L’imam Mohamed Mahdi Chamseddine recevant nos confrères, Elias Aoun (à droite) et Hussein Kotaiche.


Nos confrères Elias Aoun et Hussein Koteiche ont interviewé l’imam Mohamed Mahdi Chamseddine, président du Conseil supérieur chiite, en l’interrogeant sur tous les problèmes de l’heure et ce qui se passe au Liban, en Iran, en Algérie, en Turquie et jusqu’à la planète Mars. De la “révolte des affamés”, il dit qu’on ne peut la comparer au “mouvement des déshérités” de l’imam Moussa Sadr “qui, assure-t-il, restera vivant, légalement, jusqu’à preuve du contraire”. Aussi, demande-t-il que son nom soit donné à une rue ou à une grande institution. Il approuve la transformation du Liban en circonscription unique, à condition que soit maintenue la représentation communautaire et confessionnelle. De plus, il n’est pas acquis à l’idée d’abolir, actuellement, le confessionnalisme politique, bien qu’une clause y relative ait été insérée dans l’accord de Taëf. Quant à Jezzine, l’imam Chamseddine observe qu’elle ne constitue pas une “zone neutre” par rapport à la résistance et à Israël. Par ailleurs, il se prononce contre le projet prévoyant l’institution du mariage civil préconisé par le président de la République. Après avoir répondu à des questions concernant l’élection du nouveau président iranien, M. Khatimi; invité la Turquie à réintégrer le monde arabe et islamique; dénoncé les massacres d’Algérie et exprimé son admiration pour l’exploit scientifique que constitue l’exploration de la planète Mars par les Américains, le dignitaire chiite se félicite de “la relation historique permanente et cordiale avec Bkerké et S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir”.


DIALOGUE OUVERT AVEC LE PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR CHIITE

L’IMAM MOHAMED MAHDI CHAMSEDDINE
“ON NE PEUT COMPARER LE “MOUVEMENT DES DÉSHÉRITÉS” À LA “RÉVOLTE DES AFFAMÉS”

DIVERGENCE ENTRE LES GENS DU POUVOIR
Invité à définir sa position envers la situation qui prévaut sur la scène locale au double plan socio-politique et à émettre son avis à propos des divergences entre les gens du pouvoir, notre éminent interlocuteur répond: “Je ne crois pas qu’il soit possible de répondre d’une manière absolue à cette question soumise au principe de la relativité.
“D’aucuns sont satisfaits de ce qui a été accompli et d’autres ne le sont pas. En fait, les causes de l’inquiétude et les sujets de plainte existent, alors que la politique des dépenses a besoin d’être reconsidérée et réorientée. “Voilà le principal point prêtant à la critique dans la vie nationale. D’autres domaines suscitent des opinions contradictoires, notamment celui concernant la pratique de la liberté et non le principe de liberté. Je ne partage pas l’avis de ceux qui soutiennent que les libertés sont menacées au Liban. “La dose de liberté pourrait paraître, dans certains cas, plus grande que ce qu’exige la nature de la démocratie, ce qui provoquerait l’anarchie. L’Etat pourrait, également, entreprendre sur le terrain des activités allant à l’encontre des libertés. “Je crois que nous traversons une étape où nous ne pouvons évaluer les faits sur base du blanc et du noir. Puis, l’opposition qui se traduit par un refus de tout, ne convient pas à notre étape politique actuelle; de même que le loyalisme total et le fanatisme aveugle.

