Saturnale


Par MARY YAZBECK AZOURY.

À QUAND LA RÉVOLUTION LIBANAISE?
Qui est heureux dans cette folle République? Qui est content au Liban? - Les entrepreneurs? Non. La majorité d’entre eux qui ont des contrats avec l’Etat n’ont pas été payés depuis des mois. Seule une petite clique proche du pouvoir est en train de réaliser des affaires. - Les étudiants? Non, on vient d’augmenter leurs scolarités universitaires dans une proportion de dix pour cent. - Les professeurs? Non. Ils viennent de déclarer que si on ne leur concède pas ce qu’ils demandent, ils boycotteront la correction des examens officiels. C’est devenu d’ailleurs une tradition. - Les jeunes? Non. Quoique dans l’Exhortation Apostolique de S.S. Jean-Paul II, une grande place soit consacrée aux jeunes, à leurs espérances déçues et à leurs futurs espoirs, quoique le Pape ait insisté sur la place importante que les jeunes doivent jouer dans le renouvellement national, aucune main ne s’est tendue vers eux. - Les vieux? Sont encore plus mécontents. Rien n’est fait pour eux. On les considère comme un poids, un fardeau et c’est tout juste si on ne s’en débarrasse pas. D’ailleurs, par manque de soins, par manque d’assistantes sociales, par manque d’hospitalisation, par manque de ressources, on arrive presque au même résultat. Les femmes? Non, elles ne sont pas du tout contentes. Etre femme au Liban, être femme au Proche-Orient, c’est être un citoyen de seconde classe. Il est triste de constater qu’au sein de la société libanaise, la place de la femme n’est pas souvent à la mesure de ses engagements et de ses efforts. Il est vrai que la femme libanaise est relativement privilégiée par rapport à d’autres femmes dans le monde arabe. Mais il n’en demeure pas moins que par rapport aux Asiatiques, aux Européennes, aux Américaines, les Libanaises sont encore bien loin derrière elles. Qu’on se rappelle la phrase célèbre prononcée par Françoise Giroud en 1975, alors qu’elle était secrétaire d’Etat à la condition féminine en France: “la femme sera vraiment l’égale de l’homme, le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente.” Or, les nullités qui gouvernent actuellement le Liban prouvent si besoin en est, que la plus incompétente des femmes ne pourrait, même si elle le désire, faire pire que la plupart d’entre eux. A quand la révolution libanaise?

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QUI EST HEUREUX AU LIBAN?
- Les ouvriers étrangers (syriens et égyptiens en premier). - Les employées de maison asiatiques et africaines (philippines, sri lankaises, sénégalaises, ethiopiennes, etc...). - Les ministres. - Les députés. - Quelques gros commerçants. - Quelques industriels. - Les banquiers (propriétaires et directeurs). - Les “satellites” du pouvoir. Si on les compte, ils ne font pas au total (sans compter les étrangers) 30.000 Libanais. Voilà ce qu’a réalisé la plus sinistre des Républiques. Aux Libanais, en général, on promet pour les deux ou trois années qui viennent: “du labeur, des larmes et de la sueur”. Un peu moins que Churchill, qui lui, a offert en sus “du sang”. Mais à la différence de Churchill, le Liban n’est pas en guerre, alors que Churchill s’adressait à la Chambre des Communes le 13 mai 1940, au moment de l’attaque allemande en Belgique et en France. Toujours sur les traces de l’illustre Churchill, nos minus nous promettent “des privations”, mais nous demandent “la constance et la vaillance” pour qu’ils puissent, eux, réaliser leurs rêves mégalomanes, se construire des châteaux au Liban et peut-être bien ailleurs, qu’en savons-nous?

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«MAIS QUI PEUT VIVRE INFÂME EST INDIGNE DU JOUR»
Ils vivent et vivent bien. Quoique indignes du jour, «ce n’est pas l’ordre ou plutôt le désordre social qui sévit au Liban qui les empêchera soit de vivre, soit de dormir, soit de se remplir les poches. L’argent n’a pas d’odeur. Si bien que l’on voit des épouses (quand ce n’est pas avec leurs époux) de ce qu’on appelle au Liban «personnalités» bien qu’ils n’en aient aucune, en train d’assister à des inaugurations de boutiques, de magasins de chaussures, de joailleries, de tissus, de luminaires etc... etc.. Même quand ce n’est pas pour une noble cause! Même quand ce n’est pas pour aider les malades du SIDA ou du cancer à l’instar de Lady Di qui vend ses robes pour des œuvres caritatives. Ici, charité bien ordonnée commence par soi-même et finit comme elle a commencé!

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PLUS DE VOITURES USAGÉES RIEN QUE DES ROLLS ROYCE, DES CADILLACS...
Voilà, il fallait y penser. Par égard aux pauvres citoyens qui achètent des voitures usagées; puis, dépensent des «fortunes» pour leur mise en état ou leur maintien, le gouvernement libanais dans sa sollicitude suprême a décidé qu’il fallait surtaxer ces «choses» qu’on ne saurait voir, pour pousser le peuple libanais à acheter des voitures qui ne polluent pas l’atmosphère, ne déparent pas la vue, afin que les touristes (mais où sont-ils donc cachés?) ne jugent pas les Libanais comme des miteux. Dorénavant, hâtez-vous, pressez-vous d’acheter de belles limousines. Et si vous, pauvres lecteurs, ne pouvez le faire, tranquillisez-vous donc, nous avons les «lumières» au pouvoir qui ont déjà eux acheté leurs voitures bien avant le matraquage des taxes. Mais pourquoi donc parler de pain à ce peuple brimé? Qu’il aille donc manger des biscuits... Et voilà la haute politique économique et financière de nos pseudo-magiciens qui, en fait de tours de passe-passe, ne maîtrisent que celui d’Ali Baba et de ses joyeux compères.

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SCRUPULES À LA LIBANAISE??? DES CADEAUX ET DES HOMMES
Bill Clinton qui a reçu du comédien américain Bob Hope une statue de Baccarat représentant un golfeur, a fait appeler le cristallier français pour savoir si le prix de l’objet (295 $ US) ne dépassait pas le montant de ce qu’il a le droit d’accepter en cadeau. A savoir que tout cadeau excédant 300$ ne peut être considéré personnel. Il revient à l’Etat qui l’expose avec les cadeaux que le président et Mme Clinton, ainsi que leurs prédécesseurs à la Maison-Blanche ont reçus. Seuls les chocolats, friandises et fleurs sont exclus. Mais en général, la plus grande partie des friandises ou cadeaux périssables vont aux maisons de retraites, aux asiles, aux orphelinats, ou autres œuvres caritatives. Il en va de même, chez la majorité des chefs d’Etat du monde civilisé. Tout cadeau de grande valeur est considéré comme offert à la fonction de celui qui l’occupe et non à sa personne!


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