Par MARY
YAZBECK AZOURY.
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PONTIFEX MAXIMUS
“L’Etat c’est moi”... Il ne l’a pas dit explicitement, mais
c’est tout comme! “Il” c’est le Premier ministre libanais, Rafic Hariri
qui se f... du tiers comme du quart et poursuit son petit bonhomme de chemin.
Il y a un proverbe arabe qui se rapporte au célèbre Antar,
où on lui demande: “Qui t’a fait Antar?” et Antar le conquérant
répond tout simplement: “Je n’ai trouvé personne pour m’arrêter.”
Or, c’est le cas au Liban. Le “Pontifex Maximus” ne trouve personne sur
son chemin. Il fait ce que bon lui semble, comme il lui semble. Les députés
et ministres critiquent, mais cela ne va jamais jusqu’à la démission.
D’ailleurs, M. Hariri s’est assuré que plus de la moitié
des ministres sont aussi députés. D’où la confusion
totale entre le Législatif et l’Exécutif, alors que le Législatif
est censé contrôler l’Exécutif. Mais aujourd’hui qui
contrôle quoi? Le plus grand désordre règne au niveau
des institutions. Le Libanais est condamné à vivre “L’Ecrevisse”
d’Apollinaire: “Incertitude, ô mes délices Vous et moi nous
nous en allons Comme s’en vont les écrevisses, A reculons, à
reculons.”
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FAUT-IL MENDIER À LA PORTE DES ÉGLISES
ET DES MOSQUÉES?
“Le travail, j’ai rien contre, c’est le temps qu’on y perd qui
m’exaspère”, fait dire Marcel Pagnol à un de ses personnages.
Alors qu’en serait-il au Liban, où les 80% de la population gagnent
autour de 350.000 L.L. ou moins (220 dollars US) mensuellement. Non seulement
le travail régulier devient une perte de temps, mais le salaire
ne suffit pas à couvrir une facture d’électricité
ou de téléphone, sans compter les factures de l’eau, les
taxes municipales, les frais de transport, les frais d’habillement, les
frais médicaux, en sus du boire et du manger, des scolarités,
du logement, etc... etc... Alors comment fait-on pour vivre au Liban? Il
ne s’agit plus de “vivre” mais de survivre et de déshabiller Saint
Pierre pour habiller Saint Paul et vice-versa. Les Libanais dansent sur
une corde raide et sont devenus des virtuoses du jonglage ou plutôt
des jongleries. Pendant ce temps, Hariri, Sanioura et consorts s’en vont
prêcher la bonne parole à l’étranger et décrivent
toutes les béatitudes que vivent les Libanais qui ne connaissent
pas leur bonheur. Et on les croit parce qu’ il est plus rentable pour n’importe
quel pays étranger qui veut faire des affaires au Liban de croire
M. Hariri que monsieur Toutlemonde. Et tant qu’on ne voit pas les Libanais
en train de mendier aux portes des églises et des mosquées
et que les tours en béton continuent à grimper, on pense
qu’effectivement, la vie est en rose du pays des Cèdres.
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L’ABRUTISSEMENT PAR LA TV
Le meilleur sport national est devenu l’abrutissement par la
TV. On ne parle pas ici des jeux, ni des “mexiquaneries”, ni des productions
locales, ni des programmes soi-disant humoristiques, nous parlons des nouvelles
qui n’en sont pas. En quoi consiste la nouvelle, quand on nous raconte
que le président a reçu M. X. ou M. Y. ou M. Z., et qu’ils
ont discuté de sujets intéressant les deux parties? Puis,
c’est le défilé des “Salamleks”... Comme “le renard passe
passe, à chacun à son tour”, c’est au tour du chef du Législatif
et de son défilé; puis, celui de l’Exécutif et de
son cirque... Dans la pire des républiques bananières, cela
ne se passe pas ainsi. D’après la théorie de Jules Romains,
il y a quatre catégories d’hommes politiques: “1 - Ceux qui ont
quelque chose à dire et le disent: c’est naturel. 2 - Ceux qui n’ont
rien à dire et se taisent: ils ont raison. Ce sont les plus rares.
3 - Ceux qui ont quelque chose à dire et ne le disent pas: c’est
regrettable. 4 - Enfin, ceux qui n’ont rien à dire et veulent quand
même le dire: c’est déplorable. Ce sont les plus nombreux”.
A croire que Jules Romains avait écouté les bulletins d’information
de nos stations de TV. Mais comme rien ne change sous le soleil...