RELATION CONSENSUELLE OU CONFLICTUELLE?
“Quant aux divergences entre les gens du pouvoir, on doit les analyser d’après des critères déterminés. Il ne s’agit pas entre ces derniers d’une relation consensuelle ou conflictuelle, l’une et l’autre étant préjudiciable au pays. Je comprends que des amis s’entendent ou se brouillent, de même que les membres dirigeants d’une corporation. “Il existe un principe de partage des pouvoirs et de leur séparation. Partant de là, chaque pouvoir assume ses responsabilités sur la base d’une coordination entre les gouvernants. C’est pourquoi, nous soutenons le projet de l’Etat, de la stabilité politique, du pouvoir et du gouvernement. Il ne faut pas envisager les faits, par rapport à l’accord des responsables ou leur désaccord, sous l’angle personnel, sectaire ou confessionnel”.
- Que pensez-vous du projet dont est saisie la Chambre des députés, prévoyant le maintien à leurs postes de fonctionnaires ayant atteint la limite d’âge?
“Je suis contre un tel projet, qu’il s’agisse des magistrats ou des fonctionnaires inscrits au cadre administratif, car notre société ne manque pas, Dieu merci, d’éléments compétents et valables, aptes à pourvoir aux postes vacants. “Dans les régimes démocratiques, il est de notoriété publique que le renouvellement des générations et le principe de l’alternance sont de mise; ils doivent s’opérer d’une manière spontanée. Le maintien des commis de l’Etat, ne serait-ce que pendant un temps limité, neutralise bien des compétences, alors qu’il importe d’apporter du sang nouveau aux rouages étatiques”.

ENTRE LES “AFFAMÉS” ET LES “DÉSHÉRITÉS”
- Depuis peu, une “révolte des affamés” a été déclenchée dans la Békaa et vingt années plus tôt, l’imam Moussa Sadr avait lancé le “mouvement des déshérités” au même endroit: y aurait-il quelque lien entre les deux phénomènes?
“Ce Conseil, comme vous le savez, a été le promoteur d’une telle conception dans la politique libanaise. La conception de la frustration émane parfois, d’une vision réaliste de la société, loin de toute impulsivité et de tout sectarisme et parfois d’un courant de gauche. Quant au slogan partisan, nous en sommes éloignés. “Cependant, on ne peut trouver un lien entre la “révolte des affamés” et le “mouvement des déshérités, bien qu’ils aient émergé dans le même endroit et visent les mêmes objectifs. “Quelle que soit notre position envers ce qui s’est passé dernièrement à Baalbeck, on ne peut pas admettre que cette “révolte” ait une similitude avec le “mouvement des déshérités” déclenché par l’imam Sadr pour maintes considérations. Tout d’abord, le concept politique général diffère et ce mouvement n’était pas dirigé contre l’Etat; il s’inscrivait au cœur de l’action visant à soutenir le projet de l’Etat. “Puis, ce qu’on insinuait, à l’époque, quant à l’idée d’investir les palais (des nantis) avait un sens symbolique. “Enfin, le “mouvement des déshérités” était un courant de société n’émanant pas d’une communauté déterminée ou d’une fraction de cette communauté. Il a été édifié, comme on le sait, sur des données concrétisées par soixante dix-sept personnalités représentatives des différents niveaux de la société libanaise et de ses cadres dans toutes leurs orientations et leurs affiliations culturelles et idéologiques. Il ne peut donc pas y avoir de similitude ou de rapprochement entre les deux mouvements”.

TOUS LES RÉGIMES SONT RESPONSABLES
“Quant à soutenir que rien n’avait été réalisé à Baalbeck-Hermel depuis 1955, nous dirons que nous ne connaissons pas de réalisations équivalant à la frustration des quarante dernières années. Cette observation constitue une condamnation de tous les régimes, les gouvernements et les législatures. “Le pouvoir, le gouvernement et les Assemblées nationales sous tous les régimes sont condamnables pour cette négligence qui ne se limite pas, en réalité, à la région de Baalbeck-Hermel, mais s’étend à d’autres régions, le Akkar notamment, où la misère sévit sur une large échelle. “La situation au Liban-Sud est meilleure; je suis satisfait du degré du développement qui s’y produit. Cependant, le Sud souffre d’une hémorragie causée par l’occupation israélienne. “La situation dans la Békaa est inadmissible. J’ai critiqué, dernièrement, le régime actuel, gouvernement, législature et pouvoir, tout en reconnaissant que l’état si déplorable des populations dans ce district est la conséquence de négligences remontant à des dizaines d’années.

