À LA FAVEUR D’UN ENTRETIEN TÉLÉPHONIQUE
DE PARIS
LE GÉNÉRAL MICHEL
AOUN
DÉNONCE “LES AGENTS VOLONTAIRES ET BÉNÉVOLES”
“SEPT ANS APRÈS TAËF, IL Y A UN RÉEL CONSTAT D’ÉCHEC”,
déclare l’ancien chef du gouvernement
Invité à témoigner devant la commission des Affaires
étrangères du Congrès américain qui instituait
un débat sur le Liban, le général Michel Aoun n’a
pu se rendre à Washington, pour n’avoir pu obtenir à temps
son visa d’entrée aux Etats-Unis. Nous l’avons contacté au
téléphone pour connaître les raisons exactes de ce
“départ manqué” et recueillir son avis sur l’intérêt
d’une telle initiative.
LE VISA A TARDÉ À ME PARVENIR
- Général, pourquoi n’avez-vous pas pu vous rendre
à Washington?
“J’en ai déjà expliqué les raisons. J’ai bien
reçu l’invitation, mais le visa ayant tardé à venir,
je n’ai pas pu y répondre”.
- N’y a-t-il pas d’autres raisons politiques?
Une démarche de la part des autorités françaises
pour empêcher votre départ? “Non, pas du tout! Ici, en France
les formalités sont faciles et s’achèvent vite. Je ne vois
pas pourquoi les autorités françaises chercheraient à
empêcher un tel départ.”
- L’interdiction a-t-elle pu venir du côté libanais?
“J’ai entendu et lu des commentaires à ce propos dans les médias
et je ne m’étonne pas que les responsables libanais aient essayé
de le faire. Mais de là à y parvenir, c’est une autre affaire
et je ne crois pas qu’ils en soient capables.”
VISITE REMISE
- Vous préparez, semble-t-il, un autre voyage plus global;
qu’en est-il au juste?
“J’ai simplement dit que cette visite n’était que remise et
aura lieu dans de meilleures conditions.”
- Dans un proche avenir?
“Vous en serez informé à temps”.
- Obtiendrez-vous le visa pour cette visite?
“Voulez-vous que je débarque aux U.S.A en parachute?”.
IL Y A DU SÉRIEUX DANS LEUR ATTITUDE
- Cette invitation qui vous a été adressée,
ainsi qu’au président Gemayel, était-elle de pure complaisance,
simplement pour écouter vos propos, ou peut-elle avoir des résultats
positifs?
“Du simple fait qu’ils m’invitent, personnellement, ainsi que le président
Gemayel, prouve qu’il y a du sérieux dans leur attitude. Sept ans
après Taëf, il leur est finalement apparu qu’il y avait un
réel constat d’échec. Ils souhaitent, dès lors, entendre
d’autres solutions et formules; écouter ceux qui, dès le
départ, étaient contre cet accord qui a fait perdre au Liban
son identité de pays libre et souverain pour le placer sous tutelle
et à la remorque d’un autre Etat. Alors que rien n’a pu être
réalisé, ni sur le plan interne, ni externe.”
- De tels témoignages peuvent-ils contribuer à changer
la politique américaine vis-à-vis du Liban?
“Nous travaillons pour aboutir à ce changement. Un témoignage
ne suffit pas; il faut suivre l’affaire et opérer de multiples démarches.
N’oubliez pas que le pouvoir de décision est entre les mains de
l’Exécutif américain qui, lui, devrait en priorité,
changer sa politique à l’égard du Liban. “Nous travaillons
pour refaire du Liban un Etat dans le plein sens du terme et le replacer
sur l’échiquier mondial dont il est absent à l’heure actuelle.
“Les propos du président Hraoui et le comportement du gouvernement
affirmant, sans cesse, que nous sommes des “mineurs”, ayant toujours besoin
de la Syrie, ont éliminé notre existence au sein de la communauté
internationale. Nous essayons de l’y ramener par notre action et en faisant
entendre notre voix.”
LE LIBAN EST DANS LE NÉANT
- Qu’en est-il du processus de paix, surtout en ce qui concerne
le Liban?
“Le processus concernant le Liban est toujours bloqué, car on
ne peut pas traiter avec le néant et le Liban est dans une situation
de néant en ce moment. Aussi, travaillons-nous pour qu’il soit présent
par lui-même et non par l’intermédiaire d’un autre, sans être
à la remorque de la Syrie ou d’un autre pays.”
