Chronique


Par José M. LABAKI.

ÉTATS-UNIS - EUROPE DUEL DE TITANS

La situation ambigüe qui prévaut entre les Etats-Unis et l’Europe des Quinze, n’est pas à son zénith. Les Européens sont contraints de passer sous les fourches caudines du protectionnisme américain. L’histoire nous enseigne que rien n’a changé au pays de l’Oncle Sam. Bill Clinton, tout comme ses prédécesseurs, en ont fait un dogme. Elle ressemble à la fable du loup et de l’agneau. La politique libre-échangiste prônée par Jacques Delors, représente l’animal docile, la concurrence mondiale, européenne incluse et le loup. A l’opposé de ses prédécesseurs, laissant les basses besognes à ses seconds, Bill Clinton, lui, monte aux créneaux, pour accuser, tambour battant, ses partenaires européens des pires turpitudes commerciales qui, au quotidien entravent l’économie américaine, responsables de tous les malheurs outre-atlantique. Les Européens, à leur tour, sont fort déçus des réticences américaines à bien des égards. Jacques Delors, alors président de la commission de Bruxelles avait tenté, dans le temps, de convaincre le président Clinton des bienfaits de la politique de libre-échange, pour obtenir quelques apaisements sur la politique commerciale américaine; il n’avait obtenu qu’intransigeance et désillusion. Aujourd’hui, rien n’a changé. Les propos clintoniens sont plus musclés que jamais, arguant que les concurrents de l’Amérique doivent savoir une fois pour de bon, “que nous n’accepterons jamais les pratiques qui empêcheraient nos agriculteurs et nos entreprises de vendre leurs produits à l’étranger et de créer un marché de travail chez nous.” Et d’ajouter, l’arrogance cédant au défi: “Nous ne nous replierons jamais sur nous-mêmes pour jouer les morts, comprenne qui voudra!” Les Européens, aurait affirmé un porte-parole de l’Administration américaine, cuisi-nent comme des cochons sur le gril, conseillant à ceux-ci, de réduire le coût de leurs produits, leurs somptueuses subventions à l’agricul-ture, leurs hauts salaires, les impôts élevés sur les bénéfices des sociétés et leurs programmes onéreux, en les incitant surtout à augmenter la durée de la semaine de travail, au lieu de la réduire, ainsi que la mobilité géographique de la main-d’œuvre et ce, en faveur d’une économie européenne plus solide, plus équilibrée et durable.

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Toutefois, le concept de l’Europe supranationale est-il en perte de vitesse, tel un mirage, selon les lieux et l’opportunité circonstanciels? L’Europe, aurait dit le général De Gaulle, il faudra bien qu’elle se bâtisse un jour, on en parle depuis Jules César, Othon, Charlemagne, Charles-Quint, Louis XIV, Napoléon et Hitler. Mais où se fera-t-elle? Fasciné qu’il était par ses vues prophétiques, il n’hésitait pas à dire haut et fort: “il existe une loi de la mécanique selon laquelle les corps fluides et volatiles, s’attachent aux corps les plus solides. Quel est donc le corps le plus solide en Europe? L’Italie de son temps, n’avait pas encore fêté son centenaire; l’Allemagne, elle attendra longtemps encore pour célébrer une unité aux pieds d’argile; la Belgique, a été inventée par l’Angleterre pour se venger de Napoléon; la Hollande? des provinces bâtardes grouillant de mille difficultés; les Anglais, eux, arrivent avec leur cortège de clients, à la remorque de l’Amérique et reprendront leur politique traditionnelle sur le vieux Continent. Et d’ajouter: à quoi bon se débattre sur le balancier de l’Europe, il n’y a qu’une seule cité capable d’exercer une influence, c’est Paris. Ne doutez pas, qu’en fin de compte, Paris du désir avoué ou non de tous, ne finisse par être, la capitale de l’Europe qui se construira!” Certes, le calendrier de l’évolution des diverses menta-lités européennes devrait être, désormais, programmable dans de meilleures conditions qu’actuellement. Les bâtisseurs de l’Europe qui basculent dans l’économie, doivent évoquer les principes de la démocratie représentative, du règne de la loi, de la justice sociale, du respect des droits de l’homme, qui constituent les éléments fondamentaux de l’identité européenne. L’esprit de l’Europe serait-il un espace symbolique au sein duquel s’échangeront des décisions controversées? C’est dans une Europe forte et unifiée que le monde place tous ses espoirs et non ailleurs. Le moment est venu de donner un nouvel élan à l’Europe, pour surmonter par des mesures préventives, les dernières sources de division que l’Histoire a léguées au vieux continent. Le moment est venu pour l’Europe de prouver sa détermination à surmonter, définitivement, les antiques scissions et à assurer à ses peuples un avenir de paix et de prospérité et pour autant, ultra libéral. Seuls les esprits chagrins se hasarderont à douter de la résurrection d’une Europe communautaire revigorée, capable de se libérer des fourches caudines américaines, œuvrant pour un partenariat loyalement négocié entre égaux sous l’égide d’une morale politique à toute épreuve. Nous lui souhaitons bonne chan-ce, car elle en a tellement besoin!


“L’Europe ne doit pas compter indéfiniment sur la locomotive américaine pour la sauver du marasme où elle vit. Nous ne nous replierons jamais sur nous-mêmes, pour jouer les morts. Comprenne qui voudra.”

Bill Clinton (A ses partenaires européens)


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