ON NE PEUT ÉVINCER L’ÉTAT
“Les pressions sur l’Etat sont nécessaires pour l’amener à agir, mais l’action ne peut se manifester en dehors de l’Etat et de ses institutions, qu’on ne peut ni ne doit éliminer. Nous ne pouvons obtenir des résultats satisfaisants en invitant les citoyens à s’abstenir à payer leur dû à l’Etat, mais en plaçant ce dernier devant ses responsabilités, suite à des pressions réelles à exercer sur les gouvernants. “Si l’Assemblée, elle aussi, exerçait des pressions sur le gouvernement pour l’amener à élaborer des programmes de relèvement socio-économique, en menaçant de lui retirer sa confiance, le gouvernement changerait de politique. “Les crédits dernièrement affectés à la Békaa et au Akkar (150 milliards de livres) pour réaliser des projets d’équipement et de développement sont une bonne chose. Cependant, nous voudrions connaître la manière dont ils seront dépensés. Un ordre de priorités doit être établi, sur base duquel ces fonds seront répartis entre les régions les plus défavorisées”.

NON AU MARIAGE CIVIL
- Le président de la République a préconisé l’institution du mariage civil au Liban à propos duquel vous avez émis un avis défavorable avec le mufti Mohamed Kabbani, pourquoi?
«Je ne cesse de m’y opposer et je m’interroge sur ce qui a bien pu inciter le respectable ami, le président Hraoui, à prendre à sa charge une telle initiative en rapport avec les institutions de la société civile. “Nous avons échangé les vues, également, avec Mgr Khodr et d’autres personnalités religieuses, en attirant leur attention sur le fait que cette question concerne la spécificité de la vie du citoyen, ayant un lien avec la contexture interne de la famille. D’autre part, elle est en rapport avec les données de la foi religieuse, sur base de laquelle la société est édifiée. Je ne crois pas que l’Autorité politique a le droit de s’immiscer dans ce domaine, en prenant des décisions excédant le cadre de la foi religieuse. “J’ai consigné mon point de vue et exposé mes arguments sur ce point dans un ouvrage traitant de la laïcité. J’ai abouti à la conclusion que de telles données ne favorisent pas la recherche des solutions. En instituant le mariage civil, nous créerons une nouvelle communauté non reconnue, légalement; celle des non-croyants que certains ont appelée la “communauté de l’Etat”. “Quant à l’amoncellement des procès auprès des tribunaux, c’est un problème qu’on peut trancher en réformant la magistrature et non en modifiant les lois régissant les statuts personnels”.

JEZZINE N’EST PAS NEUTRE...
- Jezzine s’expose, ces temps-ci, à des attaques de la part tant d’Israël que de la résistance et le président de la Chambre a proposé la réouverture de la voie de passage de Kfarfalous qui ne peut être rouverte, unilatéralement: quel est votre avis à propos de l’encouragement, par certains, des habitants de Jezzine à continuer à résister et pourront-ils le faire indéfiniment?
“Les personnes concernées connaissent bien mon avis à ce sujet. Je considère tout le Liban-Sud et la Békaa ouest comme un espace vital pour la résistance. Je profite de l’occasion pour redire, une fois de plus, ce que je ne cesse de répéter: Je ne veux pas d’une résistance d’une même couleur, du point de vue de la religion, de la communauté ou de la région. Je veux que chrétiens et musulmans s’enrôlent ensemble dans la résistance et que les forces politiques laïques et religieuses la rallient. “Nous œuvrons dans ce but et, partant de là, j’invite tout le monde à soutenir la résistance par l’affection, l’argent et l’engagement politique. Je crois que tout le Liban agit dans ce sens aux différents niveaux de la société politique et civile, ce dont nous pouvons être fiers et ce pourquoi nous rendons grâces à Dieu. “Ce n’est pas parce que Jezzine est chrétienne ou Nabatieh musulmane que nous devons les neutraliser. En ce qui concerne Jezzine, nous devons agir de manière à empêcher Israël de nous y tendre des pièges, pour donner l’illusion à certaines fractions que la résistance ne se préoccupe nullement de la stabilité et de la sécurité de ses habitants. “Jezzine n’est pas une zone neutre par rapport à l’occupation israélienne; elle en est la victime. Elle n’est pas non plus neutre par rapport à la résistance, car cette localité milite et résiste au même titre que Bint-Jbeil, Khiyam et d’autres agglomérations proches de la zone frontalière. “Mais Jezzine n’est pas supposée constituer l’une des priorités par rapport aux opérations de la résistance, parce qu’elle se distingue par une spécificité déterminée qu’il faut respecter. “J’ai maintes fois réfuté l’allégation de ceux qui soutiennent que la résistance est une action militaire: le résistant est béni; cependant, la résistance de l’Etat et du citoyen se traduit par la prise de position politique qui mobilise toutes les forces vives de la nation, en vue de combattre l’occupant. Faute de quoi, on ne peut créer un état de résistance sur le terrain. Nous soutenons donc la résistance armée sur le terrain, autant que l’état de résistance à l’échelle nationale, tout en renforçant le moral des citoyens dans toutes les régions.”

