Chronique


Par José M. LABAKI.

LA FÊTE INTACTE

La France nous donne rendez-vous tous les 14 juillet. A ce calendrier de la mémoire, peu de gens sont encore exacts. Le monde ne prend pas souvent l’Histoire au sérieux. Au moins devrait-il fêter ce qu’il y a de plus noble, de plus sacré en lui: sa liberté. Mais que faire, les hommes n’aiment pas les idées précises; ils sacralisent l’aléatoire et oublient ou feignent d’oublier l’essentiel, la mystérieuse puissance de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qui les hantent au quotidien. Français ou citoyens du monde, cette trinité demeure la nôtre, et le 14 juillet est sa fête. A M. Daniel Jouanneau et à travers lui, au gouvernement et au peuple français amis, nos sincères félicitations, nos vœux les plus fervents, ceux de voir la France rayonnante et prospère, toujours à l’avant-garde, bastion de la liberté, de la justice et de la paix. La France dans ce qu’elle a de plus beau: sa langue, ses vertus, son histoire et ses héros. Certes, il y a des lieux qu’on n’imagine pas sans liberté et sans justice. La France est un de ces lieux privilégiés qui, au bout de deux millénaires d’histoire, d’héroïsme et de sacrifices, au bout de deux mille ans de carrière royale et de deux siècles de vie républicaine, aura marqué de son empreinte les civilisations qui ont passé notre planète. Quand on possède un si fabuleux patrimoine comment peut-on facilement s’abandonner au destin, sans lui opposer une volonté de grandeur et d’admiration? La France avec qui nous avons forgé des liens séculaires, nous est toujours omniprésente. Nous la tenons comme ces images d’histoire sur lesquels, enfants, nous rêvions des soirées entières. Si cette France n’avait pas existé, le seul fait qu’elle est au monde, signifie que l’histoire racontée par Guizot continue à vivre dans nos mémoires. Il était donc écrit que cette grande nation se doit d’exister. Ceux qui croyaient nous persuader que la nation française n’est plus, désormais, qu’un comparse dans le conflit des nations, se trompent. Au moment où se renouvelle la face de l’Europe et, avec elle, le nouvel ordre mondial, la France est toujours à l’avant-garde. La journée du 14 juillet n’est-elle pas le fondement des Droits de l’Homme érigé depuis, comme un dogme à perpétuité? La liberté n’est-elle pas devenue à travers les âges, l’identité française et le sens profond de l’épanouissement de l’Homme? L’autorité de Louis XIV n’a pas, pour autant empêché les colères des orateurs sacrés, ni la représentation de Tartuffe. Sous la monarchie, l’usage du droit de remontrance s’est établi depuis Louis XI et les Français, avant 1789, n’étaient pas en servitude, quoi qu’on dise!

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Il se trouve, actuellement, que la liberté telle que les plus émérites des démocrates veulent la définir, ne suffit pas aux réformateurs déchaînés de par le monde; méprisée, ridiculisée par les régimes autocrates qui ne permettent même pas à l’individu d’éternuer, sans la permission de l’Etat policier. Encore faut-il réfléchir, disait le général De Gaulle, à ce que la liberté au sens classique du terme, pour comprendre ce qu’elle vaut et ce qu’elle mérite d’entreprises et de sacrifices pour sa sauvegarde! C’est au pluriel surtout qu’il faudrait la conjuguer pour la rendre plus évidente et accessible à chacun et à tous. C’est ce que la civilisation accorde et ce que la formation morale, l’éducation, la culture revendiquent: liberté individuelle, liberté de conscience, liberté civile, liberté politique, celles-là et quelques autres vertus républicaines devenues aussi nécessaires que l’air qu’on respire. Nul ne peut plus refuser cela, sans faire violence aux droits de l’Homme dont la France est le berceau. Nous ne saurions raconter dans un bref article, limités que nous sommes par l’espace, qui nous est réservé, toute l’histoire de France et ce qu’elle a accompli à travers les siècles. Français et Libanais, entendons mettre au premier plan, les rapports humains, le contact des civilisations, les échanges culturels, nos intérêts économiques et politiques n’étant pas étrangers à cette politique commune, toujours sous le signe de l’évidence et de la raison et surtout et aussi de l’amitié. Les affinités existant entre nos deux peuples, pour tout ce qui a trait aux choses de l’esprit, compte tenu du fait qu’elles portent dans leurs profondeurs sympathie et considération réciproques, doivent inéluctablement les conduire à une croissante coopération à tous les niveaux, en tout cas, profondément sentie et sincèrement souhaitée des Libanais de tous bords. C’est dans cette optique et dans cette direction que la France et le Liban devraient œuvrer. Comment imaginer un monde sans la civilisation française, sans la Francophonie qui se fait entendre au quotidien dans le concert, sinon dans la cacophonie mondiale? Sans, toutefois, vouloir ergoter sur des dates, il est fort certain que l’identité même de la Francophonie, partie capitale de l’identité de la France, est faite à la fois de durée et de diversité d’une sorte de permanence non pas figée, mais dans le mouvement même de l’Histoire. Jamais peut-être la France, grâce à un monde francophone qui a vraiment mûri et au sein duquel le français progresse, ne retrouvera dans l’Histoire, la chance qui s’offre aujourd’hui à elle de diffuser, à l’échelle mondiale, la générosité, les valeurs, le génie technologique qui sont les apanages de sa civilisation. Notre ambition est que la France soit présente aux rendez-vous que l’Histoire lui a fixés: participer pleinement à la construction d’une Europe forte et prospère, contribuer à l’établissement d’un monde plus pacifique et plus généreux et, surtout et d’abord, aider à la libération des peuples opprimés, de toutes les injustices commises à leur encontre. Reconnaîtrait-on une vocation plus exaltante à la France?


«On nous dira, qu’y a-t-il entre la France et le Liban? Il y a la France, la même France, la France éternelle. Il y a aussi pour garder vivante l’amitié, le Liban de tous les temps».

CHARLES HÉLOU
(Mémoires Tome 1)


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