L’EAU QUE NOUS BUVONS...
II - DU BARRAGE À LA MER, EN PASSANT PAR LA STATION DE DAYCHOUNYÉ


Vue partielle de l’aqueduc en ruines de Zobeidé.

2-


Prélèvement d’eau sale, huileuse
et mousseuse de la partie sud du barrage.


Partie terminale du fleuve de Beyrouth:
une rivière d’eau noire d’égouts sur
laquelle flottent des tas d’excréments malodorants.


Vue en aval du barrage vétuste qui
laisse couler l’eau comme une passoire.

Depuis le caniveau des abondantes eaux putrides de Jamhour se déversant dans les eaux tourbillonnantes devenues troubles, noirâtres et couvertes d’une couche huileuse ou d’une épaisse mousse brune malodorante, nous avons prélevé un échantillon à la prise d’eau entraînée par la conduite métallique vers la station de traitement d’eau potable de Daychounyé. Nous sommes passés sous les arcades en ruines de l’aqueduc de Zobeidé qui, deux mille ans auparavant, supportait un canal, situé à une hauteur de 20 mètres et couvert de plaques de grés, qui entraînait vers les réservoirs de Béryte les eaux propres des sources de Daychounyé. Nos aïeux de cette époque et les Romains avaient déjà une technologie largement supérieure à la nôtre au niveau hydraulique et du génie civil.

EAU D’ÉGOUT PLUS OU MOINS DILUÉE
L’échantillon d’eau prélevé, révèle une contamination microbienne et une pollution inacceptables pour une eau brute, destinée à être potabilisée. Nous nous trouvons en présence d’une véritable eau d’égout plus ou moins diluée. Elle sera traitée, abusivement, en une eau soi-disant potable qui sera bue et utilisée par des centaines de milliers de citoyens. Il est possible que ces coliformes suspects largement en excès (même les fécaux) soient neutralisés, plus ou moins, par des quantités très supérieures de chlore qui, non seulement sont très irritantes et corrosives pour les muqueuses, mais risquent surtout de se combiner avec des polluants organiques issus des égouts, pour donner naissance à de redoutables organochlorés cent fois plus dangereux et, de plus, mutagènes et cancérigènes. Les nitrates à ces doses quatre fois supérieures à la limite permissible internationale, peuvent créer dans l’estomac des nitrosamines à action cancérigène sur le tube digestif et les tissus rénaux. Les nitrites et les alkyl-aryl sulfonates des lessives ne doivent pas exister, même à des doses infimes, car par accumulation ils peuvent causer des syndromes très pernicieux.

CONSTATATIONS, RECOMMANDATIONS ET SOLUTIONS
Nous n’allons pas citer les milliers de cas de maladies intestinales: salmonelloses, paratyphoïdes, diarrhées, dysenteries diverses, hépatites; de méningites, d’angines à streptocoques... transmissibles par des eaux contaminées et polluées. Tous les renseignements dont nous disposons, seront transmis à la “Commission de l’Environnement et de la Santé publique” de l’Ordre des médecins du Liban. A lui de décider de l’urgence des mesures à prendre, en y ajoutant les statistiques établies par les hôpitaux et même par les médecins eux-mêmes, ceux-ci devant déclarer certaines maladies et leurs causes. Pour le cas particulier de la contamination et de la pollution du réseau hydraulique du fleuve de Beyrouth, nous pouvons en nous aidant des recommandations du colloque du Bristol, “Eau et assainissement” décrivant la haute technologie française en la matière, demander son aide non plus dans une salle de conférence, mais sur le terrain, en y appliquant les solutions urgentes.


Remplissage du flacon stérilisé pour
des analyses hydriques.


.Vue de la grosse conduite métallique
transportant l’eau brute vers la station
de traitement de l’eau potable.


La station de traitement en eau
potable de Daychounyé.