OUI À LA TRANSFORMATION DU LIBAN EN UNE CIRCONSCRIPTION UNIQUE
- Après le chef de l’Etat, le chef du gouvernement propose la transformation du Liban en circonscription unique; approuvez-vous une telle tendance?
“Il ne s’agit pas d’une proposition récente. Tout le monde sait que le Conseil supérieur chiite l’avait préconisée du temps de l’imam Moussa Sadr. Elle vise à sortir du cadre confessionnel et sectaire dans lequel on veut maintenir notre vie politique, par le découpage des circonscriptions électorales sur une base démographique, tenant compte de la prédominance d’une communauté dans des régions déterminées. “La transformation du Liban en circonscription unique a pour avantage de favoriser l’intégration nationale, en ce sens que le chrétien et le musulman sentiront qu’ils ont besoin l’un de l’autre; que l’un ne peut édifier seul le pays sans y associer l’autre. Cette formule aura pour conséquence d’amener au parlement des éléments connus pour leur modération et leur esprit d’ouverture. On se rappelle qu’entre le mohafazat et le caza, nous avons opté pour la circonscription électorale la plus large, en 1992. “Cependant, il faut adopter, en même temps, le principe de la représentation proportionnelle et les partis non-confessionnels. La proportion de la représentation communautaire resterait la même, du point de vue de sa répartition entre les musulmans et les chrétiens. “Je ne suis pas pour l’abolition du confessionnalisme politique, ainsi que le stipule l’accord de Taëf, car j’estime que le moment n’y est pas propice. S’ils avaient fait montre de plus de longueur de vue, les députés réunis à Taëf n’auraient pas accepté d’inclure dans l’accord une clause prévoyant l’abolition du confessionnalisme politique, dont l’application dans un timing inadéquat ne sert nullement notre société ni sa stabilité.”

L’IMAM SADR RESTE VIVANT JUSQU’À PREUVE DU CONTRAIRE
- Qu’en est-il de la disparition de l’imam Moussa Sadr? Croyez-vous qu’il soit encore en vie et jusqu’à quand cette affaire restera-t-elle en suspens? Quelle est la situation juridique de l’imam Sadr et de ses deux compagnons de voyage et qu’auriez-vous à répondre au président Kazzafi qui a suggéré la formation d’une commission d’enquête mixte pour tirer cette affaire au clair?
“Cette affaire reste sans solution et tous les efforts déployés en vue de l’élucider n’ont donné aucun résultat, en raison de la position de l’autorité libyenne. “Nous avons la certitude, renforcée par la Justice italienne et libanaise, de même que par les renseignements obtenus au cours des dernières années, que l’imam Sadr et ses deux compagnons, cheikh Mohamed Yacoub et Abbas Badreddine demeurent, morts ou vivants, en territoire libyen. “Nous croyons, aussi, que le régime libyen en la personne de son président, est responsable de ces chères personnes, qu’elles soient mortes ou en vie. “Du point de vue légal, moral et réaliste, je ne suis pas désespéré, mais comme vous le savez, l’écoulement des ans atténue la possibilité que l’imam et ses compagnons soient en vie. Du point de vue juridique, l’imam demeure vivant et est considéré comme tel par rapport à sa famille et à ses biens. Aussi, reste-t-il vivant, à notre avis, jusqu’à preuve du contraire. “En ce qui concerne la commission d’enquête mixte proposée par Kadhafi, nous n’avons pas été surpris; il s’agit d’un leurre qui ne trompera pas l’opinion publique arabe et internationale.

