EST-IL IMPOSSIBLE DE PROTÉGER LA TERRE?

CONSTAT D’ÉCHEC DU SOMMET DE LA TERRE DE NEW YORK



Bill Clinton reçu à l’ONU par Kofi Annan.

Le secrétaire général de l’ONU avec
le président de la conférence,
Razali Ismaïl.


C’est loin de l’euphorie qui a accompagné le sommet de la terre à Rio en juin 1992 auquel avaient assisté cent-soixante-douze gouverne-ments, cent-huit chefs d’Etat, des milliers d’organisations non gouvernementales que s’est tenu, du 23 au 27 juin, le deuxième sommet de la terre à New York. Seulement soixante chefs d’Etat et de gouvernement, certains venus en droite ligne du sommet des Huit de Denver, ont suivi les travaux de la session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU consacrés essentiellement à l’Agenda 21 adopté à Rio et comprenant deux mille cinq cents recommandations pour la protection de la terre. Passer du discours à la réalité, appliquer les conventions, débloquer les fonds, bouleverser les industries, cela requiert de nouvelles stratégies et une volonté politique qui ont fait cruellement défaut au cours des cinq ans écoulés. Et le deuxième sommet de la terre dénommé Rio +5 était, dès le départ, condamné à être un Rio -5.

“DES DOMMAGES IRRÉVERSIBLES POUR NOTRE PLANÈTE”
Lors de la séance inaugurale, le secrétaire général de l’ONU a donné le ton: “Ne pas agir maintenant pourrait entraîner des dommages irréversibles pour notre planète”, car l’ensemble des conditions climatiques s’est considérablement dégradé. Un cinquième de la population du globe habitant les îles risque de disparaître sous l’action du CO2. L’effet de serre dû aux émissions de gaz carbonique s’est intensifié. Ajouté à la déforestation, il menace la planète d’une catastrophe écologique. L’Europe qui semble plus sensibilisée aux problèmes écologiques, s’est déjà engagée à réduire de 15% avant 2010 les émissions de dioxyde de carbone et a tenté en vain d’obtenir un engagement ferme des Américains à ce sujet qui fera l’objet d’une conférence en décembre à Kyoto. Lorsqu’il a pris la parole, le jeudi 26 juin devant le brillant aréopage de dirigeants de la planète, le président Bill Clinton n’a pas voulu s’engager sur les sables mouvants de l’effet de serre, étant entendu que les Etats-Unis sont les premiers pollueurs du monde et que représentant seulement 4% de la population du globe, ils émettent 25% de CO2. Ils ont toutefois signé la convention sur les change-ments climatiques. S’ils tergiversent, c’est qu’ils hésitent à remettre en question leur industrie pétrolière et automobile, celle-ci devant être recyclée en l’an 2050. En guise de compensation aux pays en développement, Bill Clinton a promis un milliard de dollars pour leur permettre de réduire leurs émissions de CO2.

UNE URGENCE: LA PROTECTION DES FORÊTS
Même politique d’atermoiement quant à la protection des forêts. Selon un rapport de la FAO, les forêts qui représentent 26% de la surface des terres émergées et y fournissent la principale source d’oxygène perdent, chaque année, 11,3 millions d’hectares. Depuis 6000 ans, trois milliards d’hectares ont déjà disparu et si la déforestation recule, elle constitue une menace pour la santé de la terre. Pour se protéger, les pays développés ont déjà adopté une stratégie de reboisement qui leur a permis de gagner 8,8 millions d’hectares, en dépit des exigences de l’industrie, celles-ci se faisant de plus en plus pressantes, notamment en Amérique du sud et en Asie. Un accord avait été dégagé au sommet de la terre de Rio pour protéger les forêts et la biodiversité. Mais il n’a pu se concrétiser à New York où les décisions cruciales ont été reportées à des échéances ultérieures. Au cours de son discours de sept minutes qui a succédé à ceux de Helmut Kohl plaidant pour une convention sur la déforestation et de Tony Blair pour la réduction à 20% des émissions de CO2, le président Chirac a indiqué, se basant sur un rapport de l’organisation mondiale de la Santé, que “chaque année vingt-cinq millions d’êtres humains, dont quatre millions d’enfants meurent de maladies liées à l’eau polluée. Il faut agir vite”, a-t-il souligné afin que “dans dix ans, chaque village du tiers monde et notamment d’Afrique soit doté d’un puits ou d’un accès à l’eau potable”, proposant une conférence internationale qui se tiendrait en France au début de 1998. La déclaration finale semble avoir tenu compte des propositions françaises, en établissant un programme de protection des ressources en eau douce sans toutefois débloquer les fonds appro-priés. C’est avec un certain scepticisme que les pays en développement, notamment du Sud ont écouté les différents orateurs. Les pays riches ne tiennent pas leurs promesses. Ils devaient consacrer 0,7% de leur PIB au développement; ils n’en ont déboursé que 0,25%. “Le fossé est grand entre ce qui a été promis à Rio et ce qui a été fait depuis. Il y a là un message qui souligne à quel point il est difficile de reprendre tous ces thèmes dans un tel contexte lorsqu’après cinq ans aussi peu de progrès ont été réalisés. Il va falloir repartir à zéro et élaborer de nouvelles stratégies pour protéger la terre”, a déclaré non sans une pointe d’amertume le président malais de la conférence, Razali Ismaïl.


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