Saturnale


Par MARY YAZBECK AZOURY.

DANS L’EXHORTATION APOSTOLIQUE: “LES JEUNES? LA PLUS GRANDE RICHESSE DU LIBAN”
Ce qu’a dit le Saint-Père concernant les jeunes au Liban et qui semble déjà occulté par les autorités: “J’invite tous les Libanais à porter une attention spéciale aux jeunes, qui sont la plus grande richesse de leur pays et qui, pour cela, doivent recevoir une formation professionnelle et une éducation humaine, morale et spirituelle de qualité. “Il importe aussi qu’ils aient leur part dans les décisions qui engagent la nation, qu’ils se sentent accueillis et soutenus dans leur insertion professionnelle et sociale et qu’ils puissent bénéficier de formations leur permettant d’envisager sereinement leur avenir personnel et la construction d’une famille...” Qu’en est-il de la réalité? Aujourd’hui que les examens sont terminés, de nombreux jeunes cherchent à effectuer un stage dans une entreprise, une société, une banque, n’importe où! La plupart d’entre eux n’y arrivent pas. Même sans le moindre salaire. Quelques privilégiés, qui sont bien introduits et possèdent de puissants appuis sont arrivés à “se caser” gratuitement. (à savoir qu’on ne leur donne même pas les frais de déplacement). Les autres, on les envoie promener. Pourquoi les administrations officielles ne les accueilleraient-elles pas? La réponse officieuse: “Il y a assez de pagailles et de désordres dans les ministères pour ne pas ajouter à la confusion avec l’arrivée de nouvelles recrues temporaires...” C.Q.F.D.

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L’ÉGALITÉ DES FEMMES? AU LIBAN, UNE FUMISTERIE!
Sait-on qu’au Liban, une autre forme de discrimination vient d’apparaître, en même temps que la crise économique? Pour n’avoir pas à supporter des frais d’allocations familiales, de congé de maternité, ou d’absences plus fréquentes chez les femmes mariées que chez les hommes, de nombreuses firmes font signer, avant de les engager, aux demoiselles, des contre-lettres non datées où elles démissionnent et qui sont utilisées par les employeurs peu scrupuleux, lors de l’annonce d’un mariage. Aussi, est-ce souvent comme triste cadeau de noces, qu’une jeune fille sur le point de dire le “oui” qui l’engage pour la vie, se voit signifier “sa démission” volontaire. Il est évident qu’elle aurait dû refuser de donner cet atout à son employeur. Mais souvent les jeunes filles n’ont pas le choix, trop contentes d’avoir trouvé un travail, à l’heure où il est si difficile d’en trouver un.

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“QU’IL VIVE DE SON SALAIRE”
Une formule de malédiction très courante dans les pays de l’ex-URSS et encore employée aujourd’hui en Russie, consiste à dire “Qu’il vive de son salaire”. Quand les murs ont des oreilles, les rues ont des bouches et les anecdotes les plus osées courent les rues. On les attribuait et on continue à les attribuer à “Radio-Erevan” et à “Radio Bonne-Femme” (Radios fictives). L’humour se fait souvent grinçant. Une des anecdotes transposées au Liban est celle-ci: - “Pourquoi le Liban est-il le pays le plus riche du monde?” - “Parce que depuis plus de cinquante ans, tout le monde vole l’Etat et qu’il reste encore quelque chose à voler”. Si nous parlons de l’ex-URSS, c’est pour en venir à Lénine qui prétendait qu’il fallait récrire l’Histoire, pour arriver à la dictature du prolétariat. Au Liban, nous sommes en train de récrire l’Histoire pour en venir à la dictature d’une clique capitaliste. L’une est pire que l’autre. Récent épisode qui est symptomatique: le désir de changer le nom de la Cité Sportive: la débaptiser et la rebaptiser. Pourquoi? Pour récrire l’Histoire. Si l’on fait disparaître le nom de Camille Chamoun, un des présidents les plus aimés du Liban, qu’en sera-t-il demain dans le fameux livre d’Histoire qui doit voir le jour et être enseigné à tous les Libanais? Quelles vérités escamoterait-on? Quelles contre-vérités apprendra-t-on aux enfants? Il ne s’agit pas tant d’un nom, que d’une falsification. Que réserve l’avenir aux Libanais? Quelle nouvelle bévue? Quelle nouvelle gaffe? Quelle nouvelle diversion?

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ALCATRAZ OU LA FÊTE DE LA MUSIQUE?
Il ne suffit pas de construire des tours en béton ou d’inaugurer des autoroutes pour devenir civilisés. Cela a été prouvé lors de la soi-disant Fête de la Musique. Le Libanais qui singe le Français dans presque toutes ses actions, devrait l’imiter dans son appréciation de la liberté, l’égalité et la fraternité. Que se serait-il passé en France, si en pleine place de la Bastille ou sur les Champs-Elysées, on avait matraqué des étudiants qui célébraient un peu trop fort la Fête de la Musique? Or, la Place Sassine avait été investie comme s’il s’agissait d’Alcatraz (la fameuse prison de San Francisco qui “accueillait” les plus dangereux criminels et a été depuis fermée). Non contents de tout un déploiement de blindés, les agents ne se sont pas contentés d’interpeller ceux qu’ils s’imaginaient porter atteinte à l’ordre public en chahutant trop fort (mais alors ils n’ont jamais entendu parler de fête de la musique!); puis, se sont mis à les matraquer. Deux étudiants ont écopé: un d’entre eux a reçu un coup de matraque sur la tête qui l’a mené aux soins intensifs où il est toujours à l’heure où nous publions ces lignes, avec comme séquelles des crises d’épilepsie; le second a eu les côtes fracturées. Tout cela pour des chahuts d’étudiants. En quoi menaçaient-ils l’ordre public? Or, il faut insister sur ce point, que quels que soient les bêtises et même les crimes commis, un prévenu a droit à tous les égards par ceux censés le protéger. Forces de l’Ordre? Forces du désordre? Même s’il y a danger pour la patrie, bien que nous ne soyons pas sur la bande frontalière, ne connaît-on pas au Liban les gaz lacrymogènes, les lances d’eau pour arrosage et bien d’autres gadgets inoffensifs et quand même dissuasifs? Pour un oui pour un non, on maltraite très souvent les jeunes au Liban. Aux autorités de sévir... quand il le faut et où il le faut!


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