LA COMMISSION D’ENQUÊTE: UN LEURRE
“Une commission d’enquête avait été constituée, en son temps et ses recherches ont donné les résultats qu’on en attendait. Mais le fait d’appeler à la mise sur pied d’une nouvelle commission d’enquête, dix-sept ou dix-huit ans après la disparition de l’imam Sadr, a tout l’air d’une fumisterie visant à occulter cette mystérieuse affaire. “De toute manière, ce régime (libyen), son chef en tête, doit être poursuivi, car il ne s’agit pas d’un crime individuel, mais d’une grande affaire criminelle d’ordre politique, moral et religieux. Il doit être jugé devant les juridictions ayant une dimension locale et internationale. “Cette affaire connaîtra son épilogue, lorsque sera déterminé le sort effectif de l’imam Sadr: ou bien il est vivant et qu’on le libère; à ce moment, nous prendrons à l’égard de Kazzafi et de ses complices les sanctions qui s’imposent; ou bien il apparaît que l’imam a subi le martyre et, dans ce cas, aussi, Kazzafi et ses collaborateurs devront payer pour ce crime abject”.

QUID DES ÉLECTIONS DU C.S.C.?
- Depuis près de vingt ans, des élections n’ont pas eu lieu pour renouveler le Conseil supérieur chiite, ne serait-ce que pour pourvoir aux postes devenus vacants par le décès de Mouhine Osseirane magistrat et Serhane Serhane; ou d’autres membres ayant accédé à la députation, tel M. Assem Kanso ou sont devenus ministres, tel M. Mohsen Dalloul. Des élections seront-elles organisées dans un proche avenir?
“Le retard mis à les organiser était dû à des circonstances contraignantes, dont l’état sécuritaire. Puis, la loi promulguée en 1969 prévoyait une refonte de notre organisme communautaire dont le siège avait été rendu inhabitable lors des événements. “Maintenant, des efforts sont déployés en vue de préparer des élections rendues nécessaires, d’autant que les rouages parlementaires, légaux et exécutifs du C.S.C. ont besoin d’être rénovés et élargis, afin de les rendre plus efficaces: l’université islamique, la direction générale des wakfs et l’organisme de notification islamo-religieux. “Nous espérons, s’il plaît à Dieu, que d’ici à la fin de l’année courante ou au début de l’an prochain, les élections auront eu lieu, après qu’aura été reconsidérée la constitution de l’assemblée générale”.

LES RELATIONS AVEC LE “HEZBOLLAH”
- Comment qualifiez-vous les rapports du C.S.C. avec le “Hezbollah” et quel a été l’objet de la visite que vous a faite, récemment, M. Hassan Nasrallah, secrétaire général de ce parti?
“Ces relations sont positives et nous considérons nos frères et sœurs du “Hezbollah” en tant que force politique à ne pas dédaigner et que nous ne pouvons ignorer. Comme tout le monde le sait, nous avons un discours politique et une vision claire relative au projet de l’Etat, celui de la société politique et par rapport à l’organisation des partis ou associations. Nous avons, également, une vision en ce qui concerne le projet de l’Etat islamique et l’intégration des musulmans chiites au sein de la collectivité nationale. Ils doivent lui appartenir, lui rester fidèles et ne pas se détacher de cette collectivité pour former une entité à part. “Ce sont là autant de constantes et nous traitons avec le “Hezbollah” sur cette base. Tous doivent réaliser que le C.S.C. et moi-même nous nous tenons à égale distance de toutes les parties. Celles-ci sont les plus proches de nous, dans la mesure où elles restent engagées vis-à-vis de ces constantes. “De même, depuis 1978 et avec l’imam Moussa Sadr, nous avons explicité notre position envers le projet sioniste au Liban et dans la région dans son ensemble. Cette position repose sur la résistance totale dans ses portées politique, militaire, spirituelle et culturelle. “Aussi, la vision de l’imam Sadr a-t-elle généré le slogan et jeté les fondements de l’institution: le slogan prohibe tout rapport avec Israël et l’institution a débuté avec le “mouvement des déshérités” et se perpétue jusqu’à ce jour; c’est une institution libanaise ayant défini les bases de la résistance et ses objectifs. C’est pourquoi, nous défendons le droit des Libanais à résister à l’occupant de toutes leurs forces et le “Hezbollah” assume une partie importante de la responsabilité dans ce domaine. Nous le soutenons, aux côtés du mouvement “Amal” qui a, lui aussi, un rôle historique effectif sur ce terrain. “Quant à la visite de M. Nasrallah, elle avait pour but d’échanger les vues sur des questions d’intérêt général, en rapport avec la résistance. Car, à ce moment, l’affaire de Jezzine était à son paroxysme; de même que les revendications de caractère social. Le parti avait présenté aux présidents Hraoui et Hariri une requête consignant ces doléances concernant la région de Baalbeck-Hermel et d’autres problèmes en rapport avec la vie quotidienne”.

