L’EURO A FRANCHI LES BARRIÈRES DES QUINZE AU SOMMET D’AMSTERDAM


Au sommet d’Amsterdam, la France a parlé “d’une seule voix” - mêmes positions pour Chirac et Jospin.


Jospin, Chirac et Wim Kok, Premier ministre néerlandais.


Tony Blair et José Maria Aznar ont fait de la bicyclette dans les rues d’Amsterdam sacrifiant à la coutume locale.


Une partie des Premiers ministres européens au palais royal d’Amsterdam.

La bataille de l’euro et de son corollaire “le pacte de stabilité budgétaire et de croissance” aura été longue et dure. Le sommet d’Amsterdam qui risquait, en cas de désaccord, d’ébranler les relations du couple franco-allemand, moteur de l’Union européenne, avait été précédé de laborieuses tractations. A Paris, nerf de la contestation depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir, se sont succédé les médiateurs, certains avec des projets de compromis. L’un présenté par le Premier ministre néerlandais Wimkok, président en exercice de l’Union européenne, l’autre par Jacques Santer, président de la Commission européenne. Tony Blair, Premier ministre britannique venait pour sa part rencontrer Jacques Chirac sans être concerné par la polémique sur le pacte de stabilité, puisque la Grande-Bretagne ne fera pas partie du “premier wagon de l’euro”. Sa bataille à lui étant “la compétitivité de l’économie et la flexibilité de l’emploi”. Le point d’orgue de ce chassé-croisé de personnalités européennes était, sans conteste, le 69e sommet franco-allemand tenu le vendredi 13 juin au Futuroscope de Poitiers. Sommet à responsabilité “partagée” entre Kohl et Chirac, d’une part et Kohl et Jospin, d’autre part.

LA DURE BATAILLE ENGAGÉE PAR LE CHANCELIER KOHL
Certes, le chancelier Kohl est un vieux routier de la cohabitation qu’il a déjà connue en France du temps du président Mitterrand, avec lequel il constituait un tandem harmonieux, mais aussi chez lui où il gouverne avec une coalition CDU/CSU et FDP. Seulement, la campagne apparemment anti-européenne de Jospin, qui indiquait que le “super-Maastricht (était) une concession absurdement faite aux Allemands” et le programme économique des socialistes l’avaient mis sur ses gardes. La nomination d’Hubert Védrine, ami personnel de l’un de ses conseillers et européen convaincu, entouré d’une équipe de pro-Européens occultant quelque peu l’anti-européen ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, devait en principe le rassurer. Tant s’en faut. Le super-ministre français des Finances, de l’Economie et de l’Industrie, Dominique Strauss-Kahn (ou DSK) avait jeté un froid à la réunion des ministres de l’Economie européens tenue au Luxembourg, quand il avait souhaité rediscuter le pacte de stabilité et demandé même à ses partenaires européens “une période d’évaluation”. Le terrain sur lequel avançait donc Helmut Kohl en venant à Poitiers était miné, Lionel Jospin réclamant l’adjonction d’un chapitre social au pacte de stabilité et refusant une Europe uniquement monétaire qui ne prenne pas en compte les dix-huit millions de chômeurs. Rien qu’en Allemagne, on dénombre 4,4 millions de chômeurs et, en France, 3,1 millions. Dans cette optique, il rejoignait même le président Chirac favorable à une dimension sociale du pacte de stabilité. Le 69e sommet s’achevait apparemment, sur un constat d’échec. Mais Paris et Bonn écartaient l’éventualité d’une crise. Et Jospin annonçait “nous sommes sur la bonne voie”. Tandis que Kohl inflexible menait une guerre sur plus d’un front. Fragilisé chez lui, le chancelier Kohl fait l’objet d’une forte contestation due à la politique de rigueur budgétaire imposée en Allemagne pour atteindre l’un des critères prioritaires de Maastricht: un déficit public ne dépassant pas les 3% du PIB. Un trou de 19 milliards de marks dans le budget de 1997 avait incité le ministre allemand des Finances, Theo Waigel, à recourir - mais en vain - aux réserves de la Bundesbank: devises et or. Et c’est toute sa carrière politique que le chancelier a mis en jeu dans la bataille d’un euro “aussi fort que le deutsche mark”. Et s’il a décidé de se représenter aux élections de 1998, c’est bien pour parachever la mise en place de l’euro qui sera lancé le 1er janvier 1999 et, dans les poches des Européens, le 1er janvier 2002.


69e sommet franco-allemand à Poitiers:
Kohl, Chirac, Jospin.