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BOUEZ, FRANGIÉ, ARSLAN & CO
Nos ministres se réveillent un peu tard. Cela fait des
mois que la presse en général et dans ces mêmes colonnes,
on dénonce les “compétences croisées”, les “pouvoirs
usurpés”, “la démocratie confisquée”, ce n’est qu’il
y a quelques jours que messieurs Farès Bouez, Sleiman Frangié
et Talal Arslan ont finalement osé parler. Depuis des mois que le
ministère des Affaires étrangères se voit couper l’herbe
sous le pied, il était temps de mettre les pendules à l’heure.
Les choses se passent au Liban d’une manière fort désinvolte.
Les diplomates étrangers se baladent dans le pays, rendent visite
à tel ou tel ministre, à tel ou tel dignitaire non laïque,
à tel autre non civil, au vu et au su du ministère et sans
que les rendez-vous soient pris par le truchement du ministère des
A.E. comme cela se passe dans tous les pays civilisés. Le Premier
ministre discute affaires étrangères hors de la présence
du ministre titulaire. Si les Affaires étrangères intéressent
tant le chef de l’Exécutif, il n’a qu’à imiter le président
du Conseil Hajj Hussein Oueiny, qui se réservait ce portefeuille
dans la plupart des ministères qu’il a formés. C’est plus
net, plus logique et plus crédible. Un autre que M. Farès
Bouez aurait démissionné depuis longtemps. Mais on sait ce
qui retient les ministres maronites, ils ne bougent qu’acculés,
car il visent tous-même s’ils le démentent - la présidence
de la République ou la magistrature suprême. Bravo à
M. Sleiman Frangié qui a parlé avec une franchise et un courage
dignes de sa jeunesse. Il a dénoncé la politique des deux
poids deux mesures pratiquée par de nombreux responsables. Il a
osé dire clairement, que quand les “maronites” parlent, ils sont
accusés de “maronitisme politique”, mais quand les “sunnites” ou
autres parlent, aucun commentaire péjoratif n’est fait. Talal Arslan
a aussi émis des réserves à l’égard de la politique
gouvernementale. C’est un peu tard... Mais mieux vaut tard que jamais.
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TOURISME, PAUVRE TOURISME!
A ce qu’il paraît que le Liban est le paradis du touriste.
Du moins selon M. Fattouche. Mais si l’on voit la réalité
des choses, cela se passe un peu différemment. Ce n’est pas le nombre
de festivals, qui va attirer les étrangers au Liban, mais un meilleur
contrôle des prix et un plus large déploiement de la police
touristique pour venir au secours de l’étranger dans ce pays. Car,
en fait de secours, ce touriste en a bien besoin! En premier lieu, l’arrivée
à l’aéroport: donner la priorité aux passagers en
compagnie d’enfants. La semaine dernière, une jeune libano-allemande
accompagnée de son fils de sept mois a dû patienter plus d’une
heure, pour pouvoir quitter l’AIB avec le bébé fiévreux,
pleurant et hurlant. Elle a eu beau demander qu’on la laisse passer en
priorité, rien à faire. Or, dans tous les pays du monde,
il existe une ligne prioritaire pour les personnes accompagnées
d’enfants en bas âge et pour les personnes âgées. Le
second cas: il s’agit d’une jeune libano-australienne qui a eu le malheur
de circuler à Achrafieh, place Sassine en portant un corsage-brassière
lui dénudant l’estomac, tenue qui est partout en vogue et ne suscite
aucun commentaire ailleurs, surtout par la canicule ambiante. Une bande
de jeunes en voiture l’a suivie pendant plus d’un quart d’heure, multipliant
les quolibets avant l’intervention d’une passante qui l’a faite rentrer
dans un café, alors que la jeune fille en pleurs jurait de ne plus
revenir chez ces “sauvages”. Le troisième cas est celui d’un adolescent
qui se trouvait avec ses parents dans une administration publique: des
libano-canadiens. Le jeune adolescent portait des bermudas et un T-shirt
sans manches. Le fonctionnaire lui a demandé d’une manière
sèche et insolente d’aller “s’habiller” avant de se présenter
à son bureau. Pourquoi? Un ministère est-ce un lieu de culte?
En quoi un short et une chemise à bretelles peuvent-ils offenser
la pudeur publique? Et on pourrait continuer longtemps n’en déplaise
au ministre du Tourisme. Le touriste vient pour passer des vacances agréables
et non pas pour recevoir des leçons. Dans tous ces cas, ces personnes
ne savaient à qui s’adresser, pour se plaindre, sauf à la
presse.