LA CITÉ SPORTIVE CAMILLE CHAMOUN
- Au cours du meeting de Nabi Chit et à l’occasion de la controverse instituée autour de l’appellation à donner à la Cité sportive (Camille Chamoun) après sa reconstruction, vous avez suggéré de donner les noms des regrettés présidents Ahmed el-Assaad, Sabri Hamadé et d’autres personnalités à des artères et des organismes officiels, à l’instar d’autres rues et institutions portant le nom d’anciens présidents de la République. Voudriez-vous expliciter le fond de votre pensée?
“Dans notre pays, les noms de personnalités connues ont été données à des avenues, places publiques ou institutions et elles le méritent bien. Les noms de personnalités étrangères restent attachés à d’autres rues et institutions. Je demande à qui de droit de se prononcer sur le point de savoir si ces noms étrangers méritent d’être maintenus et s’ils ne seraient pas préférables de les remplacer par des noms de personnalités libanaises ayant servi la patrie. “Notre attention a été retenue, à ce propos, par la controverse instituée autour de la Cité sportive qui, je le souhaite, doit être clôturée. Par la même occasion, je me demande pourquoi des noms comme ceux de l’imam Sadr ne seraient pas donnés à des rues et à des institutions dans la capitale ou ailleurs, à titre de fidélité à leur mémoire et de reconnaissance aux services qu’ils ont rendus ou ne cessent de rendre à la nation?”

RELATIONS CORDIALES AVEC BKERKÉ
L’imam Chamseddine explique en ces termes ses rapports avec Bkerké et S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir: “Ma relation avec S.B. Mgr Sfeir s’inscrit dans le cadre d’un lien qui nous rapproche de l’Eglise catholique et de la chrétienté en Orient, d’une manière spéciale et, aussi, des chrétiens en tant que collectivité croyante et humaine. “Cette relation émane de la foi d’Abraham. Nous sommes heureux en constatant que la foi chrétienne est profonde, sincère et chaleureuse. J’aspire à ce que les églises soient pleines de fidèles. En plus de cela, nous assumons une même responsabilité, en plus de notre responsabilité vis-à-vis de l’âme des gens et de leur piété. En d’autres termes, nous assumons la responsabilité des citoyens au niveau de la société, de l’Etat et de la patrie. “Sa Béatitude, Mgr Sfeir, est un ami et un camarade. De plus, un lien profond attache le patriarcat maronite de Bkerké au Conseil supérieur chiite sur une voie qui n’a jamais été coupée depuis la création du C.S.C. par l’imam Moussa Sadr. Jusqu’ici, les contacts se poursuivent d’une manière directe ou par l’intermédiaire de nos représentants, des prélats et des amis. “Quant à l’échange des visites entre nous, il est tributaire des besoins inhérents à la rencontre personnelle, celle-ci étant souvent entravée par les circonstances et les obligations des charges qui empêchent chacun de nous de rendre visite aux siens et à ceux qu’il affectionne.”

PRÉSIDENTIELLES IRANIENNES
A propos des dernières présidentielles en Iran, l’imam Chamseddine a dit: «Nous avons accueilli avec satisfaction l’élection par le peuple iranien de M. Mohamed Khatimi, homme cultivé aux larges horizons. Nous espérons que Dieu lui donnera la force de persévérer avec ses frères dans la voie du redressement et de la prospérité de la république islamique, en coopération avec ses voisins, pour déjouer les complots ourdis contre l’Iran par le sionisme mondial. “La république islamique d’Iran va à l’encontre du projet sioniste que soutiennent certaines forces internationales, lesquelles adoptent à l’égard de l’Iran une position non équitable. “Cependant, je ne m’attends pas à des changements fondamentaux dans la politique extérieure qui pourrait subir des modifications mineures n’affectant pas son essence. En revanche, nous nous attendons à des changements au plan intérieur, sinon le peuple iranien aurait accordé ses suffrages à cheikh Natek Nouri.”