SOLUTIONS URGENTES
1) Neutraliser l’énorme dépotoir toxique et instable du Monteverde dominant, dangereusement, la belle vallée sous-jacente du fleuve de Beyrouth.
2) Décréter des règlements draconiens pour protéger cette réserve naturelle et précieuse aquifère en même temps.
3) Procéder à l’acheminement des eaux pures des sources de Daychounyé vers la station voisine de traitement en eau potable, sans nuire à l’équilibre écologique de la vallée, en éliminant les séquelles d’un essai maladroit et désastreux en ce sens.
4) Supprimer tout déversement abusif des eaux résiduaires dans le fleuve de Beyrouth, en particulier les abondantes eaux d’égout émanant de Jamhour et de ses environs.
5) Procéder, périodiquement, à des analyses microbiologiques et chimiques de l’eau tout le long du fleuve de Beyrouth jusqu’à la station d’eau potable de Daychounyé.

STATION D’ALERTE
Si le budget s’y prête, il serait utile d’instaurer un système d’analyse en continu de la qualité des eaux ou, mieux, une “station d’alerte” qui cumule toutes ces informations, surtout celles relatives à une pollution accidentelle avec action de blocage. Pour le contrôle à tout moment des sources, des eaux brutes utilisées et des eaux distribuées (Société Hydro-Environnement au colloque du Bristol).
6) Réhabiliter et même restructurer la station de traitement d’eau potable de Daychounyé, après avoir éliminé définitivement tous les facteurs polluants de son eau brute, que nous avons détectée bénévolement. Remplacer le système de désinfection par le chlore, désuet et dangereux, par l’ozonisation plus efficace, en éliminant aussi certains micro-polluants, sans goût désagréable et, surtout, dépourvu de sous-produits organochlorés mutagènes et cancérigènes.
7) Commencer à traiter, en priorité, les eaux résiduaires polluant, anarchiquement, le fleuve de Beyrouth, par des unités d’épuration d’eaux vannes à débit moyen avec, par exemple, le système Biofiltre d’OTV, dont les effluents traités contrôlés peuvent être réutilisés dans l’irrigation ou rejetés à la mer et non traités dans une station d’eau potable...

CONCLUSION ET PLAN D’AVENIR
Si ces idées que nous présentons en toute modestie sont appliquées même en partie avant l’an 2000, on aura pratiquement assaini la vallée antérieure et moyenne du fleuve de Beyrouth, avec une amélioration quantitative et qualitative de l’eau brute livrée à la station de traitement en eau potable. Et celle-ci doit améliorer son réseau désuet de distribution, souvent intimement mêlé à des eaux d’égout et, surtout, sujet à des fuites importantes du précieux capital eau. Si les services concernés de l’Etat arrivent à installer à temps les stations indispensables d’épuration des eaux vannes les moins onéreuses du type “boues activées”, on aura en fin de parcours assaini, aussi, le lit terminal du fleuve de Beyrouth. Car celui-ci joue, actuellement, le rôle d’un gigantesque collecteur d’égout à ciel ouvert et en pleine ville, charriant des dizaines de milliers de mètres cubes d’eaux résiduelles sur lesquels flottent des tas énormes d’excréments malodorants. Evidemment, l’application de tous ces projets très urgents, demandent une aide technologique et financière immense que les amis du Liban et, en particulier, la France, pourraient offrir avec, en contrepartie, des conditions et des garanties précises. D’autant que l’enjeu est gigantesque avec les autres ressources aquifères traitées au Liban. Comme la réhabilitation de l’exploitation des eaux de la source de Geita et de Nahr el-Kalb (barrage de Mokhada), dont les premiers travaux en ce sens ont débuté en 1870 avec le très méritant ingénieur français, Thevenin. En tout cas, on peut dire sincèrement que, d’ici à l’orée de l’an 2000, si une restructuration et une gestion sérieuse des eaux potables et résiduaires ne sont pas appliquées au Liban, nous nous dirigerons vers une catastrophe dont nul ne peut prévoir les conséquences au plan national et de la santé publique.

PIERRE MALYCHEF et WILSON RIZK


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