UN LEADERSHIP... MAIS SUR DES JAMBES EN ROSEAU
Tout a une fin. Nul ne peut gou-verner par l’arrogance,
le com-plexe de supériorité, l’humeur changeante et le souffle
court. Le pouvoir se caractérise par le com-portement sage et la
modestie qui sont la voie la plus courte pour atteindre les cœurs. Les
gens ne peuvent nous servir de cobayes, sur lesquels nous expérimentons
tout ce que nous proposons ou envisageons de réaliser à leurs
dépens.
De même, la tête de tout gouver-nant doit rester
froide; il ne doit pas se laisser griser et croire, à un moment
donné, lorsqu’il est pris par le prestige de l’autorité,
que les gens sont ses subordonnés dont il peut disposer à
sa guise, comme le ferait un propriétaire de son bien et un ayant-droit
de ce qui lui appartient.
Ce mode de pensée et de pratique est révolu;
il a été supplanté par la modestie, le bon traitement
des gens qu’on est appelé à servir. Ainsi, l’un de nos grands
monarques, homme de ce temps, j’ai nommé S.M. le roi Fahd Ben Abdel-Aziz,
s’est fait appeler “Serviteur des deux mosquées”. Il s’est réjoui
du terme “servir”, car il signifie modestie et engagement à l’égard
de tout ce qui est sacré. Il n’est pas permis à un gouvernant
de se montrer arrogant, de se pavaner comme un paon, de manifester son
court souffle, au risque d’effaroucher les gens. Surtout quand il montre
d’un geste de la main qu’il n’a pas de temps pour les recevoir et engager
le dialogue avec eux; ouvrir sa porte pour les rencontrer et ses oreilles
pour les entendre ou son cœur afin de compatir à leur sort.
Cette manière de traiter les citoyens n’est plus de
mise, car la terre n’est nullement à l’étroit avec ses habitants;
ce sont les rêves des hommes qui retrécissent.
Les poitrines non habituées au leadership qui leur
a échu par hasard et d’une manière boîteuse, ces poitri-nes
ne sont pas habilitées à occuper l’avant-scène, ni
à se montrer dignes des bases du commandement sage et noble. C’est
une joie procurée par un leadership fra-gile dont elles se réjouissent
au plus bas niveau, alors qu’elles se sont introduites sur sa scène
par la porte-arrière, au moment où la scène était
vidée de ses cavaliers authentiques.
Ces paroles se répètent partout; les gens les
évo-quent en constatant que leur patrie est devenue dislo-quée
et non pareille aux autres patries.
Rien ne marche au Liban... contrairement aux slo-gans propagés
ces temps-ci. Pour être précis, nous dirons qu’il marche vers
l’inconnu, vers un destin que personne ne réalise et nul n’aime
imaginer sa fin!
L’unique obsession de certains est celle du travail et du
gain momentané. Mais que laissons-nous pour plus tard, à
nos enfants et à l’Histoire? C’est le dernier sujet qui effleure
notre imagination. L’important est de voir passer les vents et d’être
à l’abri de la tempête; nous nous cachons à l’ombre
des murs en béton armé et en fer, ne nous souciant pas de
ce que d’autres peuvent en être affectés. La protection des
gens n’est pas notre affaire, de même que leur bien-être et
leur bonheur.
Nous vivons à l’ombre d’un rêve qui nous est
venu par erreur; aussi, devons-nous jouir de toutes ses grâces. Le
plus grand de nos rêves nous valait le dixième de ce dont
nous jouissons aujourd’hui. Le temps était généreux
avec nous, l’argent ayant été l’un des éléments
du jeu.
De même, nous avons traité avec les âmes
faibles qui capitulent face à l’argent et laissent aliéner
leur liberté. Nous avons profité de leur capitulation pour
édifier un leader-ship, mais en rêve sur des jambes en roseau,
qui ne résiste pas au vent.
Tous les capitaux dont doit jouir un leader, nous n’en disposons
d’aucun, en dépit de cela, nous avons pu démarrer. C’est
ce que certains disent quand ils reviennent à eux-mêmes et
se regardent au miroir; ils se mettent à rire si fort, qu’ils en
viennent à perdre connaissance. Il baise le miroir et l’essuie pour
la garder net et clair, afin de reproduire avec éclat leur image.
“O terre, ressaisis-toi; personne n’est à ma mesure”.
L’arrogance augmente et s’amplifie, la griserie produisant
son effet dans les têtes. Cette griserie qui porte à commettre
des forfaits, ils la font paraître comme une vérité
qu’ils méritent. Cependant, ils savent en leur for intérieur
qu’ils vivent avec un habit trop large pour leur taille, au point d’être
la risée des autres. Et même des profiteurs dont personne
ne peut acquérir la loyauté, car l’argent sert à acheter
les services, sans plus. Quant au cœur et à la conviction, leur
prix équivaut à celui de la conviction et du cœur.
Vous voyez ceux qui proclament leur allégeance aux
nouveaux leaders, rire entre eux et dire: Ce profit nous le méritons,
mais non eux, car il leur a échu sans qu’ils le méritent,
sans dignité ni fierté. ***
En conclusion, l’autorité et l’argent n’échoient
vraiment qu’à ceux qui en ont le droit. Il n’y a pas de dignité
à celui qui n’en a pas ou à quiconque veut obtenir un acquis
par la fatuité, la force et le pot-de-vin.
Un boueur dans son droit est plus fort qu’un chef d’Etat
n’ayant pas le droit de son côté. Quant à se réclamer
de proches qui n’en ont pas à revendre, cela ne transforme pas le
mensonge en franchise, ni la corruption en pureté, si nombreux que
soient les gens à claque, en plus de ceux qui font semblant d’admirer
et de se réjouir. Ceux dont nous nous entourons pour nous présenter
le faux en vrai, nous mènent vers une fin certaine qui se retournera
contre eux et contre nous.
Certains proches conseillers ont posé cette question
à Ali Ben Abi-Taleb: Pourquoi le califat a-t-il abouti à
ce qu’il est en votre temps, alors qu’il n’était pas ainsi au temps
de Abi-Bakr et Omar? Il répondit: Parce que Aba-Bakr et Omar étaient
entourés de gens qui me ressemblaient, alors qu’autour de moi gravitent
des gens comme vous.
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