l’occurrence sa machine à coudre électrique arrêtée.
Elle demande un sursis ou un échelonnement de sa facture: rien à
faire. “Payez et vous pourrez reprendre votre travail.” Mais tant qu’elle
n’a pas repris son travail, elle ne peut pas payer. Voilà comment
cela se passe dans un pays civilisé, où le capitalisme sauvage
sévit. Matraqué par l’impôt indirect, c’est le pauvre
qui paie, devant l’indifférence générale. A qui s’adresser?
Ailleurs, il y a des “OMBUDSMAN” (personnalité indépendante
chargée d’examiner les plaintes des citoyens contre l’Administration).
Au Liban, qu’y a-t-il?
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“LA DIPLOMATIE C’EST L’ART DE LA PAIX”
Le Saint-Père est venu au Liban et a donné non seulement
aux Libanais, mais au monde entier une véritable leçon de
diplomatie. La diplomatie vaticane est la diplomatie la plus efficace,
la plus sereine, la plus humaine, car elle n’a pas pour but des conquêtes
terrestres, ou des richesses matérielles, mais bien un but humaniste.
Les édifices politiques sont souvent bien fragiles. On l’a bien
vu, tout récemment encore, en France. Qu’est-ce que la diplomatie?
selon Jean-Paul II et ses prédécesseurs? “La Diplomatie est
l’Art de la Paix, la voix de la conscience humaine éclairée
par l’Evangile. “La Paix est disciple de l’Amour. La Diplomatie n’est pas
l’art de réussir à tout prix, mais celui de construire patiemment
la Paix, car les rapports entre les peuples reposent nécessairement
ou sur la force ou sur les accords. La force sera la voie de la ruine et
de la guerre. La Diplomatie sera celle de la Paix. Pour être partisan
de la Paix, le Diplomate doit être l’Homme de Droit, de la Raison,
du Dialogue. Il doit être un homme de patience et susceptible aussi
de sage réalisme, savoir prendre la mesure du possible et de l’impossible
dans les circonstances données. C’est le “Brutus” de Voltaire (ironie)
qui corrobore ce qui précède: Dans l’Acte V à la scène
II Brutus dit: “Les vrais Ambassadeurs, interprètes des lois...
(...) De la foi des humains discrets dépositaires, La Paix seule
est le fruit de leurs saints ministères...”