- La tâche n’est pas aisée!
“Il faut s’y atteler et ne pas attendre que les choses évoluent
d’elles-mêmes. Il faut qu’il y ait une continuité de l’intérieur.
Le plus grand tort des Libanais a été leur participation
aux élections législatives. Ils ont agi comme le papillon
qui s’approche du feu, tout en sachant qu’il va se brûler les ailes.
Pourquoi accorder un mandat à des gens qui se sont vendus d’avance
et donner une fausse façade politique au pays? Pourquoi donner du
crédit à ceux qui viennent prendre ce droit de propriété?
Les médias ont leur part de responsabilité dans cette affaire”.
- Puisque vous parlez des législatives, quel est votre commentaire
sur les partielles du 29 juin?
“Je n’ai aucun commentaire à faire là-dessus, d’autant
qu’elles ne signifient absolument rien pour moi”.
- Quid des législatives françaises? L’arrivée
des socialistes au pouvoir changera-t-elle quelque chose par rapport à
la politique française au Liban et à votre statut?
“La politique française est absolument constante vis-à-vis
du Liban et ne change pas avec la couleur du parlement. En ce qui me concerne,
les rapports avec les responsables français sont bons et positifs;
si vous faites allusion à l’incident de l’an dernier, il est clos
et classé”.
OTAGE DE LA SYRIE DANS LE PROCESSUS DE PAIX
- La présence de Netanyahu a-t-elle des effets négatifs
sur l’évolution des négociations de paix par rapport au Liban?
“Le drame du Liban existait bien avant l’arrivée de Netanyahu.
Pourquoi vouloir toujours établir des rapports de cause à
effet et des liens pour justifier la mauvaise gestion de l’intérieur?
“Autrefois, on disait que la solution de la crise était liée
au départ de feu le président Frangié; puis, à
celui des présidents Sarkis et Gemayel et, enfin, du général
Aoun; qu’elle était liée à l’entente islamo-chrétienne,
etc... Maintenant, on dit que notre situation dépend de l’évolution
extérieure, du processus de paix, notamment de la Syrie et d’Israël.
“Pourquoi tous ces scénarios et feuilletons qui cherchent à
lier notre situation à un événement extérieur?
Pourquoi la communauté internationale accepte-t-elle cette hérésie
et se prête-t-elle à ce jeu? “Ce que nous reprochons à
la Syrie, c’est d’avoir fait du Liban son otage dans le processus de paix,
alors que les Libanais se sont engagés contre leur gré dans
ce jeu qui mène au pourrissement. Jour après jour, le Liban
va de mal en pis, tant que les Libanais continuent d’espérer sans
agir. Je dis ceci en toute objectivité et non par pessimisme.”
POUR L’HEURE, LE REFUS DEMEURE LA SEULE SOLUTION
- Le 6 juillet vont avoir lieu les élections au sein de
la Ligue maronite. Vous y sentez-vous concerné? Dans l’affirmative,
quelles seraient vos directives?
“Je ne me sens pas vraiment concerné par ces élections,
tout en souhaitant qu’il y ait des gens valables à la tête
de la ligue. “Je n’ai pas donné de directives, mais mes partisans
connaissent mon point de vue sur la question et s’ils ne sont pas assez
mûrs pour faire le bon choix, c’est bien dommage. Quoi qu’il en soit,
je reste neutre.”
- Quel est votre dernier message aux Libanais? “Ceux-là
ont tort qui pensent que la situation au Liban finira par s’arranger d’elle-même.
Seule la confrontation peut donner un résultat. Nous ne leur demandons
pas de porter le fusil et de dépenser de l’argent. Nous leur avions
demandé de boycotter les législatives; ils ont participé
au vote, disant qu’il serait possible de changer de l’intérieur.
On a vu le résultat. Pour l’heure, le refus demeure la seule solution.
Sinon la situation sera pire de jour en jour. L’effronterie manifestée
par les gens du pouvoir, devrait être suffisante pour pousser les
Libanais au boycottage. “Par ailleurs, je ne peux pas croire qu’ils font
pression sur tout le monde. Mais il y a une catégorie de gens qui
se veulent des agents bénévoles et volontaires, soit par
intérêt, soit par couardise.” - Votre retour au Liban est-il
proche? “Il y a de nombreuses questions à régler auparavant.
Vous le saurez quand la décision sera prise.”
(Propos recueillis au téléphone, avec
“La Haute-Maison” )
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