Bloc - Notes


Par ALINE LAHOUD..

EST-IL TROP TARD POUR RECTIFIER LE TIR?

Décidément, on ne s’ennuie pas avec le président Hariri. Nous avons beau nous attendre (depuis cinq ans que nous le pratiquons) au comportement le plus irrationnel, il réussira toujours à nous surprendre. Loin de nous l’idée de critiquer sa philosophie politique, basée sur le mouvement perpétuel. Nous aurions vraiment mauvaise grâce à lui reprocher son dynamisme. Bien au contraire, nous lui sommes reconnaissants de porter la voix du Liban aux quatre coins de la planète et même au-delà, puisque les terriens sont déjà aux portes de Mars. Il faut le comprendre. Il a vécu si longtemps (notamment pendant la guerre) en dehors du Liban que le simple fait - depuis qu’il est devenu Premier ministre - d’y faire escale, de temps en temps, est une faveur qu’il convient d’ap-précier à sa juste valeur. Pour tout dire, nous sommes fiers qu’il ait foulé presque tous les tapis rouges des Etats qui constituent les Nations Unies et nous nous sentons frustrés qu’il existe encore quelques-uns qu’il n’a pas encore découverts entre la Papouasie et le Kirghizistan. Certains coupeurs de cheveu en quatre relèvent des contradic-tions inexplicables dans sa façon de gouverner le pays. Ils vous diront, par exemple, qu’au chiffre auquel plane sa fortune, il devrait être pour l’économie libre, voire pour le capitalisme sauva-ge, au lieu d’imposer des mesures protectionnistes propres à nous pénaliser, tout en nous aliénant nos partenaires commerciaux. D’autres se demandent par quelle étrange logique un homme qui fait mettre en prison un chef syndicaliste qui voulait organiser des marches pacifiques à Beyrouth, s’est-il précipité, toutes affaires cessantes, en Espagne pour manifester contre les Basques! D’autres encore trouveront bizarre qu’il puisse quitter le pays en pleine crise intérieure, sans compter la menace israélienne de plus en plus précise, pour s’en aller à l’étranger sillonner son chemin d’accords commerciaux mineurs, comme le faisait jadis le petit poucet avec de la mie de pain. Quelle urgence y avait-il à cela? Et si l’Espagne nous a consenti un emprunt de quelques dollars, qu’y avait-il à récolter au Turkménistan, à part enrichir nos statuts personnels de nouveaux naturalisés? Quoi qu’il en soit, n’est-ce point là le rôle du ministre des Affaires étrangères? Si Fouad Sanioura, qui fut toujours un employé modèle de M. Hariri, obéit sans rechigner, grâce à une longue habitude, si Yassine Jaber semble tout heureux que le chef du gouvernement veuille bien l’emmener avec lui en promenade, si Bassem Sabeh est venu spécialement pour se faire satelliser, tel ne semble pas être le cas de Farès Bouez qui rue dans les brancards; ni celui de Sleimane Frangié qui n’a pas caché sa mauvaise humeur à Dimane, dénonçant sur le mode acerbe l’intolérance politico-confessionnelle du Premier ministre. Mais notre Sindbad de cheikh Rafic s’en moque. Lui, il carbure sur deux lignes-force. Premier créneau: le Liban, c’est lui, l’attaquer ou simple-ment le critiquer, c’est sortir le pays de l’Histoire avant de le bouter hors de la géographie. Deuxième créneau: la moindre opposition à son omnipotence est considérée comme un défi majeur à la Syrie. Du gros calibre, qu’on se le tienne pour dit! Est-ce exact? Accordons-lui le bénéfice du doute. Mais dans ce cas ne pourrait-il agir, du moins sur le plan intérieur, avec une certaine autonomie, du moment qu’il pèse si lourd dans la balance syrienne? Le traité de fraternité et de coordination avec la grande sœur nous fait-il obligation fraternelle de demander la permission à Damas pour gagner un match de football (permis-sion qui semble d’ailleurs avoir été refusée). Et enfin, puisque l’équipe syrienne nous a battus - qu’elle en soit remerciée - pourquoi ses supporters ont-ils démoli le matériel et ravagé la cité Camille Chamoun en toute impunité, au grand scandale des commentateurs omanais et séoudiens qui n’en croyaient ni leurs yeux, ni leurs oreilles? Réaction de nos dirigeants? Nulle. Il faut dire qu’au Liban, il y a longtemps que gouvernants et gouvernés ne sont plus sur la même longueur d’onde. Dommage, vraiment dommage! Quand cheikh Rafic a accédé à la tête du gouvernement, on l’a supposé grand. Maintenant, on commence à le trouver long...


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