NETANYAHU ET SA POLITIQUE
“La politique suivie par Benjamin Netanyahu se traduira, à mon avis, par plus de violation des droits arabes, chrétiens, islamiques et palestiniens et par la spoliation des territoires occupés illégalement par Israël. “La dénonciation par Tel-Aviv de l’accord d’Oslo vise à se rapprocher du projet diabolique, celui de la Bible, en brisant toute velléité de résistance au double plan intérieur ou extérieur, politique ou sur le terrain. “Je ne m’attends pas à une guerre régionale, mais à l’intensification des opérations de la résistance, ce qui entraînera une plus grande répression de la part de l’Etat hébreu. Il n’y aura pas de guerre, non parce que les Arabes ne disposent pas des armes nécessaires, mais en raison de leur manque de solidarité et d’accord sur l’idée de libération de la Palestine. “Quant à Israël, il n’a pas besoin de déclencher une nouvelle guerre, car il compte tout obtenir avec le moindre prix, d’autant qu’il a pu percer le système politique et économique arabe et s’attaquer à son système culturel. “Actuellement, les Etats Unis n’utilisent pas leur force contre Israël, pour servir l’équilibre dans la région, mais contre les Arabes. J’estime qu’il est impératif de ne pas se soumettre aux exigences américaines... Tout ce qui s’est passé au cours des derniers mois, à savoir: la décision de coloniser Jabal Abou-Ghoneim et la volonté exprimée par le Congrès US de transférer l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem, tout cela sert Israël. “De là, notre confirmation de la vision qu’incarne le président Hafez Assad avec les forces vives du monde arabe et islamique. Nous relevons avec bonheur le fait pour l’Egypte et l’Arabie séoudite, en la personne du président Moubarak et du roi Fahd d’aligner leur position sur celle du président Assad, sans perdre de vue la position de l’Iran... Mais nous constatons que, durant les derniers mois, une alliance israélo-turque s’est constituée avec l’appui des Américains, ayant vraisemblablement pour but d’ébranler le front arabe, en fomentant des troubles dans le triangle où se retrouvent les frontières syro-irano-irakiennes.”

CRISES DE SOCIÉTÉ ET DE RÉGIME EN TURQUIE
L’imam Chamseddine explique l’attitude de la Turquie par le fait que ce pays fait face à une double crise, de société et de régime, provoquée par le conflit opposant le courant islamique au courant laïc. “Je m’adresse au président Demirel et à toutes les fractions du peuple turc acquis à la laïcité, pour leur dire que la solution ne consiste pas à fomenter des crises extérieures, ni à transposer le problème en dehors des frontières. Les Kurdes font partie du peuple turc et des musulmans. “La solution réside donc dans la nécessité de reconsidérer la formule sur base de laquelle a été édifiée la Turquie moderne. Il s’agit de s’assurer si la laïcité prônée par Ataturk demeure valable. Est-elle appliquée, maintenant, en Europe occidentale et aux Etats Unis comme au premier quart de ce siècle? “Puis, la démocratie turque doit être sauvegardée, non par l’armée, mais par le peuple, de même que le régime laïc. L’élite turque est appelée à se concerter, à l’effet de trouver une solution acceptable par toutes les composantes de la nation.”

NON AUX MASSACRES EN ALGÉRIE AU NOM DE L’ISLAM
Par ailleurs, le président du C.S.C. condamne les massacres qui se commettent en Algérie au nom de l’Islam. “Les islamistes, soutient-il, brisent l’Algérie, tout en portant atteinte à son renom, à l’Islam et aux Arabes. “Mais en même temps, l’Etat et certains de ses organismes ont commis des erreurs graves contre la société. Nous compâtissons au sort de nos frères et sœurs algériens qui sont victimes du terrorisme et de la violence, quels qu’en soient les auteurs. “Nous voulons espérer que le leadership ayant émergé des dernières élections, la nouvelle législature qui en est issue et toutes les forces politiques, conjugueront leurs efforts pour sortir le pays de ce cercle infernal et mettre un terme à ce bain de sang.”

ELIAS AOUN et HUSSEIN KOTEICHE

 

 


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