La dure bataille de Kohl a porté ses fruits

LE PACTE DE STABILITÉ
Bien que la France, l’Allemagne et divers pays européens craignent de dépasser les critères des 3% du déficit du PIB, aucun des pays qui pourrait se trouver en difficulté ne souhaite le report de l’euro. Ce sont, surtout, les conditions drastiques du pacte de stabilité qui effraient les partenaires européens. “Le pacte de stabilité budgétaire et de croissance avait été adopté par les Quinze, en décembre dernier, au sommet de Dublin. Il avait été concocté par le ministre allemand des Finances, Theo Wai-gel, et l’Allemagne avait mené une rude bataille avant de le faire accepter. Pour l’Allemagne, il ne suffit pas d’en-trer dans la monnaie unique. Les élus doi-vent pouvoir main-tenir leur politique de rigueur et ne pas relâcher leurs efforts afin de ne point affaiblir l’euro. Aussi, un pacte de stabilité a-t-il été mis au point, prévoyant des sanc-tions à l’encontre des contrevenants. Les situations budgétaires seraient soumises à une surveillance constante et reliées à un système d’alerte rapide. Conditions draconiennes qui permettraient, entre autres, aux Allemands de ne pas regretter leur mark, synonyme de croissance. Le système de sanctions a cependant été adouci, la France ayant réussi à y introduire l’élément “circonstances exceptionnelles”. Toujours sur une même ligne politique, le président Chirac affirmait à Tony Blair: “L’Europe, ce n’est pas seulement une monnaie même si cela est capital, notamment pour faire face au dollar. L’Europe, ce sont des hommes et des femmes”. 50.000 travailleurs au chômage, après avoir sillonné l’Europe, étaient venus manifester à Amsterdam, afin que les Quinze entendent leurs voix. Les Quinze les ont-ils entendus? Le lundi 16 juin, dès les premières heures du sommet mettant fin à un suspense prolongé, les quinze chefs d’Etat et de gouvernement ont adopté le pacte de stabilité budgétaire donnant satisfaction à la France qui a parlé “d’une même voix” et, à l’Allemagne, qui a maintenu le pacte dans sa formulation initiale. Un volet économique et social rééquilibrera ce pacte et fera l’objet d’un conseil européen spécial dans six mois au Luxembourg, pays qui assure dès juillet la présidence de l’Union européenne. Si une résolution sur l’emploi a été adoptée, il n’en demeure pas moins qu’elle ne devra pas entraîner des dépenses budgétaires supplémentaires, la Grande-Bretagne appuyant sur ce plan le point de vue de l’Allemagne. Les uns et les autres affichent leur satisfaction. La France a, surtout, obtenu des promesses tandis que l’Allemagne a fait passer intégralement son projet.

BEAUCOUP D’AUTRES SUJETS MAIS STATU QUO JUSQU’EN 2002
A l’ordre du jour du sommet d’Amsterdam, le 17 juin juin, la conférence intergouvernementale (CIG) engagée en mars 1996 à Turin pour la révision du traité de Maastricht. Les réformes institutionnelles permettant l’élargissement de l’UE aux pays de l’Est, la politique de défense commune sujets de toutes les divergences et de tous les compromis. Après de nombreux rebondissements et une réunion marathon de dix heures, le sommet d’Amsterdam s’est, enfin, achevé sur un constat de semi-échec relatif à tous ces dossiers, à part l’euro, désormais réalité intangible. La réforme des institutions n’a pas eu lieu; la révision du traité de Maastricht est reportée et le statu quo restera en vigueur jusqu’en l’an 2002. Les Quinze ne sont pas parvenus à s’entendre sur la répartition des voix au sein d’une UE avec “grands” et “petits” et conservent leurs vingt commissaires. La Grande-Bretagne a fait obstruction au sujet de la politique de défense commune, estimant que l’Otan assurait la défense de l’Europe. Un compromis a pu enfin être élaboré au sujet des accords de Schengen, notamment sur le droit d’asile accordé aux citoyens européens. Résumant l’état d’esprit du sommet, Jacques Chirac a déclaré: “Mon expérience m’a convaincu qu’il ne faut pas confondre hâte et précipitation. J’étais pour une révision du traité de Maastricht (dans certains domaines je suis frustré, dans d’autres satisfait). Mais au total, c’est un pas raisonnable qui nous met en mesure de commencer l’élargissement de la communauté, c’est-à-dire à partir de 2001 - 2002, pour recevoir trois à quatre nouveaux membres. Tout cela est raisonnable”.

Ev.M.

LES CRITÈRES DU TRAITÉ DE MAASTRICHT

Etablis par le comité Delors sur décision du sommet européen de Hanovre en juin 1988, adoptés en décembre 1991 par le sommet européen de Maastricht, les critères de convergence économique pour le passage à la monnaie unique, le 1er janvier 1999, sont au nombre de cinq: - Le déficit public ne doit pas franchir la barre des 3% du PIB. - L’inflation ne doit pas dépasser plus de 1,5% la moyenne des trois meilleures performances nationales dans l’Union. - L’endettement public doit être égal au maximum à 60% du PIB. - Le taux d’intérêt moyen à long terme ne doit pas excéder plus de 2% des trois meilleures performances nationales. - Les monnaies doivent fluctuer depuis deux ans, au moins, dans la marge du système monétaire européen.



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